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Le Mirebalais Indépendant

La Vie d'ici et d'ailleurs - Patrimoine : d'hier à aujourd'hui, un monde riche de son passé, a forcément un Avenir ...

Publié le par FARFADET 86
Publié dans : #Les clins d'oeil du Farfadet

Un périple équestre-pédestre socio-philosophique sur des chemins de traverse dans les pas de Montaigne...

Une éloge à la lenteur pour se déplacer en contre-point de la vivacité de l'esprit à s'adapter et à communiquer en même temps qu'une véritable rencontre entre le cheval et son cavalier. Cette lecture est un régal car elle associe l'évasion à travers un florilège de paysages et d'êtres humains, à la réflexion sur le riche éventail des principes existentiels et le sens que l'on accorde à toutes les formes de l'existence. L'auteur des essais a inspiré l'auteur de cet ouvrage, on musarde entre aventureuse promenade et gai savoir.... La philosophie pour errer à son aise, en toute géniale liberté.

NB : chaque titre de chapitre est le nom d'un lieu de leur passage ...

 

Sur les pas de Montaigne : l'itinéraire (2500 km) de Gaspard et Destinada - La tour du château de Montaigne où Michel Eyqueme se retire en 1571 et d'où partira Gaspard Koenig, 449 ans plus tard...Sur les pas de Montaigne : l'itinéraire (2500 km) de Gaspard et Destinada - La tour du château de Montaigne où Michel Eyqueme se retire en 1571 et d'où partira Gaspard Koenig, 449 ans plus tard...

Sur les pas de Montaigne : l'itinéraire (2500 km) de Gaspard et Destinada - La tour du château de Montaigne où Michel Eyqueme se retire en 1571 et d'où partira Gaspard Koenig, 449 ans plus tard...

Au départ s'impose à l'auteur de ce "voyager différemment" qui est aussi l'auteur de ce livre, d'améliorer sensiblement ses aptitudes de cavalier ainsi que ses notions sur l'univers équin  et surtout "d'apprivoiser" Destinada la jument qui l'accompagnera et qu'il appelle familièrement Desti.

Pour cela, Gaspard a pu compter sur l'aide et les précieux enseignements de Alice et Antoine qui furent ses entraîneurs au cours d'une préparation qui dura une année entière.

Si L'auteur reprend le même itinéraire que le grand essayiste du XVIe siècle a effectué en 1580 jusqu'à Rome, parcourant les villes d'eaux d'Europe pour soulager sa maladie des écrouelles, ce n'est pas un pèlerinage mais plutôt une expérience personnelle du voyage à la fois physique et métaphysique où la tête et les jambes prennent solidairement part. Voyage terrestre et voyage en Esprit... Michel de Montaigne n'est jamais loin pour la référence systématique à toutes réflexions suscitées au gré des découvertes, des rencontres et des aléas.

S'y font jour des problématiques d'antan qui sont toujours d'actualité...

Pages 222-223

Quelles querelles ont remplacé aujourd'hui, dans notre société sécularisée, les débats théologiques ? Sans aucun doute les questions liées à l'environnement et, plus particulièrement, au statut de l'animal. Mon passage par Fontainebleau est l'occasion de mettre en pratique la neutralité curieuse que revendiquait Montaigne... ... A l'écouter (un restaurateur défenseur de la cause animale) les choses sont simples : Homo Sapiens ne doit ni domestiquer ni chasser les autres bêtes. ... ... c'est un argument simple et radical, qu'il est impossible d'ignorer aujourd'hui.

A Plombières (Vosges) après deux mois de voyage, l'auteur fait le constat de  sa transformation physique et mentale.

Page 321

Je m'aperçois que, au cours de ces deux mois, je me suis pris au jeu du dépouillement.
Dépouillement physique d'abord. Mon corps a perdu de lui-même sans efforts , toute sa graisse. IL ne reste que la masse musculaire ... je partage cette fierté avec l'empereur Julien qui "estimait que l'exercice, le travail continuel, et la sobriété , devaient avoir cuit et asséché toutes ces superfluités".

Dépouillement matériel, aussi. J'ai appris à doser mon alimentation en fonction de mes besoins et non de mon appétit. Je peux trouver les yeux fermés chaque élément de bagage dans mes sacoches. Réassemblant tous les matins le puzzle de mon paquetage, il m'est impossibles de rien oublier. Ne possédant rien de trop, rien ne me manque. C'est une satisfaction que connaissait bien Montaigne, lecteur des stoïciens.

