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Le Mirebalais Indépendant

La Vie d'ici et d'ailleurs - Patrimoine : d'hier à aujourd'hui, un monde riche de son passé, a forcément un Avenir ...

Publié le par FARFADET 86
Publié dans : #D'Hier - d'Ici et d'Ailleurs ...

40 ans après le début de la Révolution de 1789, en dépit de l'idéal sous-tendu par la déclaration des Droits de l'Homme qui aspirait à dispenser les rudiments du savoir scolaire à l'ensemble des citoyens, l'enseignement de cette époque souffrait d'un déficit de maîtres chargés de transmettre les connaissances de base aux rejetons de la République.

De Révolution en Restaurations, de Monarchies en Républiques passant par les sas fastueux de l'Empire, l'école pour tous, avait à franchir (dépasser) ces poussées successives où montait, à chaque crise, ce désir puissant de fonder un système d'enseignement ayant pour but non seulement d'instruire avec les rudiments du savoir que sont la lecture l'écriture et le calcul mais surtout de préparer de jeunes élèves à leur vie d'hommes à la fois, libres par l'esprit, et engagés par leur travail, dans l'évolution de la Nation qu'ils habitent.

Vaste programme où les mentalités sont encore imprégnées par une conception de l'enseignement que seuls étaient reconnus apte à dispenser les clercs imprégnés de la religion catholique. La laïcité qui investira ultérieurement l'éducation nationale, bien que germant dans l'idéal républicain, était encore bien loin dans les mentalités et les pratiques attenantes à la formation scolaires, à la fin de ce premier tiers du  XIXe siècle.

Il en demeure que la prise de conscience des autorités en place, en considération de l'état de la mission scolaire au lendemain de la révolution de 1830, pousse les têtes pensantes de cette époque à se pencher sur les fondements de l'enseignement pour tous et a pour premier souci celui de la formation des maîtres.

 

Mais d’abord comprendre ce qualificatif « Normale » attribué au concept « Ecole ». L’ensemble étant reconnu de leur origine, jusqu’à nos jours, comme institutions scolaires ayant pour mission de former des enseignants. A ce début de la 4ème décennie du XIXe siècle, on a pris conscience que le rôle des maitres ne se limite pas à l’alphabétisation des élèves mais aussi par le modèle citoyen que chacun représente vis-à-vis d’eux, leur transmettre les codes d’une bonne conduite civile. A l’arrière plan de la tache scolaire se profile un rôle « politique » qui ira jusqu’à prendre une connotation militaire forte dans le dernier tiers du siècle et ce, jusqu’à l’avènement de la première guerre mondiale, dans le suivant. Dès lors, ces maîtres de l’école publique sont considérés, et même désignés comme les « Hussards de la République ».

Ainsi l’école normale, dispensatrice d’un savoir « normal » par le biais d’une pédagogie « normale » (normalisée), l’est surtout en égard du concept « norme » indiquant ce qui est acceptable civilement, et patriotiquement et avant la lettre, ce que de nos jours, nous entendons comme étant « politiquement correct ». 

 

img020En 1828, On dénombre, en France, seulement quatre Ecoles Normales, formatrices d’instituteurs dans les villes de Strasbourg, dans le Bas Rhin, de Helfedange, en Moselle, de Bar-le-Duc dans la Meuse et de Rouen dans la Seine-Maritime.

L’idée d’écoles spécifiques pour former des enseignants va se renforcer suite à la circulaire du ministre de l’instruction publique, Antoine François Henri Lefebvre de Vatimesnil (1789-1860), proclamation, en date du 6 Avril 1828, incitant les recteurs d’académie à créer dans chacune de leur circonscription, un établissement destiné à former des maîtres d’écoles s’inspirant du modèle qu’il cite en référence : l’Ecole Normale de Strasbourg.

La loi Guizot du 28 Juin 1833 : « Tout département sera tenu d’entretenir une école normale primaire, soit par lui-même, soit en réunissant à un, plusieurs département voisins », renforcera cet essor fondateur d’Ecoles Normales et l’académie de Poitiers sera une des premières à répondre à cet appel, mettant en place dès 1834 son Ecole Normale dans les locaux du Doyenné de la Collégiale Saint-Hilaire, des lieux encore bruissant de toute une culture imprégnée de l’érudition  des personnalités cléricales l’ayant habité depuis sa fondation, en 1520, par Geoffroy d’Estignac évêque de Maillezais qui demeurait au monastère de Ligugé.

