Un bien joli nom : Arcadie ! S'agit-il d'un pays, d'une province, d'un lieu enchanteur ou d'un joli nom ou prénom ?... Eh oui, le titre attire, et quand on lit la quatrième de couverture on se dit qu'il y a un peu des deux …
Lisant la première phrase de cette présentation : « Si on n'aimait que les gens qui le méritent, la vie serait une distribution de prix ennuyeuse ».
Cela a suffi pour que j'achète ce roman dont, jusqu'alors, j'ignorais l’existence de l'auteure...
Dès les premières lignes, on entre vite dans le sujet étant aussitôt aspiré par l'histoire de Farah qui nous conte son parcours de vie depuis sa 6ème jusqu'à sa 18ème année.
Et c'est loin d'être une période d'enfance et d'adolescence banale, bien qu'y figurent, comme pour chacun de nous, la candeur et la fraîcheur enfantine autant que les rebellions propres à l'adolescence.
C'est qu'elle est délurée la petite Farah et surtout cultivée même si elle vit dans une communauté à la fois libertaire et très protectrice d'un mini familistère, sis non loin de la frontière entre la France et l'Italie, en région méditerranéenne..
Frontière !... Ah certainement, il y a une frontière comme la plupart des frontières, invisible mais ô combien perceptible à cause des modes de vies qu'elle sépare, entre univers intérieur et monde extérieur...
Oui, il y a des endroits comme cela, où l'on vit en marge, loin des bruits du dehors, loin des turpitudes du temps présent assujetti à la modernité et la prégnance des technologies de pointe qui asservissent aujourd'hui des millions d'êtres humains. Des endroits où l'on se trouve en zone blanche non perturbée par les ondes électromagnétiques qui malmènent les organismes et azimutent les esprits hors les bonnes sphères...
Arcadie est bien ce lieu hors zone des mauvaises influences, hors zone des parasites de tous types et c'est aussi un Monsieur Arcady qui orchestre les conduites et les menées existentielles de « Liberty House » en... Arcadie... Il est le maître des lieux, un guide spirituel attentionné auprès de ses pensionnaires... tel un gourou !...
- Ah non ! s'écrie Farah, Arcady n'est pas un gourou !
- Ah bon !... pourtant comme pour tous ceux qui vivent dans cette communauté très particulière, il va l'influencer et même abuser d'elle à ses 15 ans...
- Oh l'immonde, le salaud ! vous exclamerez-vous...
- Mais non ! assure fermement Farah, Arcady ne m'a jamais violé, c'est moi qui le désirais et voulais coucher avec lui... alors, le moment venu, il m'a satisfait et m'a fait l'amour comme un dieu...
Vous l'avez compris, dans ce roman il y a du sexe et les scènes s'y rapportant vives en couleurs ne manquent pas de pittoresque et sont servies par des descriptions d'une haute teneur littéraire mais aussi, non dépourvues d'un langage particulièrement cru sans toutefois, être vulgaire, à travers certains passages.
Farah qui a l'esprit vif, s'exprime à partir d'un vocabulaire riche, épuré, s'appuyant sur des notions parfaitement documentées, toujours circonstanciées et ses répartis comme ses arguments ne manquent ni de spontanéité, ni de sagesse. Farah, c'est aussi, ce qu'on appelle une belle âme...
Poursuivant la lecture, vous tomberez immanquablement sur la question brûlante qu'elle se pose : Qui suis-je ? Voilà qui nous ramène au sexe, car elle vit, en son corps et en son âme, une transformation physiologique qui l'oriente vers la masculinisation...
Mais il n'y a pas que le sexe, il y a aussi et surtout des discours d'un niveau bien plus élevé, des réflexions qui nous sortent du carcan des idées reçues conformes à du politiquement correct et à cette bienséance sociale si rassurante et si éhontée, à la fois.
Avec des mots bien choisis et percutants au service des vérités qui dérangent, l'auteure, à travers le personnage de Farah et de ceux qui gravitent autour, dans ce roman inclassable, redistribue les cartes et ne manque pas de faire le procès de nos modes de vie contemporains, remettant en cause nos comportements et les motivations qui nous poussent parfois vers des galères innommables dont on attribue sans vergogne la responsabilité, bien plus aux autres, qu'à soi-même...
Page 421 :« j'espère que chiens et chats sont venus réclamer les restes, à coups de langue implorant ou de patte effrontée. Arcady a toujours dit qu'on était l'un ou l'autre : chien délirant de joie à la moindre faveur ou chat persuadé que tout lui était dû. Faîtes le test avec vos proches et vous verrez que ça marche bien. »
Comment, au moment de l'épilogue, ne pas évoquer ces paroles d'un chanson de Georges Brassens : « Mais les brav’s gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux… »
En fait, s'il est avéré que les chiens ne font pas des chats... que l'enfer c'est souvent les autres... pourquoi n'irions-nous pas chercher l’Éden en Arcadie ? Hein ! …
Faut voir … à vous de lire maintenant...