Réédition d'un article paru le 21/11/2014, puis le 28/10/2018, toujours d'actualité par rapport aux commémorations tenant, entre autres, au Centenaire de l'Armistice du 11 Novembre 1918 qui mit fin à la première Guerre Mondiale et, en cette année 2020, celles du 5e anniversaire des attentats terroristes perpétrés sur le sol français au cours de l'année 2015
Ce contenu de plus en plus boudé de l’enseignement est pourtant une matière fondamentale pour se construire et s'insérer socialement… j’irai jusqu’à dire : qu'elle soit petite ou grande, l'Histoire est le socle même de notre édification au rang d'être humain.
Si du point de vue scolaire dans l’ensemble du cursus, elle se limite le plus souvent à celle dite : Histoire de France, elle s’étend pourtant à celle de l’humanité entière mais aussi à celle très locale d’une région, d’une contrée, jusqu’à celle de sa propre famille …
L’histoire, vous diront les esprits avisés de notre temps, c’est retour sur le passé… et qu’en aurions-nous à faire de ce passé obsolète à notre époque de l’hyper communication où le présent nous submerge et où l’avenir nous préoccupe de plus en plus, avenir vers lequel toutes activités humaines sont aujourd’hui et pour longtemps axées ?…
Ce n’est pas le passé, fut-il riche d’événements et de bouleversements qui peut changer quoi que ce soit aux déroulements et à la bonne marche des initiatives, des décisions, des découvertes et des faits qui contribuent à notre évolution actuelle, engendrant les progrès futurs dans tous les domaines de la vie publique et individuelle…
Saint Louis et les croisades, François 1er et ses guerres d’Italie, Louis XIV et son despotisme, Napoléon et ses Cent jours, les péripéties d’une Troisième République tapageuse, d’une Quatrième agitée et d’une Cinquième à bout de souffle, de ces passages de notre histoire qu’en ferions-nous dans notre monde moderne ultra communiquant où hier est si vite oublié, le présent surconsommé et l’avenir gobé, avant même qu’il s’établisse… ces connaissances ne nous servent plus à rien… en apprendre et retenir les contenus dans l’ordre chronologique reste vain, à travers l’enseignement à dispenser aux têtes pensantes de demain ce ne peut être que du temps perdu… il y a tellement de matières plus importantes et plus déterminantes pour l’avenir à enseigner et à apprendre…
Evénements, dates, guerres, clauses, traités, décrets, coutumes, modes de vie, tenant au passé, ceci est bon à savoir pour qui veut briller en société dans les réunions entre amis ou aux jeux télévisés pour anciens … La jeunesse n’a que faire de ces connaissances qui ne lui disent rien et, que de toute manière, d’un tapotage nerveux sur leur Smartphone, ces ados boutonneux, vous dégotent à la vitesse de la lumière toutes les réponses aux questions ayant trait à ce savoir d’antan… A quoi bon se meubler l’esprit, saturer sa mémoire avec tous ces rudiments d’un savoir inutile !...
S’il ne s’agit que d’un emmagasinement de connaissances à stocker pour le « fun »… alors oui, c’est totalement ridicule et peine perdue que d’enseigner puis tenter d’apprendre pour les retenir, toutes ces pages de l’Histoire contenue dans des milliers de livre…
Maintenant si l’on part de sa propre genèse, ce regard négatif sur l’Histoire peut changer totalement…
Il y a un parallèle intéressant à faire entre notre évolution dans le temps depuis le moment où nous sommes arrivés au monde jusqu’à notre vingtaine d’années et les grandes périodes de l’Histoire …
0 à 3 ans : Préhistoire
3 à 7 ans : Antiquité
7 à 10 ans : Moyen-âge - Grandes découvertes
10 à 14 ans : Renaissance, Réformes et despotisme
14 à 18 ans : Siècles des lumières et Révolution
18 à 21 ans : Ere Industrielle du XIXe et XXe - Histoire contemporaine.
Cela peut vous paraître bizarre mais pourtant à bien y réfléchir, s’agissant de notre évolution mentale et des étapes de notre maturation se faisant au cours de notre progression nous conduisant du tout petit enfant à l’adulte, il y a une similitude qui ne peut passer inaperçue.
Il suffit de prendre en compte : état de conscience, jeux, faits et gestes, raisonnements, intérêts, projets, perspectives se rapportant à ces tranches d’âges pour appréhender ce qui nous rapproche intimement de l’Histoire à travers l’évolution des peuples au cours de ces grandes périodes de civilisation.
