Les poètes passent souvent pour des rêveurs, des originaux hors du temps et des modes, loin des réalités, des fantaisistes tantôt surréalistes, tantôt ringards quand on ne les prend pas pour des fous hors du sens, hors des clous… Idéalistes devant faire front aux réalistes matérialistes eux, bien plus près des sciences et des codes définissant une société éclairée par ses nécessités économiques et le rang attribué à chacun en fonction de ses « mérites »
De ce fait bien des poètes aujourd’hui disparus, ont été oubliés comme hors du cercle…
C’est le cas de John Keats (1795-1821) dont on a fêté le bicentenaire de sa mort en 2021. Encore un Anglais me direz-vous, décidément Farfadet tu as l’esprit Outre-Manche en ce moment …
Sans doute mais ici, il n’est plus question de trône ou de règne sinon celui de la nature et du vivant de ses espèces. Et puis la poésie n’a pas de frontière, elle est universelle. Voici ce que nous en décrit John Keats dans un courrier adressé à John Taylor le 27 février 1818 :
En poésie, j’ai quelques axiomes, et vous allez constater que je suis bien loin de leur centre.
1er – Je crois que la poésie devrait surprendre par un bel excès et non par la singularité ; elle devrait frapper le lecteur parce qu’elle formule ses pensées le plus élevées et qu’elle lui apparaît presque comme un souvenir.
2e – Ses touches de beauté ne devraient jamais s’arrêter à mi-chemin, en laissant le lecteur pantelant, au lieu d’être satisfait. Le lever, la course et le coucher des images devraient, à l’instar du soleil, lui être naturels, briller sur lui et se coucher avec sobriété, bien qu’avec magnificence, en l’abandonnant au faste du crépuscule. Mais il est plus facile de penser à ce que devrait être la poésie que de l’écrire.
Et ceci m’amène à un autre axiome : si la poésie ne vient pas aussi naturellement que les feuilles à un arbre, mieux vaut qu’elle ne vienne pas du tout.
Au cours de sa courte existence John Keats ne cessera jamais sa quête de la réalisation poétique idéale qui, pour lui est mieux que de la vouloir parfaite. Jamais satisfait par ce qu’il produit intensivement, il écrit néanmoins des poésies somptueuses par la force des images, nous surprenant avec des métaphores recréatrices transcendant les réalités et les émotions en spectacle ravissant l’âme et les yeux intérieurs du lecteur. La grâce des mots vient de leurs associations jamais hasardeuses. L’image surgit plus vive et colorée qu’une idée froide ou un concept aride, mais comme pensée vivante. Il ne saurait être question de jeux de mots mais d’envolée d’images intuitives d’une mobilité époustouflante. Le lyrisme semble l’emporter sur le romantisme naissant. C’est l’esprit des choses et des êtres qui se manifestent dans le langage sublime du poète jamais rassasié par ce qui l’émeut et l’inspire.
La Nature, dans sa force, sa fulgurance et sa prolifération, est à la fois sa muse privilégiée, son mentor prolixe, mais aussi l’objet d’un amour épanouissant. Voici ce qu’il nous en communique dans cet extrait d’Endymion écrit en 1817.
Un objet de beauté est une joie éternelle :
Son charme augmente ; il ne glissera jamais
Dans le néant, mais gardera toujours
Un paisible séjour pour nous, et un sommeil
Peuplé de doux rêves, plein de santé, à la calme respiration.
Aussi tressons-nous, chaque matin
Une guirlande fleurie pour nous lier à la terre,
Malgré le découragement ; l’inhumaine pénurie
De nobles natures, les sombres journées,
Tous les chemins malsains et enténébrés
Tracés pour notre quête ; oui, malgré tout cela,
Une forme de beauté écarte le voile
Noir de nos âmes. Ainsi du soleil, de la lune,
Des arbres vieux et jeunes, offrant le bienfait de leurs ombres
Aux humbles moutons ; ainsi des jonquilles
Et du monde verdoyant où elles vivent ; et les limpides ruisselets
Qui se font un frais couvert
Contre la saison chaude ; le taillis au cœur de la forêt,
Parsemé de la riche floraison des roses musquées ;
Ainsi de la grandeur des destins que nous avons
Imaginés pour les morts majestueux ;
De tous les contes charmants que nous avons lus ou entendus :
Fontaine intarissable d’une boisson immortelle,
Qui se déverse en nous au seuil des cieux.
Et nous ne ressentons ces essences
Que pour une courte heure ; non, de même que les arbres
Qui murmurent autour d’un temple deviennent bientôt
Aussi précieux que le temple lui-même, la lune,
Cette passion qu’est la poésie, splendeurs infinies,
Nous hantent jusqu’à devenir pour nos âmes
La lumière réconfortante, et se lient si fort à nous
Qu’elles doivent toujours être à nos côté,
Au soleil ou dans l’obscurité, ou bien nous mourrons.
C’est donc avec force allégresse que je
Retracerai l’histoire d’Endymion.
Après lecture du soir, emporter ces vers, douce musique, ruissellement d’images dans notre sommeil apaise la turbulence des nuits, pour l’âme, tant de merveilles chassent la mélancolie autant que l’ennui.
Un ravissement prodigieux nous cueille à note éveil.
Oui la poésie est un sublime langage universel !
Qu'est-ce donc la poésie ? - Le Mirebalais Indépendant
Réédition d'un article initialement publié le 05/10/2017, 09:23 Histoire de poser un regard plus apaisant sur la brulante actualité... Conversation un soir d'automne. Lucius, Farfadet de son é...
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