Réédition d'un article initialement publié le 24/10/2011 à 18:18
Quand nous habitions la Haute Normandie, tout proche de la région Île de France, dans ce qui se nomme Vexin Normand, nous étions proches de cette magnifique hêtraie qui s'étend sur environ 10600 hectares, connue sous le nom de Forêt domaniale de Lyons ...
Que de promenades faites sous ces hautes futaies, d'abord seul, puis en famille pour se reposer, et aussi se recueillir, sous la protection de ces nobles frondaisons dont les ramures arquées comme voutes de cathédrale frémissent de tous les échos de la forêt : voix profonde des grands arbres, murmure du vent, bruissement des feuillages, chant des hôtes ailés perchés sur les hautes branches ...
Promenades d'automne sous des ruissellements de miel, d'or et d'ambre qui rayonnent dans le sous bois en faisceaux éclaboussant de feux les fougères rougissantes… Tapis de mousses et d’herbes rousses des clairières baignées de cette lumière enchanteresse ; magie de cette saison où tout flamboie… la Forêt dore... Lyons au fond des bois !...
Que faut-il savoir de cette essence majestueuse qui peuple les flancs de ces douces collines normandes ? Le hêtre appartient à la famille des fagacées, regroupant entre autres les chênes et les châtaigniers, ces trois là, constituent les plus royaux des feuillus… On compte peu de variétés de hêtres, à peine 10, alors que l’ensemble des fagacées présente pas moins de 450 espèces à feuilles persistantes ou caduques.
Dans ce rang, les hêtres sont bien moins nombreux et les forêts de hêtres se font encore plus rares car cette essence est celle qui, au niveau de l’implantation, tant dans l’hémisphère Nord que dans l’hémisphère Sud, fut la plus imposée par l’homme. Ainsi, les magnifiques fûts qui boisent la forêt de Lyons, classée plus belle hêtraie de France, germèrent à la Révolution… Aujourd’hui, ces grands troncs lisses élèvent à plus de 30 mètres leur magnifique dôme de verdure qui tamise la lumière du ciel la rendant douce comme miel… C’est un élan quasi religieux que confère à cette forêt domaniale, leur prodigieuse nature… En toutes saisons, on progresse en silence, admiratif, l’âme en paix saisie par le charme imposant de ces grands hêtres…
En nombre inférieur face à ses congénères, il sait s’imposer au cœur des bois, il peut s’enraciner sur un sol crayeux, là où d’autres essences, pourtant robustes, dépérissent et c’est merveille de voir courir leurs racines enchevêtrées à la surface du sol lavé par les pluies. Sa majesté le Hêtre, ne fait pas de place aux ronces ni à quelconques champignons ; à sa base, il faut place nette !… L’élégance le caractérise jusque dans sa façon d’étaler sa toison dense qui transforme les rayons du soleil en fines colonnes de lumière brumeuse, déversant sa pluie fine de poudre d’or…
Lieux magiques de tous les enchantements qui ont habillé ces géants non pas d’une écorce liégeuse ou rugueuse mais d’un cambium superficiel, lisse qui, selon l’heure du jour, vire du gris au violacé passant même par le blanc solennel quand, à l’orée, sur certaines crêtes, ils dressent leur étonnante barrière végétale jusqu’aux nuées cendrées et laiteuses du ciel normand …
Effet boomerang tant d’années après, ayant lu le dernier Signol : « Au cœur des forêts » je me sens à nouveau imprégné par ce parfum des bois par ces fragrances de la terre humide qui, érige ces grands arbres pour embrasser les cieux…
Merveille d’un monde qui abrite des hommes rustres par le vivre et le dur labeur quotidien mais au cœur tendre quand ils viennent partager ce que la forêt leur enseigne.
Bastien, fils de forestier, bûcheron à son tour, nous entraine à travers les chablis, dans les bois profonds de la Corrèze limousine. Homme robuste, silencieux, il laisse sa voix aux arbres, il a appris à les écouter et même s’il ne comprend pas leur vocable, tout intérieur, il en a retenu l’essentiel du langage exprimé par l’écho qui résulte de leur confrontation avec les éléments… Bastien vibre de toute son âme sous ces hautes futaies. Quand il parle, c’est avec parcimonie, seulement pour conter la magie de la forêt… Jour après jour, il dévoilera quelques pans de ses secrets à Charlotte sa petite fille convalescente, venue de la ville pour se ressourcer dans cet univers boisé où la nature impose sa loi et distille sa sagesse à ceux qui ont le cœur ouvert.
C’est aussi un siècle d’existence d’hommes des bois, d’âpres forestiers, de bûcherons rudes mais hautement avisés que révèle à sa petite fille, le personnage de Bastien qui porte en lui les plaies d’un mystère familial, d’une disparition douloureuse jamais élucidée…
Je n’en dirai pas plus ici, à vous de découvrir ce qu’abritent ces forêts où évolue cette belle figure qui nous révèle en toute humilité le meilleur de l’âme humaine, cela, au fil des pages du dernier roman bouleversant de sincérité et d’humanité écrit par Christian Signol …
Ne manquez pas de déposer ce livre sur vos tables de chevets pour, après lecture du soir, peupler vos rêves de la magnificence des grands arbres …
Le long silence des arbres... - Le Mirebalais Indépendant
Article initialement publié le 14/05/2017. En dépit du bruissement dans leurs frondaisons, les arbres sont les maîtres du silence ... et pourtant ils parlent ... ils s'adressent à nous ... dans...
https://www.mirebalais.net/2017/05/le-long-silence-des-arbres.html
Pour parfaire cette promenade, une lecture passionnante...