Rappelons que les premiers templiers qui se disaient être les "Pauvres Chevaliers du Christ", avaient prononcé ces trois vœux quasi monastiques : chasteté, pauvreté et obéissance …
Rien d’étonnant qu’en moins de deux siècles ce mouvement ait pris une telle envergure au point de devenir une redoutable puissance…
Enfin pour ce qui concerne la chasteté, il est bien stipulé dans la règle « que périlleuse affaire est la compagnie de femmes que le diable ancien avait fait grande instigatrice de ses œuvres » mais curieusement, plus loin, ce même article mentionne que l’abstinence immodérée est à proscrire, du fait qu’elle rend les chevaliers ineptes au combat …
Bizarrerie des écrits ou amoindrissement de la rigueur dogmatique ?...
Voilà, le panel des contradictions est posé …
Le type même, de cet Ordre Templier, rassemble deux principes de nature opposée : L’un, monastique, donc clérical, voué au recueillement, nécessitant une culture et pratique de vie toute intérieure et l’autre, militaire, impliquant l’ensemble d’actions et d’interventions, toutes, tournées exclusivement vers l’extérieur … Bien qu’en polarité, ils sont complémentaires dans l’institution templière … Dedans /Dehors – En soi/hors de soi …
Sur cet étendard était inscrite la devise latine : » Domine, non nobis sed nomini tuo da gloriam » Seigneur couvre de gloire ton nom, et non pas le nôtre » … Il s’agit bien de combattre au nom du Christ représenté par le blanc, ses adversaires figurés par le noir.
Sous les plis de Baucent, les templiers chargeaient en lançant ce cri de guerre : « à traduire par «Vive Dieu Saint Amour ! »
Alors comment comprendre ces dispositions antagonistes qui font s’opposer Idéal d’une règle à Réalité de terrain ?…
En résumé, nous dirons que pauvre est l’individu templier, mais riche l’armée templière… Autrement dit, chacun n’a de bien propre, mais tous ensemble sont fortunés. Il en était bien ainsi car dès qu’ils étaient admis dans cette valeureuse confrérie, le nouveau promu, souvent, faisait don de tous ses biens au Temple où, les ayant délaissé à la disposition de sa famille, renonçait à toutes richesses. Cet esprit de pauvreté est symbolisé par les deux chevaliers montés sur un unique cheval, figure emblématique du sceau templier.
Mais là encore, le duo peut aussi s’interpréter en tant que dualité sous la forme antagonique, se dégageant de l’aspect double de sa règle …
Pour la chasteté, la contradiction est bien plus confuse puisque, comme mentionné, plus haut, la règle la recommandait comme hygiène de l’âme mais ne l’interdisait pas comme hygiène de vie… Dans les minutes du procès, parmi les quatre grands motifs d’accusation, on trouve que la pratique de la sodomie entre les frères était autorisée par les Grands Maîtres… (Du moment que ce n’était pas une femme au service de Satan !…) Aveux et rétractations en alternances réitérés, pendant toute l’instruction, nous laissent dans le flou quant aux pratiques sexuelles auxquelles les templiers pouvaient ou non se livrer …
En ce qui concerne l’obéissance, les templiers sont certainement plus rigoureux car autant la vie monastique que l’exercice militaire exigent de leurs membres, l’observation stricte des règles respectives et de la discipline qu’elles imposent. Ces deux domaines s’appuient sur une hiérarchie bien établie et commune dans l’Ordre du Temple. On y trouve Chevaliers, Chapelains, sergents, simples soldats et une multitude d’artisans de toutes corporation (Ne pas oublier que les templiers furent de grands bâtisseurs)
Le Grand Maître, élu par le Chapitre, eux, toujours issus de la Noblesse, ensemble, exercent le gouvernement de « l’empire templier » dont le siège se tient à Jérusalem puis, après la troisième croisade, au Temple, à Paris … Le Sénéchal seconde le Grand Maître, Le Maréchal est le grand chef de guerre et le Commandeur, le trésorier, grand administrateur de la communauté templière. Chaque Province, sous l’autorité templière, de même que chacune des Commanderies, reprend ce modèle hiérarchique.
Il est intéressant de constater que socialement, dans cette assemblée d’hommes exclusivement, on retrouve : Noblesse, Clergé et Tiers Etats … autrement exprimé : Autorité temporel – Autorité Spirituel et Ensemble des Exécutants, ces derniers, soumis aux deux formes d’Autorités. Au sommet de la pyramide, le Grand Maître est le représentant suprême de cet ordonnancement, seul habilité à répondre de tous les agissements de cette immense communauté, face aux instances extérieures à l’Ordre. Par contre, au niveau de l’exécutif, il n’a pas tous les pouvoirs, puisque toutes les grandes décisions sont prises en conseil et avec l’accord du Chapitre, de même que l’admission et l’intronisation d’un nouveau chevalier.
Face à une telle constitution, quasi étatique, on saisit par là même, la toute souveraineté de l’Ordre Templier dont les sujets observaient scrupuleusement les règles internes, ne rendant compte de leurs actes qu’aux seuls dignitaires de l’Ordre avant tous autres ; cela faisait d’ailleurs partie des engagements du récipiendaire à son admission dans le Temple.
Ce serment d’obéissance, acquis en interne mais excluant toutes autorités extérieures, voilà bien une particularité qu’un monarque absolu doit avoir du mal à accepter, il faut bien en convenir…
Voilà qui a inspiré une formidable Saga : http://www.mirebalais.net/2018/01/les-rois-maudits-le-fer-le-feu-la-foudre.html