Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Mirebalais Indépendant

La Vie d'ici et d'ailleurs - Patrimoine : d'hier à aujourd'hui, un monde riche de son passé, a forcément un Avenir ...

Publié le par FARFADET 86
Publié dans : #La pensée du jour

Réédition d'un article initialement publié le : 08/03/2018 à 00:05

C'est aujourd'hui la journée internationale des droits de la femme.

Quand nous étions encore en activité, j'ai eu l'occasion de jouer dans la pièce de Jean Anouilh : "L'Alouette" non pas le rôle de Jeanne mais celui d'un de ses inquisiteurs accusateurs... Le personnage de Jeanne est éblouissant dans ce procès mis en scène.

Convenons qu'en matière de ses droits et de sa légitimité féminine, ils furent par ses juges et bourreaux complètement bafoués. Mais telle chose était-elle envisageable en ce temps là car durant bien des siècles encore, la femme fut, par la gente masculine, considérée et traité comme inférieure à l'homme. Alors une femme en habit d'homme et en armure comme un guerrier, c'était inconcevable et à bannir absolument.

Nombreux sont ceux qui se posent la question de la féminité de Jeanne. Je pense qu'il faut considérer que ce n'était pas qu'une guerrière, c'était aussi, bien que jeune encore, une femme... Dans une fiction publiée sur ces pages « Jeanne la Nouvelle voie » sa féminité je l'ai décrite et idéalisée à travers cet extrait  …

Mesdemoiselles, mesdames, c'est cette féminité adorable que j'honore à travers ces lignes...

Jeanne et la féminité...

Jamais Jeanne n'avait, jusqu'à cet instant, ressenti un tel bien être. Cette liberté retrouvée à ce moment de la mi matinée imprégnée de cette bienfaisante lumière du soleil qui jette des ombres bleutés sur les trottoirs, a quelque chose d'exaltant. Plusieurs fois, elle s'arrête pour inspirer profondément l'air ambiant. En perçoit elle la pollution ?... Sans doute pas encore… elle y puise le bonheur d'être tout à coup au cœur de la vie, dans un monde nouveau où elle a tout à découvrir, une foultitude de gestes à apprendre, d'habitudes à adopter. Et pour cela, elle n'a qu'à regarder, observer tout ce qu'il se passe autour d'elle. Jeanne est au spectacle et fait, en même temps, partie de ce spectacle, c'est un pur délice !... À ces sentiments, déjà très forts, s'en ajoute maintenant un autre qu'elle n'avait sans doute jamais éprouvé avec autant d'intensité : elle se sent femme... est-ce l'air qui caresse son corps à chaque pas, ce frôlement qu'elle ressent à travers le textile soyeux et doux de ses nouveaux vêtements si légers, cette jupe plissée qui flotte autour de ses jambes et dont les pans, en balancement cadencé, effleurent, alternativement, l'avant et l'arrière de ses cuisses quand elle marche, ou bien ce frissonnement des dentelles ourlant le balconnet de son soutien-gorge sur sa peau ? Elle ne saurait dire mais, ces perceptions confuses renforcent ce sentiment de féminité lui incombant soudain et lui procurant un bonheur ineffable...

La rue du faubourg Saint-Jean, où elle est sortie de l'hôtel de police, débouche sur le boulevard Jean Jaurès. Jeanne prend à droite en direction du fleuve. Elle a besoin de ce miroitement de ces éclats de lumière et de cette petite brise accompagnant le courant pour, mieux savourer son bonheur. Elle se rend compte que ses pas sont bien plus amples et rapides que ceux des passants qu'elle croise ou dépasse. « Mon Dieu ! avec ma démarche de guerrière, je ne dois pas passer inaperçue...il faut absolument que je maîtrise ma façon de marcher en me calquant sur celle des autres promeneurs... » Avec beaucoup de concentration, elle parvient à corriger son allure et déambule alors avec bien plus de naturel… pourtant, elle n'est pas sans être remarquée : les hommes qu'elle rencontre se retournent sur son passage, beaucoup lui sourient et il en est aussi quelques-uns qui la sifflent sans vergogne. Jeanne est une fille superbe... en a -t-elle conscience ?... C'est en apercevant son reflet sur la paroi vitrée d'un abri-bus, qu'elle a cette révélation. Elle s'arrête un instant pour se contempler... « C'est moi, cette jeune fille gracile ? » Elle fait un pas de côté pour se voir de trois quart... c'est alors qu'une grande brune en rollers filant à toute vitesse sur le trottoir manque de la percuter. « Pousse-toi connasse ! Jeanne, que la skateuse a poussé vigoureusement, a failli se retrouver par-terre. Quand elle se retourne, la fille est déjà à plus d'une centaine de mètres devant elle… « Bon évitons les écarts intempestifs , s'amuse Jeanne... connasse ?... Ce n'est sûrement pas un compliment... »

Parvenue au carrefour de franchissement des voies sur berges, elle reste un moment hésitante à cause du flot incessant des véhicules. Ayant obliqué légèrement à droite, Jeanne se trouve au niveau des cérames d'un passage pour piétons. Prenant exemple sur un groupe de jeunes, elle traverse en même temps qu'eux, la chaussée du quai Saint-Laurent.

