J'ai vécu cela, en tant que colon puis en tant que mono...
L'hôtel "Belleveue" centre de vacances pour les enfants du Dpt de la Vienne. De retour chez mes parents à Mirebeau.
Juillet 1956, je venais de faire ma communion solennelle, cet été là, mes parents étaient très occupés par la mise en route de leur affaire commerciale et l'aménagement de notre maison, louée, rue Hoche à Mirebeau, pour ne pas m'avoir dans leurs pattes, ils m'ont donc placé en colonie de vacances, celle organisée par la paroisse sous la férule de l'abbé G. un bonhomme bien sympathique et particulièrement dynamique. Le séjour s'effectuait sur trois semaines à la Grière-plage commune de La Tranche/mer en Vendée...
Avec d'autres enfants du pays mirebalais, je découvris l'ambiance mi scout mi patronage des colonies de vacances de cette époque. D'abord revêche, je me fis vite au déroulement des journées animées par des moniteurs bout en train, pas trop sévère et même apte à nous réconforter quand on avait le coup de blues. Je découvris là, des aspects de la vie de groupe bien différents de ceux, ultra disciplinaires des pensionnats et un tout autre esprit bien plus détendu qui permettait de s'engager avec enthousiasme dans les équipes de même tranche d'âge et les jeux de plein air qui étaient proposés en matinée et en soirée...
Me revient cette anecdote. Non loin de la plage, avec les monos, nous avions fabriqué un sautoir sur une partie en dénivelé. Ensemble de planches en surplomb, étayées par un piétement solide de poteaux enfoncés dans le sol sableux, le tout bien arrimé. Il suffisait de s'élancer en amont, d'arriver au pas de course et de prendre son envol au bout de la planche servant de tremplin pour arriver 1,5 m plus bas en roulé-boulé dans le sable. Les plus audacieux réalisaient un salto avant. Bien plus prudent, je me contentais d'un appel du pied en bout de tremplin pour sauter et m'étaler dans le sable en contre-bas. La seul fois où j'ai voulu réaliser un roulé boulé, c'est sur la tête que je suis tombé. Aie aie aie !... j'étais à moitié sonné. Le mono de service est arrivé à la rescousse. Plus de peur que de mal mais il me fut interdit de sauter depuis ce tremplin de fortune.
Parmi les anecdotes qui me reviennent en mémoire, il y eut cette sortie cinéma à la salle de projection de la Tranche/mer. Nous étions allés voir le film de Christian Jaque « Si tous les gars du monde ». Grand moment d'émotions...
Parti de la maison quelque peu déçu, je revins enchanté de mon séjour, heureux d'avoir participé à pas mal d'activités avec mes petits camarades colons.
Quelques jours avant la quille... n'ayant pas mon permis de conduire, j'effectue tous mes déplacements en mobylette - La Malinerie d'Aslonne aujourd'hui - Soirée danses folkloriques - attestation de formation.
1964... Mono à mon tour.
Le 30 juin 1964, enfin la quille ! Je suis tout juste libéré du service militaire... et le 1er juillet, j'arrive à La Malinerie d'Aslonne, au Sud de Poitiers, où j'effectue un stage CEMEA de 10 jours pour être moniteur de colonie de vacances. Ambiance jeunesse, sport et jeux ; les journées passent vite entre cours théoriques, le matin : notions de psychopédagogie, de soins hygiène, des premiers gestes de secours, et pratiques d'animation complétées de petits travaux manuels l'après-midi et en soirée. Nous sommes une trentaine de stagiaires hommes et femmes, dans une palette d'âge de 19 à 45ans, apprentis mono. Nous découvrons des tas de jeux d'intérieurs et d'extérieurs pour petits et grands, nous apprenons un bon nombre de chansons entraînantes pour bambins et ados puis faisons de la danse folklorique en veillée. A l'issue de cette formation éclaire et condensée, nantis de l'attestation de stage, nous n'avons plus qu'à nous trouver une colonie pour la valider. A chacun d'entre nous a été remis la liste d'établissements de vacances pour enfants et adolescents, de notre région ayant besoin d'animateurs ; des postes sont à pourvoir immédiatement.
Le 11 juillet, suite à un appel téléphonique, je file à Mézière-en-Brenne (Indre) au château de Beauregard où, le soir-même, je suis embauché comme moniteur par Marcel Planche le directeur de cette colo du CE de la RATP. Je resterai là deux mois de suite jusqu’au 10 septembre.
