« Est-il dans cette vie une gloire plus grande que de savoir jouer de ses jambes et ses bras ? » Homère.
La philo a le vent en poupe ces temps ci !... Sur le petit écran deux séries la mettent à l'honneur sur FR.2 en 4 épisodes le lundi soir : « Les aventures du Jeune Voltaire » suivi le mercredi soir de « La faute à Rousseau » en 8 épisodes.. et je viens de finir la lecture de la stupéfiante chronique du coureur cycliste Guillaume Martin : « Socrate à vélo »
La tête et les jambes... tiens cela aussi a constitué le titre d'une émission télé il y a des lustres... Socrate à vélo ! Du mythe au logis... 😌 on passe aux légendes du Tour, voilà pour dépoussiérer la lointaine histoire et l'idée que l'on se fait des philosophes qui de tous temps ont tenté de lui donner un sens autant qu'à chacune de nos vies... et maintenant, pour mieux comprendre le sens de leurs missions on les met en selles toutes générations confondues...
Bon, on ne peut pas être intello fort en thème et en même temps hyper-musclé des mollets... Les gros bras, les torses puissants, les sportifs de haut niveau, ne peuvent être des gens à l'intelligence brillante, ce sont avant tout des brutes aux réflexions abruptes à la pensée qui dodeline comme leur tête pendant les efforts imposés par leurs disciplines... réciproquement, les intellos boutonneux, les grosses têtes des matheux, des scientifiques, des littéraires, on ne peut s'attendre à ce qu'ils accomplissent des exploits au milieu des dieux du stade…
Ça, voyez-vous, ce sont de vils préjugés découlant de cette façon exécrable, totalement dépourvue d’objectivité, de classer, suivant les apparences, souvent trompeuses, les genres et les types humains...
En réalité, on peut bien être un sportif érudit apte à méditer, apprécier, juger et argumenter avec pertinence et faconde - La rhéto, ce n'est pas que pour les intellos – et, inversement, le vélo ce n'est pas que pour les gogos et les bobos... (dans tous les sens du terme...)
Partant de cela on peut fort bien accepter que des philosophes de grande renommée s'alignent au départ du Tour de France parmi les champions de la petite Reine les plus célèbres. Voici donc un plateau de coureurs cyclistes hors norme qui vont se disputer de façon à la fois pugnace et très réfléchie, les grandes étapes du Tour. Les vélosophes font se bousculer les foules sur leur passage... rien n'est écrit d'avance... tout est possible... la tête vaut bien les jambes, l'intelligence, c'est dans tout le corps et il n'est pas interdit de muscler son cerveau ...
Pages 30 – 31 :
Doit-on toujours être dans la réflexion ? Comme si le corps ne pouvait se suffire à lui même. Comme si l'esprit, toujours supérieur, s'ennuyait de ne pouvoir penser pendant que le corps se dépense...
… Ce que je ressens sur le vélo... ce serait une sorte d'extase du coureur cycliste, survenant de manière imprévue, qui me transporte hors de moi-même – ou plutôt hors de mon esprit. L'extase du sportif d'endurance est un recours au corps et au présent. Nietzsche disait que c'est l'expérience dionysiaque de l’Éternel Retour, ce grand acquiescement à la vie qui impose de vouloir que tous les événements de l'existence ,peines et souffrances comprises, reviennent un nombre infini de fois. Je dirais à tout le moins que c'est la preuve que le corps n'a pas besoin de l'esprit pour avancer.
Pages 60-61, l'auteur, Guillaume Martin, nous explique que dans le domaine universitaire la pratique d'un sport à haut niveau d’entraînement a tôt fait de vous faire passer pour un extra-terrestre ;
Le quotidien du sportif est une « terra incognita » pour nombre de professeurs... Alors, en master, constituer un mémoire sur le phénomène athlétique en regard avec l’œuvre de Nietzsche voilà bien un essai philosophique qui sort des sentiers battus ne pouvant être qualifié que « d'exotisme »...
Fort heureusement , il y a des exceptions, et j'ai finalement pu me rapprocher d'un professeur de philosophie, Jean-François Balaudé – par ailleurs président de l'université de Nanterre, passionné de cyclisme, cyclosportif lui-même –, qui souscrivit à mon projet de mémoire et accepta d'en être le directeur.
Il y a bien sûr des passages épiques dans cette fiction qui mêle à merveille essais littéraire de haute volée et exploits sportifs de haut niveau. S'y ajoute quelques clins d’œil humoristiques, allusions aux grands noms du cyclisme, références à des situations propres au déroulements des étapes et autres aléas de la course. Rien n'est omis, y figure tout ce qui rend haletante cette reine des épreuves cycliste : Le Tour de France. La singularité tient au fait que les équipes ne sont plus sponsorisés par de grands marques, mais nationales... Ceci expliquant que les Grecs font, dès lors, partie du plateau des meilleures équipes au départ de la Grand Boucle.
Au cours de cette lecture étonnante vous serez émerveillé par les pans de stratégies développés pour tenter de remporter une victoire d'étape ; élaborés entre entraîneurs et chaque membre des équipes où Allemands Français et Grecs s'affrontent pour le titre suprême. Ils se nomment Socrate, Platon, Aristote, Nietzsche, Pascal, Sartre etc. Tous la tête dans le guidon, ce sont les jambes qui moulinent !... Formidable têtes à têtes entre champions de la réflexion et de concentré d'efforts physiques, on se laisse facilement entraîner sur la route pour, avec eux, se préparer méticuleusement puis pour gagner, après une ascension en apnée, l'une de ces redoutables et vertigineuses étapes de montagne comme cette arrivée à La Planche des Belles Filles. Le suspens est au rendez-vous ; le cyclisme y a gagné toutes ses lettres de noblesses grâce à l'effort cérébral qui fusionne avec l'effort musculaire... la course est sublime entre penser et se dépenser...
On peut aimer le vélo et se plonger dans les essais philosophique. Merci Guillaume Martin ! Voilà ce que j'appelle s'aérer l'esprit...