La voici au bord de la Loire, remontant vers l'Est, elle suit le chemin la longeant. L'air, à cet endroit, plus mouvant, joue avec les pans de sa jupe. Consciente qu'on l'observe, elle avance comme une danseuse irlandaise, en en maintenant les bords, bras plaqués le long du corps. Ayant parcouru ainsi une centaine de mètres, elle trouve une série de bancs faisant face au fleuve. Elle vient à peine de se poser, qu'un homme au tempes grisonnantes, la cinquantaine, s’assoit à côté d'elle, jusqu'à la coller.

- Quelle belle journée, n'est-ce pas ? Jeanne toise son interlocuteur...

- En effet ce printemps est prometteur... alors j'aimerai bien en profiter tranquillement. Au-revoir monsieur ! Elle se lève aussitôt pour aller s'asseoir deux bancs plus loin. L'homme veut la rejoindre mais elle ne lui en laisse pas le temps ; c'est elle qui va au-devant de lui et le fixe droit dans les yeux. Le regard de Jeanne se fait si intense que l'homme prend soudain peur et passe son chemin, sans qu'un seul mot soit échangé. Elle se rassoit, un temps, apaisée...

Songeuse au bord de la rivière... - Photo Internet -

Les hommes… tous pareils, leur envie de conquérir, de posséder, de toucher, de coucher et de jouir comme des bêtes constamment en rut… Jeanne sent les larmes venir... c'est alors que se superposent à la vue qu'elle a du fleuve et de ses rives, en face, d'autres images de ce même endroit mais à une époque bien plus ancienne. C'était un jour gris, les clameurs qui montaient des bastilles, envahissaient tout l'espace, « la putain des Armagnacs » observait les tourelles d'assaut anglaises à l’Ouest. En l'absence de Dunois, avec quatre centaines d'hommes sous le commandement de La Hire, ils avaient opéré une sortie de ville. La bataille faisait rage. Il y avait déjà bien trop de corps à terre... des hommes de son camp, touchés par les carreaux des archers anglais. Certains gémissaient d'autres, ceux-là même qui, avant de tomber, lançaient des obscénités, se conduisaient en reîtres aux propos et aux gestes répugnants, pleuraient maintenant comme des enfants, crispés sur l’empêne d'une flèche ayant traversé leur cuisse ou leur poitrine. Ces godons irrévérencieux, il fallait absolument les faire sortir de leur bastilles infernales. Elle, la Pucelle, savait comment les provoquer... il lui suffisait d'être présente face à eux et leurs quolibets, bien droite dans son armure, étendard bien en vue et de leur crier « Vils Seigneurs au service du trône d’Angleterre, n'avez rien à faire sur les terres du royaume de France. Moi, Jeanne la Pucelle, je vous exhorte à partir loin d'ici et de libérer immédiatement la place ! » Ils hurlaient encore plus fort, la vouant aux enfers… et cela la faisait encore plus sourire... Tous, ils avaient peur d'elle, pour eux, c'était une sorcière... elle savait cela, elle en jouait et les bravait jusqu'à l'outrecuidance... mais il y avait aussi tous ces morts et ses nombreux blessés à terre. Cette vision la rendait particulièrement triste... même la mort de ses ennemis ne lui était pas indifférente. Tout ce sang, toute cette boue, ces feux ravageurs, cette noirceur de la guerre, cette furie des combats, cela lui était difficilement supportable et pourtant elle se trouvait au cœur de la bataille, guerrière pugnace, jamais magnanime pour qui ne respectait pas sa cause imposée par l'indéfectible Volonté du Ciel.

À la place des bastilles, sur la rive sud, son regard embrasse, noyées dans la végétation, quelques barres d'immeubles... elle essuie ses larmes d'un revers de main... heureusement, personne ne passe par là. Jeanne n'aimerait pas être surprise en train de pleurer. Il faut qu'elle passe totalement inaperçue dans cette autre époque et, au contraire, de celle dont elle vient d'avoir l'épouvantable vision rétrospective, éviter toutes les provocations préjudiciables aux menées des nouvelles batailles qu'elle doit maintenant livrer.

Jocelyne lui a donné rendez-vous sur le parvis de la cathédrale Sainte Croix… à treize heures, lui a-t-elle précisé… même si elle n'a pas de montre, Jeanne sait qu'il est temps de se diriger vers ce lieu de rencontre.