Une époque de jeux, de rires et de saines aventures...
Le premier mois, je suis affecté au groupe des petits de 6 à 7ans sous la houlette de Raymonde responsable de Groupe. En comptant Georges et Martine, nous sommes quatre monos pour encadrer une trentaine de pioupious. Les filles en short de toile bleu et polo rouge, les garçons en short bleu et polo jaune. Les enfants de cet âge là, remuent beaucoup, courent le plus souvent, sont bavards, posent des litanies de questions, sont enthousiastes pour toutes les activités qu'on leur propose. Toutefois, il faut souvent répéter les règles des jeux auxquels ils participent car ils les oublient dans le feu de l'action ou ne les comprennent pas à la première explication. L'autre aspect, lié à leur âge, c'est qu'ils se lassent vite et se déconcentrent rapidement sans pour cela être fatigués. Au cours d'une matinée, il faut souvent changer de jeux et donc disposer d'une bonne palette d'activités récréatives pour les occuper et canaliser leur énergie.
« La cage au écureuil » ouvre ce temps en extérieur puis on joue à « la gamolle » qui les mets en mouvements et les fait beaucoup rire car, dans ce jeu d'approche, il faut défier le mono gardien de la gamolle, et c'est grande joie quand on a trompé sa vigilance en shootant dans le ballon, à deux mètres du gardien, pour l'envoyer le plus loin possible avant d'être identifié par lui, obligé de taper avec son bâton sur sa grande gamelle en fer blanc (la gamolle), avant de citer haut et fort le prénom de celui ou celle qui jaillit des fourrés. Cris triomphants pour celle ou celui qui parvient, de la sorte, à libérer ceux qu'il a fait prisonnier. Retour au calme par un jeu plus classique, assis en rond, genre « chandelle » ou « mouchoir » ou « grenouillette »...
A midi et demi, tous, colons, monos, directeur et agents de gestions se retrouvent à la cantine. Chaque tablée a son mono pour veiller à la bonne tenue du temps de repas qu'il partage avec son groupe d'enfants. Tout se déroule dans une ambiance détendue et joyeuse. Au moment du dessert, le directeur qui affectionne le chant, fait reprendre par toute l'assemblée des airs du répertoire classique de la colo ou de chansons populaires tel que « C'est un fameux trois mâts » de Hugues Aufray.
De 13H45 à 14H45 , c'est sieste obligatoire pour les petits.
L'après-midi, les activités peuvent varier entre grand jeu style "course aux trésors" ou sortie promenade ou visite de sites. A Beauregard, le CE RATP dispose d'un vieil autobus parisien, un authentique Renault TN4 à plate-forme arrière. C'est notre collègue Georges employé de la régie qui en est le chauffeur attitré. Il emmène régulièrement les différents groupes à l'étang de Bellebouche pour la baignade dans le lac.
Bien sûr, notre rôle d'animateur ne se borne pas à l'amusement des gamins, il faut être présent pour tout ce qui touche à la vie domestique, toilette, rangements de vêtements et de leurs petites affaires personnelles, savoir faire son lit. Il y en a encore quelques uns, parmi les plus jeunes, affectés d'énurésie nocturne. Et puis le soir, avant de s'endormir, il faut accorder ce temps de pause câlin aux plus chagrinés par l'éloignement de leur famille...
Chaque mono dispose de 24 heures de congé par semaine. La prise en charge des enfants se reporte alors sur les 3 autres encadrants du groupe. Il y a aussi deux monos tournants qui, selon les besoins en effectif d'encadrement, vont se joindre à d'autres groupes. Il arrive aussi que le directeur vienne donner un coup de main, ici ou là, pour l'animation d'un super jeu de piste ou Rallye, par exemple, pour tenir un poste de contrôle dans un grand jeu ou lors d'un déplacement à l’extérieur de la colo.
Lors de mon premier congé, j'ai repris ma mobylette pour un raid de 400km accompli en 24 heures, raconté ici.
Mézigue en "Herbiseck" - Pique-nique à l'étang de"Bellebouche" (ça ne s'invente pas) ... Georges l'économe fait manger Marcel le directeur de la colonie - Bande de monos (Je suis à gauche sur la photo)...
