Les grandes vacances de cet été 1960 ne furent pas gâchées par mon renvoi du collège et j’ai pu profiter pleinement des quatre semaines de camping à la Turballe (Loire Atlantique). Au gré de mes sorties à bicyclette, j’avais noué des liens d’amitiés avec deux jeunes gens du coin James et Frédéric… Nous nous retrouvions tous les après-midi pour sillonner la côte entre Piriac et Le Pouliguen… randonnées, baignades et pauses aux terrasses de café ponctuaient agréablement notre emploi du temps. Les journées passèrent si vite, que la dernière semaine d’août arriva impromptue. Nous rentrions à Mirebeau, je quittais à regret mes nouveaux copains avec lesquels nous nous étions promis de rester en relation épistolaire. Ceci eut ses conséquences nous le verrons un peu plus loin…
Quant à la Jeannette M. qui fut cause de mon renvoi de Sain-Louis, je n’eus plus de ses nouvelles… elle m’avait vite oublié et je crois bien que moi aussi …
De retour à la maison je me remis au travail car mes parents m’ayant inscrit au lycée de Loudun, je devais, début septembre, passer un examen de niveau pour entrer en classe de seconde et, le réussissant, je pouvais en outre être pensionnaire au Lycée.
Tout se passa pour le mieux, ma note moyenne fut sans doute convenable car, à la mi-septembre de cette année scolaire 1960-61, je faisais ma rentrée au lycée mixte de Loudun comme pensionnaire admis en classe de seconde M.
Ayant une expérience solide de la vie en pension scolaire, de ce qu’elle comporte lorsque vous arrivez comme nouveau dans un établissement, je fis d’emblée, profil bas pour m’intégrer parmi les élèves anciens du Lycée et particulièrement ceux de ma classe. Mais toute bonne résolution a ses limites et des événements inattendus peuvent venir perturber la ligne de conduite que l’on s’est choisie sciemment au point qu’il peut s’en suivre des effets tout à fait contraires à ceux envisagés. Une réputation bonne ou mauvaise peut vite se faire à votre insu et vous entrainer dans une succession de comportements que vous n’auriez jamais adopté initialement…
Je retrouvais à Loudun, pensionnaires comme moi, deux condisciples connus 4 ans plus tôt, au C.C. de Mirebeau, en classe de 6ème : Pierre C. et Michel B. Des connaissances qui ont permis de ne pas me sentir isolé parmi le grand nombre de têtes nouvelles.
Ce qui changeait surtout, c’est que le lycée de Loudun - on disait encore collège à cette époque - était mixte et tous les cours étaient suivi filles et garçons ensembles, de même au réfectoire on pouvait s’installer librement aux même tables. Il n’y a qu’en cours de récréation et en salle d’étude que nous étions séparés et bien sûr aux dortoirs. A cette époque, nous en étions juste au début de cette expérience de la mixité dans les établissements scolaires et les habitudes étaient encore bien ancrées à travers les relations entre les élèves des deux sexes se trouvant en présence… Les groupes entre filles ou garçons, uniquement, étaient encore prégnants et ce, plus fortement chez la gente féminine que chez les gars.
Au réfectoire, les garçons admis au tables des filles, toutes classes confondues étaient finalement peu nombreux, le plus souvent ces tables mixtes rassemblaient des élèves garçons et filles qui se connaissaient de longue date, provenant d’un même village voisin… Les nouveaux étaient spontanément tenus à distance…
Toutes ces nouvelles considérations influencèrent sensiblement mon mode de relation aux autres, préférant ne pas me mettre en avant et plutôt me fondre au sein du « troupeau »… Tout se passa bien les deux premières semaines, j’étais un « bleu » considéré comme d’autres « bleus » qu’on laissaient gentiment s’intégrer… jusqu’au jour où je pénétrais pour la première fois, dans l’amphithéâtre de la salle de physique-chimie… étant en bout de rang, je dus m’installer au plus haut des gradins en fond de classe, les autres élèves ayant pris au fur et à mesure de leur entrée en salle, les places sur les gradins inférieurs …
Il me faut ici, préciser une distinction des programmes scolaires qui entrainera des conséquences désatreuses dans la suite de ma scolarité… Cette subtilité tient au fait qu’en collège libre nous apprenions une deuxième langue dès la classe de 4ème ceci au détriment de la Physique Chimie qui, elle, était enseignée depuis la 4ème dans les établissements du Public, donc en C.C. (Cours Complémentaire) .
Ainsi, jusqu’à rentrer en classe de Seconde au Lycée de Loudun, je n’avais encore jamais eu de cours en physique et en chimie…
Quand ce fut mon tour de me présenter comme nouvel élève à Monsieur M. professeur de Physique Chimie, un vétéran de l’établissement qui en avait aussi été le Principal (ou Proviseur), j’en profitais pour lui exposer ma situation de novice ignare en matière de Physique-Chimie … Mes explications étaient-elles imprécises ou oiseuses, toujours est-il que Monsieur M. les pris fort mal, pensant que je voulais me rendre intéressant en me moquant de lui par devant toute la classe …
- Rappelez-moi votre nom, mon petit ami ?...
- Lucquiaud Patrice…
- Vous n’avez donc, jusqu’à présent, jamais suivi de cours de Physique et de Chimie ?
