Aujourd’hui on appelle cette célébration liée à l’éducation religieuse : « Profession de foi » … Signe des temps ?... A une époque où la foi ne correspond pratiquement plus à une attitude qui enthousiasme les esprits et se situe donc en non-conformité avec les mentalités inspirées par la manière intellectuelle et critique d’appréhender le réel, le tangible, le quantifiable et le vérifiable, voilà qui est bien paradoxale …
Mais aujourd’hui encore, même chez ceux qui se disent « libre penseur », cette célébration est bien ancrée dans les traditions et, du moment que l’événement, au-delà de sa connotation religieuse, est prétexte à faire la fête, pourquoi s’en priver …
Ne parlons pas du sacré* surtout !…
Soit, je ne prétends pas dans ces lignes, en remontrer à mes contemporains et conviens, au nom de la sacro* sainte « laïcité » que chacun est dans son bon droit pour choisir sa « voie » ou sa « voix »… celles du « Seigneur », comme vous le savez, sont impénétrables…
Ceci dit, j’en reviens à cette année de la communion que l’on qualifiait de surcroît comme solennelle, année où j’ai eu ce privilège de la faire, c’était en Juin 1956… Cela fait donc 50 ans ...
Sans vouloir alimenter la polémique sur le sujet j’ajouterai, qu’au niveau de ma famille, on en était exactement comme une grande part de personnes aujourd’hui question pratique religieuse : mon père se ventait d’être athée, ma mère bien que croyante, sympathisante « catho », elle, ne fréquentait pas l’église et ne pratiquait aucun culte… Ca n’a pas empêché mes bons parents, par deux fois, de me mettre en pension dans une institution religieuse…
Bien que n’appartenant pas à une tribu anthropophage, j’ai donc « bouffé » du curé comme on se plaisait à le dire, nous, pauvres « potaches » qui avions dû malencontreusement fréquenter ces établissements scolaires privés et « bien pensant » … L’enseignement y était meilleur, et la discipline plus structurante pour la personne en devenir … Bon ! …
Et puis il y a eu les années catéchismes : Trois années assidues d’instruction religieuse entre la communion dite « privée » et celle dite solennelle » et présence à toutes les messes dominicales, avec, en prime, la participation obligatoire à toutes les processions du mois de Marie, de la fête Dieu et de la Sainte Trinité…
Il est évident, qu’enfant, on est vite émerveillé par cette pompe ecclésiastique, ces cérémonies dans des églises où, même la plus humble, la plus simple de ces bâtisses, vous « aspire » dans le grandiose, vous entraîne vers le Haut … Et puis, enfant de Chœur en aube écarlate parée du surplis blanc à picot et dentelles, serviteur du prêtre officiant à l’autel, ça mettait du feu aux joues et de la fierté au cœur des gamins que nous étions…
Ainsi, tout au cours de l’année scolaire 1955-56, les jeudi et dimanche après-midi de 13H30 à 15H j’ai du assidûment participer aux séances du catéchisme instruit par le Doyen de la paroisse en personne. Homme vénérable mais aussi sévère qui exigeait qu’on lui restituât par cœur nos leçons de catéchumène… A cet exercice je n’excellais pas toujours et plus d’une fois la séance s’est prolongée d’une heure, alors employée à bien apprendre ce qui n’était pas su au mot près, des vérités évangéliques ou scholastiques de base … Pire , à la maison si j’avais été retenu, s’en suivait une privation de sortie en bicyclette le jeudi ou de séance cinéma le dimanche après-midi à la salle paroissiale de la « Sagesse » ( Une fois je crois, sur cet écran bien « catho » et pas encore « catod », on avait projeté ce film peu orthodoxe, si je peux me permettre, « Belles de nuit » film de René Clair sorti en 1952, interprèté par Gérard Philippe et Gina Lolobrigida …) Mais c’est une autre histoire …
Revenons en au sujet, donc à la Communion et au jour même de la célébration…