 

C’est en 1831 que se concrétise le concept d’une école de formation des maîtres sous la forme d’une école mutuelle communale, suite à la demande du Préfet au Maire de Poitiers. Au mois d’Août de cette année là, c’est un certain Leblond, déjà appréhendé pour diriger l’école communale de Châtellerault, qui prend le poste de directeur de cette école mutuelle, sise dans les bâtiments conventuels qu’avaient occupés des Sœurs grises des Pénitentes avant la Révolution. Leblond assure la direction de l’école primaire mutuelle et par extension, de l’école modèle d’enseignement mutuel dite ensuite école normale. Au cours des premiers mois qui suivirent la fondation de cet établissement scolaire à double fonction, les relations entre Leblond, le Préfet et le Maire se dégraderont jusqu’à la rupture entre ces parties à cause des problèmes récurrents d’intendance liés à la viabilité des lieux et des soucis d’ordre économique résultant de l’entretien des locaux, de l’équipement des classes et des dédommagements tenant au logement de fonction attribué au directeur.

 

Cette première année d’existence de l’Ecole Normale marquée par les tracasseries administratives déboucha donc sur le congé de Leblond qui, fort injustement, fut remercié de la plus vive façon. On s’empressa donc de trouver un nouveau directeur pour lui succéder.

Le jeu des relations entre les préfets de départements voisins, favorisa la candidature de Jean-Baptiste Maynard né à Charroux (Vienne) en 1785, alors en poste comme instituteur à Melle, pour remplacer Leblond à la direction de l’Ecole Normale de Poitiers.

Maynard, personne volontaire et méthodique, eut à cœur de réorganiser les deux écoles. Son expérience dans le domaine de la pédagogique lui permet de se placer comme interlocuteur de poids face à l’administration qui l’emploie. Ce que n’a pu obtenir son prédécesseur, lui, le réalise en planifiant les besoins par ordre de priorité.

Son efficacité de gestionnaire complétée par ses talents de pédagogue, font qu’il instruit, le jour, les élèves de l’école primaire en utilisant la méthode mutuelle et instruit le soir les élèves maîtres. Devant assumer toutes les charges qui incombent à sa fonction, il s’adjoint d’autres bons enseignants pour dispenser ce savoir spécifique. A ce titre, avant la lettre, il est un excellent DRH…

Sa grande disponibilité, son engagement pour la cause, contribuent à lancer efficacement et définitivement la formation des maîtres dans le département.    

 

Création d’un internat - Face à la commission de surveillance de l’Ecole Normale et du recteur en relation avec le préfet, Maynard défend avec brio la nécessité de créer un Internat. En Août 1834, il écrivait :

« Lorsqu’on me confia la direction de l’Ecole Normale de Poitiers, elle n’était composée que d’élèves externes. Après quelques mois d’existence, je me hâtais de signaler à l’administration les inconvénients qu’il y avait à maintenir l’établissement sur un tel pied. Je démontrais la grande nécessité qu’il y avait d’interner les élèves maîtres, que leur moralité et leur instruction ne pourraient y gagner, tandis qu’externes et abandonnés à eux-mêmes, ayant toutes les facilités pour se dissiper, ces jeunes gens pouvaient, en un seul jour perdre le fruit de huit journées de travail opiniâtre car il m’était bien difficile d’exercer sur eux une surveillance convenable. En conséquence, je priais la commission d’engager fortement Monsieur le Préfet à demander au gouvernement l’ancien bâtiment du Doyenné pour y établir un pensionnat »

Sur ces deux souhaits Maynard reçu le soutien de la commission et du recteur. Par le jeu du courrier échangé entre le recteur, le préfet et le ministre, le Doyenné attribué au département fut mis à disposition de Maynard pour y établir son internat.

Le Conseil Général allait entreprendre les travaux nécessaires pour adapter ces locaux à leur nouvelle affectation. Une somme de 2000 F fut attribuée pour équiper la partie réservée à l’hébergement des élèves maîtres.    