- C’est cela… à la place j’ai appris l’Allemand…
- L’Allemand … vous vous moquez de moi !...
- Non Monsieur, je vous dis la vérité.
- Vous venez de quel établissement ? – A partir de cet instant, je sens que là la situation va s’envenimer et prendre des proportions insoupçonnables…
- Du Collège Saint-Louis de Saumur…
- Et à Saint-Louis de Saumur on n’enseigne pas la physique et la chimie ?…
- Si, mais à partir de la classe de seconde seulement…
- Ce n’est pas sérieux ce que vous me contez là, mon petit ami, moi, je crois plutôt que vous voulez vous distinguer et faire l’intéressant alors, pour commencer vous allez vous installer ici, au premier rang, descendre de votre perchoir où, j’ai bien compris, vous avez déjà prévu de passer du bon temps et faire certainement l’imbécile dans mon dos… Allez « joli cœur » je vous attends ici !…
Ce que je voulais surtout éviter, à savoir, me faire remarquer par devant tous les élèves de ma classe, venait de se produire de la façon la plus inattendue… sous les regards de tous et de toutes, les filles de ma classe, me voilà tenu de descendre les gradins, bien en évidence, et de surcroit, gratifié de l’appellation « joli cœur » qui, bien sûr allait me rester, suivant l’usage tout à fait opportun qu’en feront, par la suite, mes nouveaux camarades …
Et ça n’a pas manqué, à la récréation qui a suivi j’ai eu droit au « Tous sur Joli Cœur !» Une vingtaine d’élèves s’est alors précipité sur moi, pour m’acculer dans un coin de mur du préau… sous les quolibets scandés de « Joli Cœur qui n’a jamais fait de physique et de chimie, nous, on va lui apprendre ! »… D’abord la pression des corps – on me comprime fortement sous le nombre de ceux qui poussent – puis la combustion des corps – et là un des bizuteurs me glisse un mégot allumé dans la pochette de ma blouse grise … Ce petit jeu dure quelques minutes, j’encaisse en souriant puis mes « tortionnaires » relâchent la pression, alors libéré je me débarrasse du mégot qui a troué ma blouse. Eclats de rire autour de moi … « T’es grillé le nouveau !...»
Ce petit jeu se reproduira encore deux fois dans les jours qui suivront… mais je reste stoïque garde le sourire et finalement obtiens mon billet de passage pour entrer dans le camp des « affranchis » auxquels on assure la reconnaissance de camarade bien intégré a sa classe… Mais le surnom de « joli cœur » me restera quelques temps encore avant que l’on m’appelle « Pat » tout simplement…
Bien sûr, à la maison ma chère mère n’a pas manqué de constater le mauvais état de mes blouses…
- Tu peux m’expliquer Patrice ?
- Oh ! Ce doit être en jouant au basket que j’ai du accrocher ma blouse …
- Tes blouses ! Et au même endroit !… Ne me raconte pas n’importe quoi… je vois bien que ce n’est pas un accroc mais que ça correspond plutôt à du brûlé, par exemple avec une cigarette…
- C’est bien possible… je n’ai pas fait attention… – Je n’en disais pas plus et ma mère n’insista pas…
Si, parmi mes camarades de classe, j’avais trouvé ma place, avec Monsieur M. par contre, la relation alla en empirant. Je suppose qu’il me prit en grippe et le résultat, comme je suivais très mal ses cours, fut que j’obtenais de très mauvaises notes en physique et en chimie d’autant que je n’avais jamais intégré les bases de ces sciences exactes et me refusais à lui demander des explications… En travaux pratiques, je profitais du champ des expériences à faire en groupe pour faire toutes sortes de « petites conneries » pour amuser la galerie…
Le premier trimestre s’écoula tandis que mon intérêt pour les études se délitait progressivement… mon assiduité au cours, mon implication dans l’accomplissement des devoirs et autres exercices sur table, des leçons à assimiler, fléchissait sensiblement à l’inverse de celle de potache amuseur public, prêt à faire les 400 coups pour se singulariser…
En sport, je m’étais fait surtout remarquer par un « fameux » 10 000 mètres, couru en 38 minutes, une course de fond réalisé à l’improviste, en partie seul, sur la piste cendrée (250 m) du stade de la ville, seulement relayé par des élèves - y compris des filles - qui réalisaient de un à trois tours de stade dans ma foulée pour m’entrainer – j’en avais accompli 40 cet après-midi là !… Sans être vraiment une « flèche » aux yeux de pas mal de lycéens, par cet « exploit », j’avais acquis, une certaine célébrité…
Aux vacances de Noël, je m’étais fait pas mal de nouveaux amis, j’avais aussi repéré une petite brune en classe de 3ème qui me plaisait beaucoup, au point que j’en étais tombé très amoureux… elle se prénommait Jacqueline… la chose se sut … on s’en amusa entre gars… les filles également qui me laissaient une place à côté d’elle au réfectoire… elle, feignait de m’ignorer et ne manquait pas de me rabrouer ou de se moquer de moi… mais gentiment… moi, je rêvais, c’était l’extase …
En cette dernière semaine du mois de décembre 1960, mes résultats scolaires du trimestre arrivèrent à la maison en même temps qu’une lettre d’un de mes copains de la Turballe …
à suivre :
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