Interview de Yann Quéffelec dans la N.R. - Couverture du roman primé Goncourt en 1985 - Concert de Brigitte Engerer au Centre Saint-Martin à Etrépagny.:
Dans La Nouvelle République du 18 août, en dernière page, l'interview de l'auteur de romans Yann Quéffelec, à propos de la parution de son dernier livre : "D'où vient l'amour" a retenu toute mon attention. Une question aujourd'hui brûlante dans l'esprit de pas mal de personnes à la fois préoccupées et intriguées par les événements d'origines diverses qui bouleversent l’ensemble des sociétés et notre environnement.
L'auteur, Breton d'origine, est bien connu pour sa récompense littéraire, ayant été titulaire du Prix Goncourt en 1985 pour "Les noces barbares". une œuvre qui ne laisse pas différent et nous, particulièrement, puisque l'auteur a puisé une partie de son inspiration en séjournant une semaine au Centre Saint-Martin en 1984. A cette époque, il était marié à la talentueuse pianiste Brigitte Engerer qui venait une à deux fois l'an au Centre pour y donner un concert privé, des liens d'amitiés s'étant créés entre notre communauté et Elle.
Il semble que cette question au sujet de l'amour a poursuivi Yann Quefféllec depuis sa tendre enfance. Serait-une quête ? L'auteur est aussi marin c'est dire que l'aventure lui ouvre des horizons qui ne sont pas liés qu'aux seuls éléments physiques de ce monde mais sans doute aussi à ceux d’ardre métaphysique, bien qu'ils s'en défende étant esprit bien plus cartésien que mystique comme vous pouvez le constater à la lecture de son récent interview. (fichier PDF ci-après).
Ses réponses sont celles d'un esprit brillant et inquisiteur qui ne se contente pas des définitions et idées primordiales. Il y a comme un besoin d'expliquer l'Amour comme quelque chose d'inné, ancré au corps, une "fatalité existentielle" à laquelle nul n'échappe mais avec, en arrière plan, le mystère qui tient à cette ineffabilité. Le marin aime la navigation et la force du vent qui agite les flots mais il aime aussi rentrer au port après de longues courses océanes...
Fichier PDF de l'Interview de Yann Quéffelec dans la N.R. du 18 août 2022.
Personnellement l'Amour, je le conçois plus comme étant une *personne*... une entité sublime, vecteur hautement spirituel de notre humanité... et me pose ainsi cette question : C'est QUI l'amour ?
Mais alors, Farfadet, explique-nous pour quelle raison tu fais précéder ta question de « Qui » au lieu de « Quoi ». L’Amour serait-il une personne ?
Vous faites sans doute référence à cette ancienne émission animée par Carole Rousseau sur France II : « C’est Quoi l’Amour ». Sûr, votre remarque est pertinente car cette émission est constituée de témoignages qui nous touchent au plus profond de notre humanité.
D’ailleurs à travers toutes ces expériences en rapport avec un tel sujet, exposées à notre attention, il s’avère bien que définir l’Amour n’est surtout pas chose simple…
Évidemment avec ce « Qui », c’est donner visage humain à cette notion de l’Amour…
Au sens courant de prime abord, on ne peut faire autrement que de personnaliser l’Amour car pour chaque amoureux, l’Amour a bien un visage, le visage de l’être aimé…
A la question : « C’est Quoi l’Amour » je serai tenté de répondre par cette définition qui vous semblera abrupte: C’est un champ de forces extraordinaires aux limites incommensurables …
Je vous avouerai qu’exprimé de la sorte, en si peu de mots, c’est très frustrant surtout à propos d’un thème, qui depuis la nuit des temps a tant fait couler d’encre et pas seulement de l’encre, mais aussi des flots de paroles, de larmes et de sang…
Néanmoins, au premier abord, il s’agit bien de forces puisque nous sentant animés par elles, nous sommes comme attirés par ceux ou celles que nous disons aimer ou bien repoussés lorsque nous n’en sentons plus les effets en retour ou lorsqu’il n’y a pas réciprocité des sentiments …
De toute manière tenter de définir ce qu’est l’Amour tient d’une véritable gageur car sa manifestation n’est pas en rapport avec la tête justement, l’Amour on le représente toujours en lien avec le cœur, vous savez ce petit personnage avec son arc et ses flèches auquel on a donné le nom si poétique de Cupidon…
Oui l’Amour est avant tout affaire de cœur mais, disant cela, on est loin d’avoir fait le tour de ce grand mystère … car l’Amour, nous le pensons tous ainsi, est bien un grand mystère, déjà parce que son langage à lui est celui du cœur et qu’un langage intelligible pour nous, part de la tête.