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Que ce soit sur le plan de la discipline, sur celui de la pédagogie et son contenu des matières enseignées, Maynard eut à cœur que cette formation de maîtres soit rigoureuse, complète et dispensatrice d’humanisme. Il fut un directeur attentif au développement de ses élèves autant qu’à leurs besoins, juste également, en aidant l’accession à cette formation aux plus démunis, venant des campagnes à l’entour et qui manifestaient leur soif d’apprendre ou en sanctionnant ceux qui ne suivaient pas avec le sérieux requis dans leurs études, le cursus imposé.

 

L’Ecole Normale de Poitiers lui doit d’avoir mis en place, à côté d’une scolarité courante, un programme spécifique pour développer les capacités à enseigner, cours de pédagogie qu’il assumait lui-même, de s’être entouré de professeurs de qualité, d’avoir créé une bibliothèque conséquente qui s’enrichissait régulièrement d’ouvrages classiques et scientifiques, et d’avoir introduit une formation obligatoire en agriculture car les futurs maîtres, pour la plupart, étaient appelés à professer en milieu rural à proximité d’une population vivant du travail de la terre.

En outre, il créa un journal départemental  « Le Moniteur des Ecoles »   pour prolonger l’information et la formation des maîtres après leur sortie de l’Ecole Normale… constituant en quelque sorte ce qu’aujourd’hui, nous appelons une formation continue.

Voué à la cause et excellent animateur de conférences où il retrouvait ses anciens élèves, un jour, il lança l’idée d’une société de secours mutuels pour les instituteurs communaux et privés du département. Mutuelle aux cotisations échelonnées selon les revenus de chacun permettant  d’attribuer des fonds de secours aux maitres dans le besoin et, dans les cas graves, à leurs veuves et à leurs orphelins. Il fut un précurseur dans ce domaine, un initiateur qui fit école car de nombreuses associations à caractère mutualistes se firent jour par la suite.         

 

Jean-Baptiste Maynard exerça pendant 20 ans, il fut un formateur de talent, vivement apprécié par ses supérieurs, ses pairs et surtout par ses élèves qui ne manquaient pas de le remercier et de garder le contact avec lui quand, à leur tour, ils devenaient enseignants. Les courriers recensés aux archives départementales de la Vienne sont remplis de louanges dithyrambiques tels que :

« Le jour de la Saint-Jean, jour de votre fête et jour mille fois mémorable pour moi, Saint Jean-Baptiste, votre illustre patron, a laissé des traces de vertu dans lesquelles vous persévérez depuis si longtemps, je le prie pour qu’il intercède auprès de Dieu  afin que vous restiez longtemps parmi nous. »   

 

Au-delà de ces louanges, si ce ne fut un saint, Jean-Baptiste Maynard, dans nos mémoires, demeure l’enfant du pays que, de nos jours, on ne devrait pas manquer de citer en exemple, ne serait-ce que pour raviver la confiance dans cette merveilleuse institution qu’est l’Ecole de la République …

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Promotion 1915 : directeur, professeurs et élèves ...

 

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" S’instruire est un plaisir, Enseigner, une grâce …"  - Farfadet - 

- Source : « Élèves et Maitres – L’École Normale d’instituteurs de Poitiers »  – 1831-1991 -  Ouvrage de André Sapin – Geste Éditions / Archives de Vie (2010)
- Cartes postales, gravures et photos scannées à partir du livre : collection Michel Sapin .
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M
<br /> chez nous aussi, en Belgique les premiers établissements scolaires furent sous tutelle des religieux ... jusqu'à ce que l'Etat prenne en charge l'éducation de la jeunesse, créant une<br /> discorte entre les deux tendances, un pacte scolaire fut initié qui tient toujours la route et qui nous donne bien des soucis vu l'émergence des autres religions ...<br /> <br /> <br /> à choisir, je préfère le modèle Français !<br /> <br /> <br /> amitié.<br />
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FARFADET 86
Sexe : Homme
À propos : Retraités à Mirebeau* (Vienne), depuis janvier 2005, avec mon épouse, nous étions accompagnateurs de personnes handicapées mentales, ceci pendant 40 ans, dans un Foyer de Vie, en Haute Normandie.

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