Parvenu dans la Vôge, (zone de plateaux précédant le massif des Vosges proprement dit dans le département des Vosges) passant dans la forêt de Darney, le cavalier et sa monture remontent le cours de la Saône pour arriver aux abords de Vioménil où un écriteau mentionne la source de la rivière se jetant dans le Rhône à Lyon 500 km en aval . La source devient question physique métaphysique...

L'auteur nous propose là une étonante démonstration qui, de la source nous renvoie à l'élitisme (le fleuve grossi par ses affluents)... l'origine serait-elle déterminante sans la succession d'événements qui se perpétuent sur tout le cours d'une existence.  Ce sont des siècles de "culture verticale" que cette interprétation de source a engendrés. Il est temps de la remettre à sa juste place, recommande L'auteur qui s'amuse à bousculer nos façons de penser.

Pages 325 - 326

Contrairement à ce qu'affirme le dictionnaire, la source d'un fleuve n'est donc pas l'endroit où il sort ; car ce fleuve n'existe alors pas. La Saône n'est pas la Saône à Vioménil. Ce n'est qu'un ruisseau comme un autre, que le hasard a placé au point le plus distant de l'embouchure.

Plus loin, à la halte du soir, alors que, rituellement, Gaspard Koenig confie sa jument à quelque inconnu, il est question de la confiance s'opposant à la contrainte qui, selon Montaigne, infantilise les comportements... ce qu'il illustre par ce qui suit :

Page 336

La clôture des jardins et de champs que l'on veut conserver, se fait d'un filet de coton, et se trouve bien plus sûr et plus ferme que nos fossés et nos haies.

L'auteur G. K.  partageant pleinement cette vue,  renchérit : "En octroyant aux hommes une liberté d'action et de choix, on fait naître l'esprit de responsabilité"...  un vœu plus que jamais d'actualité à notre époque.

Il ne faut pas croire que cette longue randonnée équestre est une promenade de santé à l'instar de Montaigne qui l'accomplit pour une amélioration de la sienne... la route, par les chemins de traverses, est truffée d'embûches... Montaigne la faisait avec tout un équipage de domestiques et de gardes du corps, Gaspard Koenig est seul avec sa monture  pour faire face aux difficultés qui émaillent ses étapes journalières de 30 à 50 km sur des sentiers de randonnées insuffisamment balisés, n'existant plus, disparus sous les assauts de la végétation. ou bien  devenus propriété privée qu'il vaut mieux contourner ou parfois s'y engager à ses risques et périls. Il faut aussi traverser  des bourgs, des carrefours routiers, longer des voies de circulation pour véhicules à moteurs où le cheval n'est pas le bienvenu. Même à travers champs, la chevauchée peut être harassante surtout en pleine chaleur... et, dans les sous-bois il est des pièges que l'on remarque trop tard comme ce ruisseau apparemment aisément franchissable en Bavière, à l'origine d'un enlisement qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques. La Jument avait flairé le danger, le cavalier insisté, trop confiant pour avoir déjà franchi des gués bien plus important....

Page 444

Combien de temps cet épisode a-il duré ? Quelques secondes. Certainement pas plus qu'une minute. Pourtant, j'ai le sentiment d'avoir vécu une tragédie, en passant par tous les stades classiques : hybris, catastrophe, rédemption.

Et puis, il y a les rencontres faites à chaque étape. Si, parfois elles réservent des surprises auxquelles il faut savoir s'adapter sur le plan de son confort perso ou celui de son cheval, ces rencontres sont toujours enrichissantes humainement, riches d'enseignements y compris en matière de disciplines équestres.

Il y a, entre autres,  cette description savoureuse et contrasté de trois portraits de femmes de la Bavière : Sabina son hôtesse à Augbourg extraordinairement prévenante et délicate - Petra pleine de compassion pour les chevaux qui, pour les dorloter, a laissé s'exprimer toute sa créativité en agençant au mieux leur environnement et les structures d'accueil pour que chacun, cheval et cavalier, se sente vraiment chez soi. Puis - Doktor Gabriel, cheffe des services vétérinaires du département, un personnage bourru à souhait, véritable chienne de garde des règlements en vigueur, inflexible, obtuse, désagréable au possible, un des pires obstacles que nos deux "héros" ont eu à dépasser...

L'auteur nous livre aussi son ressenti en terme d'accueil qui diffère d'une région à l'autre en  bien, moins bien  et parfois en vous mettant mal à l'aise, ainsi, ce fut un enchantement dans les Vosges, un émerveillement en Bavière, une déception en Toscane, une pantalonnade sur le parvis du Vatican...