Des trois premières années de notre existence, nous ne conservons aucun souvenir sinon quelques rares « images » très floues impossibles à circonstancier… faisant le parallèle avec la préhistoire, nous constatons que nous n’en n’avons aucune connaissance précise sinon d’obscurs rudiments, beaucoup de suppositions, une datation aléatoire, un ensemble d’hypothèses établies à partir de trouvailles géologiques et de fouilles de type archéologique avec le paramétrage au carbone 14 des événements y attenant. Nous avons sur cette période ou phase d’évolution, une conscience nébuleuse, comme entre sommeil et rêves…
De la période suivante dite de la petite enfance qu’on rapporterait à l’Antiquité, il y a en commun, cette adulation mêlée de crainte aux parents comme aux dieux. Obéissance et désobéissance, adoration et peur du châtiment… on a besoin de guides, de maîtres pour autoriser ou interdire, encourager ou punir, montrer la voie à suivre ou à éviter. L’enfant fait l’apprentissage de l’autorité, les hommes édifient des sanctuaires à leurs dieux et en font leur panthéon… pour grandir et s’affranchir des soumissions, il crée ses idoles, s’invente des héros, mais aussi des monstres à combattre. L’enfance a ses idoles, des modèles à suivre, mais aussi ses frayeurs…
Et cela se prolonge dans la tranche d’âge suivante allant de la 7ème à la 10ème année, faisant écho à la période de l’Histoire que nous désignons comme Moyen-âge surtout marqué du sceau de la féodalité où évoluent seigneurs et serfs, clercs et moines, soldats et mercenaires, chevaliers et troubadours, nobles et gueux, marchands et manants… époque de batailles et de sièges, de croisades et de pèlerinages, de joutes et de quêtes, de dogmes et d’apprentissages, de piété et de sorcellerie, d’élévations et de rudesse, de compassion et de cruauté, d’aventures et d’enchantements, de grands chantiers et d’ermitages, d’ombres et de lumières… Que ce soit en bandes ou seul, observez les jeux de l’enfant de 7 à 10 ans, ses gestes, ses mimiques, ses colères, ses bouderies, ses agitations, ses prostrations, ses cris, ses pleurs, ses refus ses revirements, ses abandons, ses peurs, ses bravades, ses tumultes et ses silences … il vous entraine dans les tourmentes, les assauts et les prouesses du Moyen-âge…
Pour la tranche d’âge suivante, correspondant à la période pubertaire à mettre en relation avec la Renaissance, la Réforme et le Despotisme, on s’aperçoit que c’est l’époque du narcissisme où l’on veut plaire, faire attention à son apparence, c’est l’époque des premiers émois amoureux, et on minaude à tout va, l’esthétisme prend une grande place… on se reconstruit en quelque sorte, dessin, peinture, musique, apprentissage de la guitare, on veut charmer son entourage… Toutefois, on se découvre aussi avec ses imperfections, ses maladresses, on se rebelle alors contre ceux qui nous font douter et qui nous rattrapent lorsque l’on faillit, les parents sont les premiers concernés, puis les professeurs, on n’accepte pas ses erreurs, ses fautes et on commence à refaire le monde à notre image, hors les conventions et usages en vigueur. C’est l’époque de la communion solennelle puis de la confirmation mais, aussitôt après, après vient le revirement… on ne va plus à l’église, la religion c’est plus notre truc … il y a tellement mieux à faire… Le pré-ado boutonneux se fait alors despote, il se veut être le centre d’intérêt primordiale dans sa famille et dans la cour de récréation, c’est le début des « 400 coups » avec éclats ou pas… Ce jouvenceau est vantard, insolent, impudent mais aussi rêveur, poète, prude, loyal, aimant…
Nous arrivons à ce grand moment de bouleversement qu’est l’adolescence, de 14 à 18 ans, nous sommes en présence de ce cap difficile à passer… au cœur des confrontations avec soi-même et avec les autres autour de nous. A la fois sûr de lui, arrogant, impertinent, contestataire, avisé, sceptique, critique, idéaliste, primesautier et provocateur, le jeune en passe d’être un adulte est révolutionnaire et ne se retient nullement d’apporter, voire d’imposer « ses lumières », sa vision du monde à partir du regard caustique qu’il a sur ses contemporains, jugeant sans vergogne leurs comportements. C’est l’époque où l’on se regroupe en clans ou bandes, pour partager les mêmes idéaux ou pour en découdre avec la société, lors des manifestations publiques. Les Lycéens sont aux premiers rangs pour fronder et bousculer les pouvoirs en place, fougueux, railleurs dans les manifs ils clament haut et fort leur ardeur et leur désir à refaire un monde plus juste, plus équitable, repensé de fond en comble…
Juste promus adultes, la plus-part étant étudiants, d’autres en apprentissage professionnel ou en stage de formation, voici la tranche d’âge de la majorité juste acquise, que l’on mettra en correspondance avec l’histoire contemporaine. C’est le moment de l’aventure sociale républicaine, industrielle, technologique. Discours grandiloquents, enthousiasmes immodérés, engouements pour les idées nouvelles et pour les découvertes scientifiques, les prouesses techniques phénoménales, et les arts nouveaux ; à ce moment de la vie, on est fougueux, hyper actif, plein de projets, quelque peu « tout fou » alors plus tourné vers l’avenir qu’intéressé par le passé…
Revenant au temps présent, nous vivons à l’heure des commémorations très nombreuses cette année en raison des événements du siècle passé qui font dates dans notre histoire : le Centenaire de la déclaration de la première grande guerre et les 70 ans du débarquement en Normandie une opération militaire comme jamais il y en eut jusqu’alors, préfaçant les libérations successives des villes et territoires occupés par les armées allemandes jusqu’à leur reddition, et l’anéantissement du régime nazi.