« Le cœur a ses raisons que la raison ignore … » c’est ce qu’un jour Blaise Pascal a lancé à la face de nos consciences ébahies …
Oui, au premier degré, l’Amour ça nous surprend, l’Amour ça nous étonne, l’Amour ça nous transporte, l’Amour ça nous transforme, l’Amour ça nous sublime, l’Amour ça nous rend bon, l’Amour ça nous fait mal, mais quand par excès ou par manque, il nous rend monstrueux, alors, ce n’est plus de l’Amour …
L’Amour, à des degrés divers, se retrouve déjà dans la Nature, il est débord maternel chez tous les êtres vivants. A travers cet instinct il est cette force qui réchauffe, protège, accompagne et élève sa progéniture. Il devient plus tard cette force d’attirance pour l’autre sexe, qui nous submerge, nous aveugle, nous angoisse mais aussi nous grandit quand, nous rendant tendre et courageux à la fois, nous sommes prêts à affronter les pires épreuves, non seulement pour assouvir nos envies brûlantes, mais aussi pour fusionner avec cet autre « Je » dont on goûte, avec délectation, à sa personne jusqu’à en oublier son propre « Moi » …
A partir de ce sentiment d’une force extraordinaire qu’à ces instants nous éprouvons avec une rare intensité, nous parvenons alors, le plus souvent n’en sachant rien, au seuil d’un Amour encore plus grandiose, tellement immense que nous le qualifierons, ici, d’Universel …
De là, pouvons alors nous hisser au rang des dieux qui n’attendent que notre contribution pour parfaire leurs créations …
Avec cette phrase que vous venez de lire, ci-avant, le propos vous parait grandiloquent, quelque peu éthéré, j’en ai bien conscience mais derrière ces mots simples, le concept, ce « Quoi » de l’Amour, nous concerne particulièrement, nous les Humains, car il a été déposé dans l’Évolution par des Entités bien plus élevées que nous dans la hiérarchie des êtres de nature essentiellement spirituelle et cosmique. Nous, les Humains, sommes non seulement les dépositaires de cet Amour mais aussi ceux qui, le manifestant à travers nos existences, doivent en imprégner tout ce qui a pris forme ici bas, dans ce monde physique : êtres et choses. Avec l’Amour, nous devons transcender jusqu’à la matière, la débarrasser des chaînes qui la rattache à nos égoïsmes et, ainsi, la rendre libre …
Mais avant, il s’agit de nous en libérer nous mêmes car, réciproquement, nous sommes enchaînés à la matière, déjà parce que nous sommes des êtres qui avons pris corps et qu’ici bas, nous sommes effectivement des êtres incarnés…
Perçu de cette manière, l’Amour ne devrait jamais nous enchaîner à qui, à quoi que ce soit, au contraire il devrait rendre libre, nous rendre libre sans que cesse sa manifestation.
A chaque fois que je dis « j’aime » ou « je t’aime » je suis encore bien en retrait de ce que doit permettre la mission d’Amour confiée au genre humain … j’associe trop ma personne à l’objet de ce que je pense être mon Amour. L’Amour n’est pas mien, Il Est !
Force de Vie, l’Amour fait intrinsèque partie de ma Nature Humaine profonde, j’ai besoin d’Amour pour me développer en tant qu’être humain mais j’ai aussi besoin d’en prodiguer autour de moi. L’Amour est également une prodigieuse force de rayonnement.
Dans des temps futur, il faudra que les êtres humains s’affranchissent de cet égoïsme dont ils ont imbibé les forces de l’Amour, car, très curieusement, c’est à partir de l’égoïté qui les caractérise, qu’ils devront être Amour eux-mêmes …
L’Amour n’est pas qu’un « Quoi » ,
l’Amour est aussi un « Qui »
Qui nous laisse bien coi,
Avant de nous être acquis …