Autre hommage aux femmes, en lien ci-dessous :

Commenter cet article
M
Quoi de plus beau, pour la journée de la femme, qu'un homme décrive si joliment sa féminité, (de la femme). La Jeanne guerrière, à notre époque, prend une nouvelle voie, comme tu le dis si bien Patrice. Monsieur de la Trémouille (c'est entre nous) te souhaite une belle journée ainsi qu'aux belles dames qui sont auprès de toi.
Répondre
M
Je n'ai jamais lu ou vu cette pièce de Jean Anouilh...Merci de nous parler aussi bien du personnage de Jeanne dans ton texte et à travers elle de toutes les femmes...nous avançons à petits pas mais nous sommes encore assez loin de l'égalité en matière de droit dans notre pays et dans le monde. Belle journée
Répondre
M
Tu as une imagination tendre et tu traverses les siècles pour mieux nous parler des femmes!<br /> Merci à toi pour ce beau texte!<br /> Mo
Répondre
F
Passionnant cet écrit sur Jeanne Darques et Jeanne d'Arc. Belle imagination qui nous laisse en suspens et on est impatient d'en lire la suite
Répondre
F
Merci Francis pour l’appréciation. <br /> <br /> Oui il est bien prévu une suite à ce livre "1" qui se termine par le chapitre "Épouse-moi". Mais pour l'instant, les événements et aléas y afférant me mobilisent sur des impératifs autres que l'écriture.
C
toujours il nous faudra veiller à ne pas perdre ce qui est acquis et se battre encore et toujours pour être vraiment considérée comme l'égale des hommes en salaire et en fonction ... tout en gardant le respect les uns pour les autres !<br /> amitié .
Répondre
F
Bonjour Marie-Claude,<br /> <br /> Il semble que l'on progresse au sens de cette parité et égalité mais il y a encore des résistances surtout au niveau des salaires pas encore équitables dans nombre d'entreprises...<br /> Dur de changer des mentalités remontant à la nuit des temps...<br /> Oui, je comprend, les femmes ne doivent rien lâcher de leurs acquis et revendications...C'est un combat de femmes mené avec autant de bravoure qu'un combat d'hommes.
F
Et mon soutien à Mathilde Edey Gamassou qui incarnera Jeanne d'Arc lors du défilé des fêtes Johanniques le 8 Mai prochain à Orléans<br /> Honte aux auteurs de propos racistes qui ont exprimé leur haine et lâché leurs insanités sur les réseaux sociaux en raison de ce choix d'une jeune fille métisse. Jeanne d'Arc représente aussi les vertus universelles de toutes les femmes éprises de justice, d'équité et de dignité humaine et ayant le sens du don de sa personne pour toute cause honorable. Hommage soit rendu à Toutes les Femmes quelle que soit leur apparence où a couleur de leur peau, Seul compte l'éclat de leur regard animé par une âme noble et bienfaisante.
Répondre
D
et d'actu !
Répondre
F
Oui, aujourd'hui on célèbre au niveau internationale Toutes les Femmes pour l'équité de leurs droits. Une reconnaissance bien tardive dans l'histoire de l'humanité où pendant des siècles c'étaient les hommes qui face à elles tenaient le pouvoir et souvent les tenaient en soumission entant que fille, jeune fille et femme devant être dépendante de leur époux, ou conjoints... Il y a encore des progrès à faire en matière d'équité, déjà au niveau des salaires qui devraient être identiques à celui ds hommes et sur la parité dans l’engagement dans la vie active, politique économique et sociale et l'attribution de responsabilités m^me des plus hautes en reconnaissant les compétences hors toute considération sexiste.<br /> Et bien naturellement c'est chaque jour de l'année que les femmes se doivent d'être bien considérées, respectées et aimées., voire célébrées.
D
très original et bien écrit, bravo
Répondre
F
Merci de cette appréciation Dominique.<br /> <br /> Oui j'ai imaginé ce "retour" de Jeanne d'Arc à notre époque dans cette nouvelle intitulée : "Jeanne la nouvelle voie" qu'on peut découvrir en cliquant sur le lien dans la colonne à droite "Catégorie" cela constitue un premier livre. Une fiction romanesque pour revisiter son fulgurant parcours terrestre fait au XVe siècle qui mit fin à la guerre de Cent Ans. Dans le contexte de notre époque elle rencontre les êtres d'aujourd'hui et sans doute, en dépit du degré élevé de nos techniques, la détresse des hommes et femmes de notre temps où notre humanité se confond dans un matérialisme obscure privant l'âme de ses hautes aspirations. Cette fois, ce n'est pas une nation qui doit être sauvée mais l'ensemble de l'humanité dans ce qui la caractérise en tant qu'âmes humaines bien plus célestes que terrestres...

Profil


FARFADET 86
Sexe : Homme
À propos : Retraités à Mirebeau* (Vienne), depuis janvier 2005, avec mon épouse, nous étions accompagnateurs de personnes handicapées mentales, ceci pendant 40 ans, dans un Foyer de Vie, en Haute Normandie.

Archives

langues

 

Hébergé par Overblog