2014 - 2018 : années de commémorations, axées sur le devoir de mémoire.
L’histoire, une matière culturelle dont les médias et surtout la télévision se saisissent car, actuellement, les émissions sur des sujets historiques et le patrimoine de l’humanité, fleurissent sur beaucoup de chaines.
Les spécialistes, historiens, ces pros des archives, et autres grands chroniqueurs de notre temps vous dirons que ces émissions grand public font souvent une approche superficielle des thèmes qu’elles présentent, que parfois leurs propositions sont erronées, parce que simplistes, pas assez approfondies et manquent de véracité… que c’est de l’amusement, de la poudre aux yeux, etc.
On peut dire beaucoup et critiquer mais, justement, l’Histoire se doit d’être présentée de façon ludique aux téléspectateurs lambdas qui, eux, à ces moments de transmissions, ne se trouvent pas sur les bancs de l’université. Il est normal que l’image et les commentaires assortis soient attrayants et les explications ludiques… pour une grande majorité de téléspectateurs, c’est une façon de revisiter l’Histoire apprise auparavant, sur les bancs scolaires, de resituer chronologiquement tels faits, tels personnages et au moyen de l’anecdote, s’attacher à ce qui est présenté là.
Un prof d’histoire qui se veut bon pédagogue doit savoir captiver son assistance et pour cela il se servira de détails, de singularités qui rendent vivant ce qu’il transmet et explique. Et j’ajouterai que parfois « d’en rajouter » apporte cette saveur particulière qui associe le légendaire à l’Histoire car celle-ci, chargée d’épopées fait intrinsèquement partie de l’Aventure humaine se déroulant sur des siècles et des siècles.
N’oublions pas aussi ceci, tenant au paramétrage du chroniqueur : Visiter, enseigner l’histoire, en expliquer l’enchainement des événements s’y rapportant, apprécier les comportements de ses « acteurs » célèbres ou simples contemporains d’une époque, nous le faisons à partir de notre façon intellectuelle de concevoir et juger propre à notre époque, conception induite des mentalités spécifiques de notre temps… il en fut toujours ainsi et les grands chroniqueurs de chaque périodes de l’Histoire, ayant rapporté les faits dont ils ont été les témoins directs mais aussi ceux dont ils ont eu connaissance à travers l’enseignement qui leur fut dispensé à cette époque, ont le plus souvent procédé de la sorte.
Cela a bien sûr son importance, déjà pour ce qui tient à l’authenticité des faits rapportés, en phase avec ce que l’on admet comme vérité historique mais aussi pour la compréhension saine à en avoir. Les formes de la pensée antique, celles déistes, philosophiques et guerrières, celles, scolastiques et métaphysiques portées à travers le Moyen Age, celles humanistes, s’étant fait jour au siècle des Lumières, celles, matérialistes du XIXe siècle et celles hyper rationnelles, « mécanistes », et existentialistes, de notre temps présent sont très différentes les unes des autres et nécessitent que l’on s’imprègne de celles qui étaient alors en vigueur à l’époque que l’on étudie et tente de présenter à un public contemporain. Cette rigueur qui tient à la fois de l’honnêteté intellectuelle et de l’ouverture d’esprit, est indispensable pour le pédagogue historien.
Homère, Jules César, Joinville, Froissard, Commynes, Bossuet, Diderot, Henri Martin, Michelet, Castelot, quelques de tous ces illustres, conteurs, chroniqueurs, panégyristes, académiciens-encyclopédistes, historiens, eux tous, pugnaces témoins de leur temps, fébriles passeurs de mémoire, remercions-les vivement pour avoir amené jusqu’à nous, tous ces pas, toutes ces allées et venues, toutes ces souffrances, tous ces succès, tout ces actes de courage et hauts faits des êtres humains en route sur le long chemin de l’Evolution, sachant que l’Histoire s’écrit quotidiennement sur toute la surface de la Terre… l’histoire de chacun, s’inscrivant dans l’Histoire Universelle, elle, s'étant inscrite en chacun de nous…