C'est le dernier roman de Christian Signol que je viens de lire...
Plus qu'une Saga familiale, cette fiction sans doute inspirée de faits tenant à d'autres réalités, a l'avantage de nous faire remonter le temps jusqu'à la Révolution de 1789 et nous faire revivre à travers les personnages de Pierre, Albine, Aurélien et Ludivine, deux siècles de tumultes politiques et sociaux ponctués de guerres dans cette France provinciale où la vie peut être âpre mais toujours appréciée pour ce qu'elle offre de beautés simples au rythme des saisons. Des saisons qui modifient les paysages en même temps qu'elles pénètrent dans les cœurs d'hommes et de femmes vigoureux, entreprenant et assumant leur destin d'où les malheurs à côté des bonheurs ne sont pas exclus.
Surmonter l'impondérable et l’inacceptable en se rattachant à ce qui élève et guérit voilà sur l'ensemble de ces générations de paysans médecins ce qui constitue à la fois la force et la joie de vivre de ceux et celles qui choisissent le combat noble et la dignité face à la résignation issue des fatalités les plus incongrues...
Je recommande ce roman à tous ceux qui cherchent à la fois le dépaysement, un voyage dans l'histoire qui fut celle de nos proches aïeux et une élévation des grandeurs d'âmes s'opposant aux dérives de notre monde contemporain où les humains aspirés par la précipitation du temps, les exaltations débridées liés au foisonnement des impressions et des sensations, sont soumis à leurs égo exacerbées.
L'auteur qui n'en n'est pas à son premier essai dans le genre retour sur le passé, en phase avec les vies de familles rurales, fait ici s'exprimer ses héros à la première personne pour conter ce qu'ils vivent et ont vécu dans un journal qui se transmettra et sera poursuivi d'une génération à l'autre. C'est très vivant et le lecteur est vite transporté dans la suite de leurs jours jusque dans l'intimité de leurs états d'âmes et de leurs réflexions, partageant leurs blessures, leurs doutes, leurs certitudes et aussi leurs bonheurs, bercé par le souffle léger du vent qui agite les frondaisons ou le miroitement des eaux tranquilles de la Dordogne.
Quand on plonge dans ces tranches de vie jamais à distance de la grande histoire, on se rend compte que les générations de nos arrière grands-parents, grands-parents, parents, n’ont jamais été exemptes d’une période marquée douloureusement par la guerre. Ainsi Pierre Marsac enfant trouvé aura à se battre sous la révolution et le premier empire, Albine aura à subir les retombées de la Restauration, des révolutions de 1830 et 1848 et de la guerre de 1870 qui l’endeuillera. Aurélien son petit fils, ne sera pas épargné, dans sa descendance directe, il aura aussi à subir les affres de la première grande guerre ; quant à Ludivine, sa fille, à la connaissance de toutes ces blessures qui ont meurtri ses aïeux, elle n’acceptera jamais la folie des hommes les faisant s’engager dans des conflits meurtriers, et jure de n’avoir jamais d’enfant mâle… pourtant, au gré des ballotements de l’existence et contre toute volonté, elle en eut un qu’elle aima très fort et dont elle pensait bien qu’après les deux conflits mondiaux ayant stigmatisé le XXème siècle des pires horreurs, que jamais il ne connaitrait de guerre…
Un roman certes, mais si proche des réalités d’hier quand vivre c’était, au présent, préparer l’avenir engageant toute son énergie et son amour pour la cause des siens et de sa descendance… Lignée du sang et fruits de la vigne, au service du breuvage tant apprécié des dieux et des hommes, sur ce terroir baigné des lumières douces et vives au rythme des saisons, dans le crépitement de leurs sucs et arômes, livrent au lecteur, ce chant d’amour à la terre et cet hymne éternel à la Vie…
« Un patrimoine ce n’est pas qu’un lopin de terre transmis à ses enfants, c’est aussi l’engagement d’existences vouées au labeur et gorgées d’amour… »