… Les ânes du temps jadis ?…
A Mirebeau*(1), Samedi dernier le 19 août, se tenait, comme chaque année, à cette époque, la grande foire aux ânes… Cette concentration de l’espèce asine tient ses origines d’une ordonnance du roi Louis IX qui, en l’an 1270, met le pays Mirebalais en concurrence avec le pays Mellois pour en faire un lieu de commerce de Baudets et Mulets du Poitou.
Cela fait maintenant plus de 20 ans que cette manifestation a été réactualisée à l’occasion de la Saint-Louis fixée à la date du 25 août sur le calendrier…
En raison des progrès techniques et de la mécanisation généralisée à toute l’activité agricole, bien plus exposée à la disparition que la race équine, l’espèce des baudets était, elle, en voie d’extinction définitive. Cet animal n’ayant plus de service à rendre aux humains, disparaissait à la vitesse grand « V » de nos campagnes se désertifiant elles aussi… Cette progression désastreuse, à l’issue irréversible fut interrompue par le regain d’intérêt des haras nationaux et de quelques rares éleveurs pour cette race particulière, coïncidant avec le développement des activités de loisirs en milieu rural. On doit donc au tourisme et au sport, la sauvegarde généralisée de l’ensemble des espèces équines et asines…
Avant les années « 80 », la réputation faite à la citée de Mirebeau par ses foires aux ânes* (2) associé à la modernisation du monde agricole, avait fait tomber dans l’oubli, cette spécificité locale au moins en tant qu’activité économique. Toutefois, elle n’avait pas disparu de la mémoire collective …
Dans les années « 50 » et « 60 », chaque mercredi, la mère « Brav’homme » de Poligny, venait vendre les produits de sa petite exploitation avec sa petite carriole tirée par un âne. L’attelage pittoresque était bien connu dans la région et faisait le bonheur des enfants autant que des visiteurs de passage dans nos murs…
L’âne était souvent employé à la traction de charrettes légères, ou bien bâté, effectuant surtout des travaux harassants contre une pitance rudimentaire, cet animal ayant un appétit frugal… Et cela remonte à la nuit des temps…
Comparé à son cousin le cheval, l’âne a piètre réputation ; pour le premier, la noblesse de son allure lui vaut d’accomplir des tâches valorisantes, pour le second, son allure plus pitoyable, son air triste, lui valent les basses besognes. Le premier est honoré, le second est le plus souvent raillé…
Le nom d’âne attribué à l’humain n’a rien d’élogieux, on sait cela à travers moult expressions : Accomplir une ânerie – être têtu comme un âne – Faire l’âne pour avoir du son – Il y a plus d’un âne à la foire s’appelant Martin – âne bâté – bonnet d’âne – oreilles d’ânes – Haro sur le Baudet !... La légende également ne lui fait pas la part belle si on s’en rapporte par exemple de cette fable de la Fontaine : « les animaux malades de la peste » où le fait d’avoir brouté une seule touffe d’herbe d’une pâture interdite est jugé par le tribunal des bêtes comme crime le plus abominable comparé à ceux meurtriers des carnassiers …
Pourtant il est une chanson un peu triste, il est vrai mais qui lui rend justice, au moins, en ce qui concerne son existence honorable :
« Le petit âne gris » :
Ecoutez cette histoire
Que l’on ma racontée,
Du fond de ma mémoire,
Je vais vous la conter,
Elle se passe en Provence
Au milieu des moutons,
Dans le Sud de la France )
Au pays des santons ) Bis
Quand il vint au domaine,
Il y avait un beau troupeau,
Les étables étaient pleines,
De brebis et d’agneaux.
Marchant toujours en tête,
Aaux premières lueurs,
Pour tirer sa charrette, )
Il mettait tout son cœur. ) Bis
Au temps des transhumances,
Il s’en allait heureux,
Remontant la Durance,
Honnête et courageux ;
Mais un jour de Marseille,
Des messieurs sont venus ;
La ferme était bien vieille, )
Alors on l’a vendue… ) Bis
Il resta au village,
Tout le monde l’aimait bien,
Vaillant malgré son âge
Et malgré son chagrin.
Image d’Evangile,
Vivant d’humilité,
Il se rendait utile )
Auprès du cantonnier … ) Bis
Cette vie honorable,
Un soir, s’est terminée
Dans le fond d’une étable,
Tout seul, il s’est couché ;
Pauvre bête de somme,
Il a fermé les yeux ;
Abandonné des hommes, )
Il est mort sans adieux... ) Bis
Cette Chanson sans gloire,
Vous racontait la vie,
Vous racontait l’histoire
D’un petit âne gris …
Autre fait significatif réhabilitant ce gentil animal dans sa notoriété :
Dans le Nouveau testament l'âne est présent au début et à la fin de la vie de jésus. Il se tient dans la crèche, à la naissance du Messie. Ensuite c’est lui l’âne, qui porte Marie et l’Enfant lors de la fuite en Egypte. Et, au début de la semaine sainte, prélude d’une fin proche, ce jour des Rameaux, c’est bien sur le dos d’une ânesse que le Christ fait son entrée dans Jérusalem...
En fait, cet animal dont on s’est tant moqué à travers l’histoire, possède donc ses lettres de noblesse et a pour vertus son humilité et son paisible courage. Sans son côté obstiné que l’on porte à sa charge, ( au propre comme au figuré…) cet animal rustique n’aurait certes pas accompli les multiples tâches rebutantes et ardues que l’homme lui confiait.
Aujourd’hui, dans notre monde ultramoderne, il reprend sa place parmi les humains, plus comme animal de compagnie, que comme bête de somme. Ainsi, à la Saint Louis, c’est bien sympathique de retrouver en nombre ces vaillants quadrupèdes sur le foirail de Mirebeau.
Caractéristique du Baudet du Poitou : Taille au garrot : 1m40 pour la femelle, 1m50 pour le mâle. Sa toison devient épaisse, de couleur baie, parfois jaunâtre mais ne doit jamais être parsemée de blanc. On accepte que ses poils longs s’entremêlent et lui donne l’aspect guenilleux, le rendant encore plus pittoresque. Le Baudet est donc haut, sur ses membres vigoureux aux articulations robustes et dont le pied large est garni de poils. La Tête longue est surhaussée de grandes oreilles velues écartées parfois presque retombantes.
Autrefois, comme reproducteur que l’on croisait avec des juments de la race mulassière, il produisait des mulets puissants et massifs de taille de 1M7O au garrot et atteignant un poids considérable de 600 à 700 kg.
Notions à retenir :
Le mulet est le fruit d’un accouplement d’un âne et d’une jument
Le bardot est le petit issu du croisement d’un cheval et d’une ânesse
Le bourricot ou bourriquet est un petit âne.
Le terme de bourrique s’adresse tant au mâle qu’à la femelle de l’espèce des ânes et aussi des humains au caractère têtu…
Toutes les races et variétés d’ânes sont issu de l’originaire l’âne de Nubie.
Âne, mon frère âne, tes frères sont bien de retour … ici, à Mirebeau où, certes, il en passe plus qu’il n’en reste … mais aussi en bien d’autres endroits où ils sont appréciés pour ce qu’ils sont réellement : de charmants animaux aimables, serviables et dévoués …
Et puisque ne faut que le bât blesse : " Âne soit et demeure âne de bonne compagnie ..."
Le Farfadet des bonnes « ânées » …
* (1) voir article : " Mirebeau en Poitou"
* (2) voir article : « Il y a 50 ans »…
- Photos de l'auteur .
- 2 Gravures scannées : Dessins de Gustave Doré illustrant la Bible.