De la mi août à la mi septembre, les enfants du premier séjour retournés chez eux, ce sont ceux de la deuxième vague d'été que nous accueillons. Il y a aussi permutation de monos, certains n'accomplissant qu'un mois d’accompagnement. A cette occasion je suis affecté à un groupe de plus vieux des 10 – 11ans. Tranche d'âge de l'enfance déjà plus ingrate où la pugnacité le dispute à la contestation parfois à la bouderie persistante. Avec ces enfants là, c'est une toute autre approche, ce sont d'autres types d'activités et un mode de communication très différent qui s'impose pour les apprivoiser, les intéresser et les faire participer. L'émergence de la personnalité est sensible, il faut savoir les stimuler et les encourager.
Dehors, on joue donc sur de plus grands espaces, à des jeux plus structurants, plus physiques, plus complexes et nécessairement rigoureusement arbitrés. Le jeu, la pédagogie, le sens social fusionnent et donnent source à des revirements de situation parfois inattendus, des mouvements d'humeurs et d'exaltations, des larmes mais aussi des éclats de rire. C'est un âge ou, pré ado, on a besoin bien plus de reconnaissance que d'émulation... et cela tient à cette manifestation soudaine de l’ego et de cette tendance à vouloir jouer les petits chefs..
Au cours de la dernière semaine d'août, c'est dans un super grand jeu se déroulant sur deux journées, qu'avec leurs aînés de 12 à 14 ans, nous les avons « embarqués »...
Les Herbisecks contre les Glandistrucks, un jeu du type "Douaniers / Contrebandiers" grandeur nature !...
Dans le grand parc boisé du château, on délimite deux territoires séparés par une ligne frontière matérialisée par des rubans de tissus rouge. Les Herbisecks pénétrant dans celui des Glandistrucks doivent porter leur trésor (une grosse agate ou calot) dans le coffre en bois d'une cabane à l'extrémité de leur territoire gardé par le grand Machi-kooli (un moniteur) cela, sans se faire prendre par les Glandistrucks (foulard dans le dos au niveau de la ceinture = une vie) leur foulard pris, ils doivent remettre leur agate à celui qui les a arrêtés. A cette condition, on leur restitue leur vie et ils retournent dans leur camp où ils tenteront une nouvelle expédition en territoire Glandistruckois. Il y a aussi des passeurs sans trésor et s'ils se font prendre par un Glandistruck, ne pouvant le lui remettre, ils sont fait prisonniers et conduits à la cabane du grand Machi-Kooli. Pour délivrer leurs camarades prisonniers, les Herbiseck doivent choisir le plus rapide et rusé de leur bande pour porter, non pas une agate mais un message, ordre de délivrance, au Machi-Kooli qui fera reconduire jusqu'à leur frontière les Herbisecks prisonniers. De là, nantis d'une "nouvelle vie" (foulard dans le dos, à la ceinture) ils pourront revenir dans le jeu et poursuivre leurs incursions en territoire ennemi.
En fin d'après-midi, on sonne la fin du jeu pour faire les comptes, combien de vies (foulards) ont les Glandistrucks et combien d'agates ont été déposées par les Herbisecks dans le coffre aux trésors du grand Machi-kooli ? Mais, catastrophe ! le coffre a disparu ainsi que son gardien... Conseil de guerre des chefs... Le jeu reprendra demain sous forme d'un Rallye (jeu de piste à plusieurs postes relais) pour retrouver le coffre, et d'une "Chasse à l'homme" mouvementée pour attraper le grand Machi-Kooli...
Que d'aventures en perspectives !...
Pensez bien qu'au cours de ces deux mois, j'ai vivement apprécié ce séjour et tout ce que comprenait ma fonction de moniteur de colonie de vacances, heureux d'animer, en équipe solidaire, toute cette belle et vaillante jeunesse.
Mi septembre, rentrant à Mirebeau (environ 90 km) toujours en mobylette, la tête pleine de souvenirs joyeux, je me promettais bien de renouveler cette expérience dès que possible...
Suite en lien ci-dessous :
Moniteur de colo un tremplin pour l'avenir... - Le Mirebalais Indépendant
En Eté 1964 au château de "Beauregard" (Indre) : Nos petits colons encadrés par Georges en haut à droite sur la photo et mezigue, en bas. Le jeu c'est aussi de la création... à l'école cet ...
https://www.mirebalais.net/2023/07/moniteur-de-colo-un-tremplin-pour-l-avenir.html