C'est en lisant un article page 18, de la Nouvelle République du Jeudi 7 janvier 2021 : « Les blouses de la prospérité » des ateliers de confection à Charroux (Sud Vienne) que des souvenirs d'enfance et de vie scolaire d'antan sont remontés dans ma mémoire.
Pensez, ma Tata de Charroux a travaillé dans ces ateliers, les établissements Portejoie, au cours des années 50 et 60 et à chaque rentrée scolaire elle m'offrait une paire de blouses grises d'écolier...
En fait, il y avait peu de variante pour les gars, petits et grands, ces blouses existaient essentiellement en gris, plus rarement en noir et, pour les filles, en couleurs plus gaies et plus claires bleu ou rose. A l'école, en primaire et même au début du secondaire, le tablier était indispensable, quasi obligatoire à cette époque. D'ailleurs nos maîtres en portaient eux aussi...
Ma tante appelait cela un pare-poussière... Ainsi donc à chaque rentrée scolaire je portais des blouses grises flambant-neuves, un peu rêches au début. Par dessus les culottes courtes que nous portions gamins de 6 à 11 ans, ça faisait robe un peu comme les filles, pour cette raison nous aspirions tôt, à porter des pantalons comme les hommes... avant cela, il y avait la culotte de golf (bouffante) dont le bas blousait au dessus des chevilles habillées de chaussettes jacquard. Nous n'en étions pas encore à la mode du jean en toile denim apparu au milieu des années 50, interdit dans les collèges et lycées jusqu'aux années 70 où il s'est démocratisé.
Classes de 6e et 5e au C.C. de Mirebeau, année scolaire 1956-57 - Le maître d'école portait lui aussi la blouse grise.
65 ans plus tard, ceci me fait bien sourire et je dois avouer que cette blouse d'écolier était bien pratique pour éviter de tacher ses vêtements avec l'encre qui pouvait dégouliner de nos porte-plumes, emmagasiner la poussière de craie quand nous étions conviés au tableau noir ou pour l'essuyer chaque soir, puis, pour protéger l'usure de nos pulls au niveau du coude.
A la récrée, dans nos jeux où souvent il fallait s’attraper à la volée, les blouse grises, par leurs manches et pans étaient mises à contribution... on se faisait tirer par la blouse et là encore si l'on tombait à terre, elle protégeait nos habits en-dessous, sans pour autant empêcher, en certaines occasions, que nos genoux soient « couronnés » lors d'une chute en avant.
Je me souviens d'en avoir encore portée lors de ma première année de Lycée à Loudun en 1960. Suite à un échange d'informations avec mon nouveau professeur de physique-chimie auquel, m'étant présenté, j'expliquais que je n'en n'avais jamais fait auparavant, quand j'étais au collège Saint-Louis à Saumur, il ne me crut pas et pensa que je me moquais de lui… il m'ordonna alors de venir aux places juste devant son estrade en m'appelant « Joli cœur »
Ce que je voulais surtout éviter, à savoir, me faire remarquer par devant tous les élèves de ma classe, venait de se produire de la façon la plus inattendue… sous les regards de tous et de toutes les filles de ma classe, me voilà tenu de descendre les gradins de l'amphithéâtre, bien en évidence, et de surcroît, gratifié de l’appellation « joli cœur » qui, bien sûr allait me rester, suivant l’usage tout à fait opportun qu’en feront, par la suite, mes nouveaux camarades …Et ça n’a pas manqué, à la récréation qui suivit, j’ai eu droit au « Tous sur Joli Cœur !» Une vingtaine d’élèves s’est alors précipité sur moi, pour m’acculer dans un coin de mur du préau… sous les quolibets scandés de « Joli Cœur » qui n’a jamais fait de physique et de chimie, nous, on va lui apprendre ! D’abord la pression des corps : on me comprime fortement sous le nombre de ceux qui poussent puis, la combustion des corps et là un des bizuteurs me glisse un mégot allumé dans la pochette de ma blouse grise… Ce petit jeu dure quelques minutes, j’encaisse en souriant puis mes « tortionnaires » relâchent la pression, alors libéré je me débarrasse du mégot qui a troué ma blouse. Éclats de rire autour de moi … « T’es grillé le nouveau !...»
Ce bizutage se reproduira encore deux fois dans les jours qui suivront… mais je reste stoïque, garde le sourire et finalement obtiens mon billet de passage pour entrer dans le camp des « affranchis » auxquels on assure la reconnaissance de camarade bien intégré a sa classe… Mais le surnom de « joli cœur » me restera quelques temps encore avant que l’on m’appelle « Pat » tout simplement…
Bien sûr, à la maison ma chère mère n’a pas manqué de constater le mauvais état de mes blouses…
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Tu peux m’expliquer Patrice ?
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Oh ! Ce doit être en jouant au basket que j’ai dû accrocher ma blouse …
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Tes blouses ! Et au même endroit !… Ne me raconte pas n’importe quoi… je vois bien que ce n’est pas un accroc mais que ça correspond plutôt à du brûlé, par exemple avec une cigarette…
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C’est bien possible… je n’ai pas fait attention… Je n’en disais pas plus et ma mère n’insista pas…
Blouse grise des griseries, finalement grillée...
Et pour clore le sujet «blouses » cette définition que l'on retrouve assez souvent dans les mots croisés : « sous le tablier ?... » - en 3 lettres ?... EAU... évidemment !… Depuis, bien des flots sont passés sous ce tablier du pont !...