En fin d'ouvrage toute une réflexion est développée sur le rapport entre le cavalier et sa monture : qui est vraiment le maître ?

Page 509 

Je dois me rendre à l'évidence. Je suis totalement manipulé. Je croyais qu'elle était ma jument. Me voilà plutôt devenu son cavalier. Je n'ose imaginer ce qu'elle raconte le soir à ses voisins d'écurie.

Place du parvis de la basilique Saint-Pierre à Rome. un cavalier pélerin pas ordinaire en un tel lieu...

Place du parvis de la basilique Saint-Pierre à Rome. un cavalier pélerin pas ordinaire en un tel lieu...

Vous trouverez, au milieu du livre, sur 8 planches recto-vers, 26 reproductions des photos de cette singulière expédition... 

Un ouvrage à déguster tout à fait dans l'esprit de Montaigne qui pratiquait au quotidien le "Connais-toi toi-même" , un précepte que l'auteur, Gaspard Koenig, a mis en pratique assisté par Desti son incroyable jument.

Page 445

Je laisse la morale de l'histoire à Montaigne : quand on veut traverser une rivière, il faut s'assurer " que votre cheval trouve l'entrée facile". En effet. Les décisions doivent se prendre à deux.

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M
C'est un périple intéressant en effet et original. J'aime l'idée que le maître puisse être le cheval ! Il y a toujours eu un lien particulier entre le cheval et l'homme et à mon avis on découvrira encore beaucoup de choses au sujet de cette relation. Merci de nous parler de ce livre, je n'ai pas encore lu cet auteur, mais je l'ai noté plusieurs fois pour le faire et ses livres sont toujours indisponibles en médiathèque, ce qui prouve son succès. Très belle journée et amitié à tous les deux
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F
Bonjour Manou.<br /> J'ai bien voyagé avec ce livre, une randonnée pour, à la fois affiner sa réflexion et affûter sa vision sur les panoramas, les personnes rencontrées et l'esprit de Montaigne toujours d'actualité en matière du savoir être et du vivre pleinement chaque instant de découverte. <br /> Chevaucher au-delà des courants de pensées ordinaires et se dire que le cheval a, lui aussi, bien des chose à nous apprendre sur lui et sur nous-mêmes... L'humour est aussi présent dans chacune de ces leçons de vie ... La plus belle conquête du cheval : l'homme !...<br /> En plus cette lecture fait du bien ...<br /> Amitiés des Farfadets du Poitou
M
Non je n'ai pas lu ce livre ... mais le grand résumé que tu en fait me donne fortement envie de le lire. Je revois les randonnées que j'ai faites, sans Montaigne, comme fil conducteur. Toutes les aventures qui nous arrivent, les superbes rencontres avec les personnes, la beauté des paysages, les moments un peu dramatiques, où, un petit matin en montagne, le cheval que je montais a décidé de sauter dans un grand trou d'eau, ou petit lac, je ne sais exactement, mais profond. je suis restée sur son dos, ce cheval savait très bien nager, le plus difficile a été de sortir de ce trou car il y avait une butte de terre à franchir. Avec les encouragements de son maître qui menait la randonnée, et moi la main tenant fermement le pommeau de la selle, nous y sommes arrivés. Beaucoup de peur de la part des randonneurs, et moi, gelée et trempée, avec les bottes pleines d'eau que je ne voulais pas retirer de peur de ne pouvoir les remettent. Chacun me proposant un vêtement sec, me frictionnant , bref j'étais la vedette ! La suite a été encore faite avec des histoires de chacun des randonneurs plus ou moins cocasses mais sans la philosophie de Montaigne. Je vais acheter ce livre, merci Patrice, gros bisou aux Farfadets.
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M