Grand branle-bas de combat à la maison, lever de bonne heure, grande toilette de la tête aux pieds, parfum ad hoc, et instant suprême, déjà solennel à se vêtir du premier vrai costume d’homme avec ensemble veste pantalon bleu marine, chemise blanche , cravate bleu marine et au bras gauche le brassard blanc à rosette et deux pans tombant en franges . Ah quelle allure mes enfants ! Petit homme devient grand d’un seul coup… Les filles elles, revêtaient une magnifique robe blanche longue et ample, le voile et la couronne de fleurs comme des petites mariées…
Eh oui, La Communion se faisant dans notre douzième année, était un passage obligé entre puberté et adolescence, entre âge de raison du tout jeune et perspicacité de l’adulte… Ce grand jour là, il fallait « solennellement » renouveler nos vœux exprimés pour nous, par nos parents, lors du baptême et donc notre engagement dans la foi Chrétienne et, à cette occasion, en toute lucidité, pour ne pas dire en toute liberté…
Donc, ce dimanche là, les cloches sonnant à toute volée, nous nous retrouvons au moins 50 communiants, filles et garçons en procession derrière le doyen, ses deux prêtres assesseurs et le cortège des enfants de chœurs, pour rentrer bien en ordre dans l’église Notre Dame de Mirebeau, au tempo pondéré de la musique jouée sur l’harmonium, défilant par devant au moins deux centaines de paire d’yeux des parents et amis rassemblés pour la grande messe . Emotion des mamans, fierté des papas, joie pour les amis. Célébration religieuse, homélie du prêtre, remise des cierges, paroles d’engagements, prières, moment eucharistique le tout ponctué de chants et de musique flamboyante, les yeux brillent, la joie, d’abord intime dans le recueillement, se communique alors à toute l’assistance et la sortie de Messe en procession prépare bien à la suite de cette fête qui, de solennelle devient familiale puis, conviviale autour du festin … Communion plus terrestre à ce moment…
Je me souviens que le repas avec famille et amis s’est effectué à l’Hôtel de France, place de la République ; si je ne me rappelle plus du menu, par contre, je garde un souvenir plus précis des cadeaux : la montre bracelet traditionnelle, un bibelot décoratif sur console « phare-baromêtre-lampe-d’appoint », un livret d’épargne avec les premiers numéraires pour de futures économies…
A 15H3O les cloches sonnaient le retour à l’église pour les vêpres. La concentration des communiants y participant était mise à mal par le temps festif qui avait précédé et les complies y étaient suivies et chantées avec bien moins d’assiduité et de tenue qu'à la cérémonie matinale...
La journée se terminait à l’heure de l’apéritif pour les parents et des parties de baby-foot pour les plus jeunes et nouveaux convertis…
L’année qui suivait devait être celle de la confirmation. Par un concours de circonstances échappant autant à la vigilance de mes parents qu’à mon contrôle concernant ma foi nouvelle, je n’ai pas eu ce bonheur d’être gentiment giflé par l’évêque diocésain comme il se doit. En 1957, j’étais déjà pensionnaire au collège Saint Louis de Saumur et bien que chez les Frères, ceux-ci, n’ont pas, eux aussi, jugé nécessaire de me "confirmer"…
Au-delà de la tradition, du caractère « calotin » voire puritain et confessionnel que peut revêtir une telle cérémonie aux yeux des « profanes », je suis convaincu que dans l’enfance, ces instants qui forcent le sujet à l’émerveillement , au recueillement et au solennel à travers le rite religieux est certainement épanouissant et si dans la suite de l’existence, on délaisse et oublie quelque peu de ce « sacré », le retentissement de cette célébration et de tout ce qui a contribué à sa préparation, se manifeste dans le troisième temps de la vie où vient l’heure de faire ses comptes en tentant de répondre à cette aussi intime que pertinente question : « Qu’as-tu fait de ton existence ?»…
Je termine, ici, avec le propos d’un sage médecin neuropsychiatre rencontré comme formateur au cours de mon activité professionnelle, propos qu’il aimait placer dans chacun de ses cours de psychopédagogie :
« Apprendre à un enfant à PRIER c’est lui permettre de savoir BENIR dans le dernier tiers de sa vie… »
Article déjà édité le 14/06/2006