Réédition d'un article déjà publié le 13/12/2006
La vie est toujours pleine de surprises... vous faites des projets, vous optez pour des orientations et bien sûr rien ne se révèle comme vous l'avez souhaité initialement.
Ainsi, moi qui aurait tant aimé devenir styliste en matière de dessin de carrosseries automobiles (deseigner), n'ayant ni la formation ni les diplômes requis, dans la vie active, je me suis retrouvé à faire un tout autre travail qui n'avait rien à voir directement avec mes intentions professionnelles.
Du technique industriel convoité, se retrouver dans le social, tel fut mon destin. En Automne 1965 tout un concours de circonstances fit que j'arrivais au Centre Saint Martin où je fus employé comme éducateur stagiaire pour travailler auprès d'adolescents et adultes handicapés mentaux. A l'époque je pensais que ce serait une situation temporaire, espérant que, tôt ou tard, l'occasion se présenterait pour rebondir sur mes aspirations de dessins automobilistiques. En fait, cela devait s'avérer comme chimérique car j'ai effectué tout mon temps de carrière ou presque dans l'institution citée ci avant.
Mais, si dans l'existence le sort qui nous est alloué semble, à priori, toujours hasardeux il en demeure souvent qu'un trait d'union s'établit entre dessein et destin, au point qu'ici, le dessin, ce troisième homonyme, y trouve aussi curieusement que judicieusement sa place.
Je m'explique : Passant sur les péripéties qui émaillent mes débuts dans une profession embrassée sans vocation particulière et que j'accomplissais contre mon bon gré, je découvrais petit à petit tout l'attrait humain et les avantages culturels y attenant. Moi qui n'était nullement un manuel ( si l'on excepte le dessin), j'ai appris à me servir de toutes sortes d'outils allant de la bêche du jardinier, au ciseau à bois du menuisier en passant par la truelle du maçon, tout en accompagnant nos résidents dans la pratique de tâches très diversifiées.
Ainsi au Printemps 1976 je me suis trouvé parachuté comme responsable à l'atelier « Ecureuil » où il se fabriquait des petits jouets en bois. Jusqu'alors, le travail de ce noble matériau consistait pour moi à enfoncer des clous dans des planches pour les assembler, opération agrémentée au passage par quelques bons coups de marteaux sur les doigts... Sans vouloir "enfoncer le clou", il ne fallait pas m'en demander plus. J'ai donc mis un peu de temps à me faire à ce nouveau travail et c'est petit à petit que j'y ai pris goût, plus encore quand j'ai pu créer de nouveaux modèles... Voilà qui rejoignait mes prédispositions et aptitudes liées au dessin, mentionnées plus haut et dès lors, appliquées aux tracés d'épures de petits jouets en bois s'inspirant du monde animal.
Démarche : A partir de plateaux de bois brut débités en planches grossières séchées plus de dix ans, puis dégauchies aux divers standard d'épaisseurs indiquées, nous les débitions en portion de 80 à 120 centimètres de long pour tracer dessus, à l'aide de gabarits les épures en silhouette de ces jouets. Le découpage de chaque pièce était effectué à la scie à ruban par l'éducateur responsable de l'atelier.
Je rapporte maintenant le rédigé d'un petit topo explicatif présenté à chacune des expositions ventes de fin d'année :
A l'atelier « Ecureuil », la confection des jouets remis à nos compagnons, se fait essentiellement à la râpe, à la "queue de rat", à la lime avec finition au papier de verre avant le passage au chiffon de laine ou de la cire pour lustrage et, en certains cas, le vernissage. Les mises en forme de ces divers sujets stylisés, sont ainsi obtenues par rognage du bois suivant une approche tridimensionnelle suggérant la réalité. Le thème de production de cet atelier, s'est longtemps limité à la réalisation de petits animaux domestiques et de la ferme, puis de la faune des bois et ensuite de la faune africaine.
Au début des années « 80 », une crèche, avec tous ses personnages principaux a été créée et réalisée à plus de 150 exemplaires.
Le chien Bobby, en sipo, d'une seule pièce, monobloc, en tant que modèle, est un bon condensé du travail décrit ci-dessus. En effet, sa mise en forme est exclusivement obtenue à la râpe, à la lime et à la "queue de rat" avec finition au papier de verre. La maîtrise en cours de réalisation, consiste à évider, de façon symétrique, les faces et les flancs en galbes échancrés ou saillants à la râpe demi-ronde. Le passage à la "queue de rat" permet d'effectuer la séparation entre les pattes du sujet.
L'Arche de Noé et ses sujets, résument, en réduction, le type des jouets exécutés dans les quinze premières années d'existence de cet atelier.
A partir des années « 90 », l'évolution tenant aux progrès faits par nos compagnons ouvriers, a permis de réaliser des objets bien plus élaborés comme, le cheval à bascule, la trottinette, la brouette, des jouets résultants d'assemblages et nécessitant une approche la fois plus précise et plus technique dans l'exécution.
La brouette, la trottinette et le cheval à bascule sont l'aboutissement de l'apprentissage effectué sur plusieurs années. Du fait que ces jouets sont constitués par assemblage, cela a permis de faire réaliser les pièces les composant, par les compagnons de l'atelier, suivant leur capacités : du simple (bras, pied de brouette, guidon de la trottinette ... ) au bien plus compliqué comme la tête du cheval, dont la forme finie, résulte d'un évidage en symétrie pour les parties concaves, l'ensemble ensuite souligné par des chanfreins d'amplitude nuancée...
Des gabarits en contre-plaqués sont donc conservés et répertoriés pour reporter les profils de chaque sujet ou élément composite sur des planches dégauchies à l'épaisseur voulue.
D'un point de vue éducatif et thérapeutique l'accent est mis sur le geste manuel dont l'amplitude sera toujours recherchée pour libérer les tensions et les inhibitions attenantes aux diverses pathologies. L'esthétique contenue dans les mises en formes, la noblesse du matériau au toucher et au façonnage, le parfum naturel, des différentes essences de bois, leurs textures, recèlent des vertus qui favorisent, dans un premier temps, l'apaisement, puis, à la longue, l'épanouissement des personnes présentant des troubles de la compréhension et du comportement.
A ce projet médico-social s'ajoute la satisfaction de produire des objets de qualité, destinés à des enfants. Ces jouets réalisés dans un matériau noble, doux au toucher, aux coloris naturels et aux formes suggestives permettent à l'enfant de stimuler son imagination en donnant vie à ces pièces qu'il anime librement dans ses jeux.