oui nous devrions plus faire confiance à l'instinct du cheval qui sait lorsqu'il sent un danger. Je saisis bien tous les sentiments de Gaspard, du drame à l'espoir, surtout pour sa jument, de plus il était vraiment seul, sans possibilité de communication, ce dut être affreux. Pour moi je n'eus pas tous ces sentiments, mais le maître du cheval qui organisait cette randonnée, a eu très peur que je panique. D'ailleurs lorsque mon cheval a sauté dans l'eau je n'ai pas eu le temps de m'en apercevoir que Ptit chou (le nom du cheval) était déjà au milieu du trou en train de nager, et, moi restée en selle, n'ayant que la tête qui n'était presque pas mouillée. Je n'ai pas paniqué car je fais toujours confiance en la vie, la destinée, de plus l'élément que j'aime le plus est l'eau, ayant passé mon enfance au bord de la mer, puis mon infinité avec le cheval. Le cheval m'a tout appris, voir le comportement à adopter face à certains pensionnaires de Saint-Martin (Charlotte doit le savoir). J'arrête là de raconter ma vie. Je vous souhaite un bon dimanche, toutes mes pensées affectueuses et une grosse bise aux Farfadets.
F
Bonsoir Marie-Rose.<br /> <br /> Quelle similitude de déboires équestre !... <br /> <br /> Tu as connu le même genre de mésaventure que Gaspard Koenig qu'il raconte dans cet ouvrage "NVL", en voici le texte : (En Bavière) pages 443 - 444 :<br /> <br /> "Au moment de traverser un minuscule ruisselet, d'un mètre de large tout au plus, Desti pile net. Elle refuse de mettre un sabot devant l'autre. Je ne comprends pas: nous en avons passé mille semblables, sans jamais aucun souci. Je presse les jambes pour lui demander d'avancer. Elle regimbe. J'insiste en claquant la langue. Elle s'exécute. Instantanément, le sol se dérobe sous notre masse. Cette fois, Desti ne s'enfonce pas : elle plonge. J'ai tout juste le temps d'ôter mes étriers et de me jeter hors de la selle. Ma jambe droite est écrasée par le poids du cheval. Je roule dans la boue et regagne la terre ferme. En me relevant, je suis saisi par une image qui ne me quittera plus jamais : Desti pataugeant jusqu'au cou au milieu des feuilles mortes. Comme si la forêt allemande s'ouvrait sous elle et s'apprêtait à se refermer silencieusement, sans laisser la moindre trace de son crime. Comme si le Roi des Aulnes venait la prendre à son tour, sa voix perçante se confondant avec la mitraille de la pluie sur le Lech.<br /> <br /> "Ich liebe dich, mich reizt deine schöne Gestalt, Und bist du nicht willig, so brauch ich Gewalt!" (Je t'aime, ton joli visage me charme,Et si tu ne veux pas, j'utiliserai la force!)<br /> <br /> Je ne peux même pas, comme le cavalier du poème, me jeter dans l'action. Face au drame, je reste un spec- tateur impuissant. Je clopine jusqu'à Desti. Il ne faut même pas penser à appeler les pompiers, car il n'y a pas de réseau téléphonique dans ce sous-bois.<br /> <br /> Je m'époumone. « Allez ! Allez ! Alleeeeeez! >> Desti se débat tel un nageur dans un tourbillon. Elle ne m'a jamais parue aussi humaine, luttant pour sa sur- vie comme nous le ferions tous, avec les mouvements dont nous partageons l'instinct. Elle cherche à repous- ser la matière qui l'aspire. Je vois sortir un sabot, puis l'autre. Les membres antérieurs ont trouvé un point fixe. Ils tirent de toute leur force le reste du corps. Et voilà soudain Desti qui émerge de la glaise primitive, épuisée et dégoulinante. Elle fait trois pas, s'ébroue, s'arrête. En quelques instants, elle a repris son calme et attend sagement la suite.<br /> Je tremble davantage que Desti. Mes jambes me portent à peine. Je l'enlace. Je m'excuse. J'aurais dû t'écouter. Tu m'avais dit quelque chose, quelque chose que tu sentais avec tes sabots si sensibles, sur ce sol inhabituel et spongieux. Quelque chose que j'aurais dû remarquer moi aussi avec ma propre faculté de raison- nement, car sur le côté gît une souche d'arbre arraché par le vent; la boue est venue logiquement combler le trou laissé par ses racines. Tu m'as fait confiance<br /> néanmoins, et je t'ai trahie. Pourras-tu me pardonner?<br /> Combien de temps cet épisode a-t-il duré ? Quelques secondes. Certainement pas plus d'une minute. Pourtant, j'ai le sentiment d'avoir vécu une tragédie complète en passant par tous les stades classiques : hybris, catastrophe, rédemption".<br /> <br /> Bisous des Farfadets du Poitou

Profil


FARFADET 86
Sexe : Homme
À propos : Retraités à Mirebeau* (Vienne), depuis janvier 2005, avec mon épouse, nous étions accompagnateurs de personnes handicapées mentales, ceci pendant 40 ans, dans un Foyer de Vie, en Haute Normandie.

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