Réédition d'un article initialement publié le 03/04/2015 à 12:19
Gornemans
Bonjour, merveilleux univers !
Au revoir, bienfaisant Hiver !
Que tous les êtres, avec ferveur,
Ce matin, rendent grâce au Sauveur.
La Joie qui monte de la Nature,
N'atteint-elle toutes créatures ?
Venant par derrière ces buissons,
De plaintes, j'entends les tristes sons.
Kindry ! Kundry ! Allons, lève-toi !
Il est l'heure d'accomplir acte de foi.
Ne reste à terre pour souffrir !
Kundry
Ah ! Sommeil, mort, quoi donc offrir ?
Les déchirures d'une manante,
Par suite du rire qui me hante
M'ont conduites, tour à tour, comme caprices,
Autant vers les bons que les mauvais offices.
Ah misérable ! J'ai ri, j'ai tant ri,
Que jamais , en moi, l'image ne périt.
De Lui, sous le fardeau des souffrances,
Je riais et raillais sa pénible avance.
Du fouet qui meurtrissait en cinglant,
Son visage tuméfié et sanglant,
A chaque coup, je riais plus fort,
Tandis que Lui, maintenant l'effort,
S'acheminait à son Calvaire.
Alors, en moi, le Regard Clair,
Pénètre quand se croisent nos yeux,
Et cessent mes rires malicieux.
Puis de moi, se détourne, l'Être lumineux,
Pour l'accomplissement d'un sort douloureux.
Contre mon gré, je l'ai suivi à Golgotha...
Depuis je trahis et sers Anfortas.
Je suis l'ombre dans la lumière.
Rien ne peut me tirer d'ornière...
Mais c'est l'heure de servir, servir, servir !...
Gornemans
Attends ! Avant, nous faut sévir…
Ce que voyons ici, est aberrant,
Jamais chevalier, ne fut si mécréant,
Car celui-là, sous la ramure,
Ose, ce jour, se tenir en armure.
Est-ce miracle ou merveille,
J'aperçois la lance vermeille !
Et lui, qui ne la quitte des yeux,
Me paraît être le fol audacieux
Qui blessa l'oiseau sacré,
Et que je chassais à regret...
Ami... qu'attends-tu de cette lance ?...
Perceval
Seigneur, elle doit porter la clémence
A un roi pêcheur et infortuné...
A la Rédemption, elle est destinée.
Gornemans
Chevalier, sais-tu quel est ce jour ?
Perceval
Je ne le sais tellement je cours...
Gornemans
C'est aujourd'hui Vendredi Saint
Tel que nul à l'occasion,ne ceint
Armes et parures de guerre .
Perceval
Là Seigneur, je les jette à terre !...
Mais, j'ignorais la tradition,
Est-ce en souvenir de la crucifixion ?
Gornemans
Certes, en ce jour, tout bon et loyal chevalier,
En prières se recueille, en quelques moutiers.
Pour apprendre la vraie charité,
Il doit faire preuve d'humilité.
Perdre tout orgueil, toute arrogance,
En quittant son habit de violence.
Ce jour, aucune arme ne sert,
Pour célébrer cet anniversaire
De la mort du Christ sur la croix,
Chargé de nos fautes par surcroît,
Auprès de Dieu en assure la rémission,
Par sang divin coulant au terme de sa mission.
Encore ces jours, peu d'humains en saisissent le sens,
Ni n'en ressentent vraiment l'importance.
Ce sang du Christ, comme aucune autre substance,
De toutes vies sur Terre, revivifie l'essence.
Perceval
Maître, c'est le plus grand des saints sacrifices,
Que Dieu, pour nous, fait réaliser par son Fils.
Combien nos plus hautes entreprises semblent futiles,
Ridicules, nos richesses et nos royaumes, fragiles.
Honte à nos convoitises et mesquines conquêtes !
Qu'enfin l'humanité, du Graal, aille en quête.
Mais … quelles est cette merveille ?
Soudain, le monde s'éveille !...
Gornemans
C'est le miracle de ce Saint Jour
Qui œuvre au triomphe de l'Amour.
Le retour du Printemps en apothéose,
Où l'âme des êtres, à la lumière, éclose,
Se révèle au cœur de la Nature ardente,
En fait bourgeons et fleurs abondantes,
Aux sublimes formes et couleurs tendres ;
Telle parure, sur le monde, voyez s'étendre...
Perceval
Ô Splendeurs ! Ô oeuvre rédamptrice !
Du ciel et du sol, jaillissent les forces créatrices
Qui donnent à la Vie sa beauté
Et à Tous les Êtres, l'espoir de la Liberté.
De l'Esprit, au Corps, en édifiant le Temple,
L’Âme, par nos yeux, contemple
Les merveilles de cet enchantement.
Elle y découvre, au delà de l'entendement,
La Sagesse et les Vertus Sacrés
Qui rendent présent, Dieu, dans tout ce qu'il a créé.
Patrice Lucquiaud
Extrait de "Perceval"
Châtel - Pâques 1973