Vendredi 7 août 1970 : 7H30…
Premier levé, sans ménagement, je vais réveiller les membres de notre petite troupe car nous levons le camp aujourd’hui … Petit déjeuner substantiel fort apprécié par tous, d’autant qu’il est accompagné par le chant des oiseaux … Il y en a un, tout petit, que Daniel récupère derrière la tente et que Roselyne fait boire dans ses mains… La tortue, aperçue la veille, a disparu… La chaleur est vite intenable … Nous procédons au démontage des tentes. Je jure en fixant le matériel sur la galerie car le soleil cuit mon « tricot de peau » qui vire au rouge … Nous avons nettoyé les pare-brise des voitures, il est 9H30 quand nous quittons le camping de Litochoron à 3118 km de notre point de départ tel que noté dans le carnet de bord d’Anne-Marie. En route pour les Météores …
A peine une heure plus tard, nous nous arrêtons à Larissa pour faire des courses, ici la vie n’est pas chère.
A 15H, nous arrivons au pied des Météores au cœur de la Thessalie, région de moyenne montagne. Au centre d’une vallée (formant un large cirque, la ville de Kalampaka est dominée, au Nord, par un amalgame de rochers gigantesques, formant une véritable forêt d’aiguilles rocheuses, certaines dressées comme d’énormes pilastres au sommet desquels sont construits des monastères perchés comme nids d’aigles. Ca et là des terrasses aux balustrades de bois surplombent le vide… C’est très impressionnant. Le long de la route qui mène sur ce site extraordinaire il y a un nombre incalculable de cars à l’arrêt … Nous trouvons à nous garer entre deux… Ascension jusqu’au premier monastère… Plein de touristes attendent pour visiter. Reprenant les voitures, nous allons au suivant … idem, il faut faire la queue au soleil …
Les photos en N. & B. sont des diapositives achetées à l'époque ; les couleurs étant complètement passées, je les ai traitées pour les faire apparaître en noir et blanc, ce qui leur donne une seconde jeunesse... à l'ancienne ...
Finalement nous poussons jusqu’au grand Météoron, (Altitude 534m), c’est le plus vaste des monastères. Là aussi, il y a une file d’attente importante… Patientons donc… C’est alors un indescriptible spectacle qui s’offre autour de nous, spectacle, tenant à la fois, du grand guignolesque et du strip-tease… Il faut savoir que les dames en short et en manches courtes ne sont pas admises. Vu la chaleur qu’il fait, les dames en questions sont habillées légèrement. Se changeant à vue, elles se retrouvent un moment en tenue plus légère encore avant de revêtir, se les échangeant à la sauvette entre sortants et entrants, le pantalon, la robe, la jupe et le chemisier ou la chemise bien fermée sans oublier le foulard sur la tête à bien nouer sous le cou … Nos trois compagnes, elles, ayant prévu cette conformité, ont d’emblée, la tenue correcte exigée.
Construits au sommets de falaises et pitons rocheux ces monastères supendus entre ciel et terre comme nids d'aigles, défient les lois de l'équilibre... - Pope au gong sonnant l'appel à la prière - le filet monte personne et monte-charges pour l'approvisionnement en vivres - Le cabestant du treuil de levage - Des cellules d'isolement dans des infractuosités rocheuses au-dessus du vide - Foudre à hydromel...
Après une demi heure d’attente, nous pouvons faire la visite du monastère. C’est un pope d’une quarantaine d’année qui nous guide. Bien sûr on ne comprend rien à ce qu’il nous explique malgré ses tentatives pour s’exprimer en anglais... Qu’importe on peut admirer la somptueuse église de la Métamorphose décorée de magnifiques fresques : Nativité, Transfiguration, Mise en croix, Résurrection et recelant d’icônes remarquables. Nous passons dans le cloître aux 50 cellules avant de découvrir les cuisines puis l’étonnant réfectoire à coupoles. La visite dure à peu près ¾ d’heure… A l’intérieur de ces édifices, il fait bien plus frais… Sur ce site qui compte parmi les merveilles de l’Orient ce sont une dizaine de monastères ou couvents et église qui sont ainsi suspendus entre terre et ciel …
17H : Ayant pris un rafraîchissement en terrasse à Kalampaka (3294 km au compteur…), nous repartons. Direction Delphes… nous repassons à Trikala, et prenons la direction de Lamia.
Aux environs de Karditsa, lors de la traversée d’un village -km : 3343 - un énorme nid de poule dans la chaussée, hélas, vu trop tard et voila l’Anglia animée d’un sacré soubresaut … Cette fois, ça a touché sous l’avant... On s’arrête pour vérifier. Me glissant sous la voiture, force est de constater que le carter moteur en a pris un coup, il est bosselé et au niveau du bouchon écrou, il y a l’huile qui perle. Manquait plus que ça !… La fuite est infime mais au fil des kilomètres, sous la pression, on va consommer pas mal d’huile… de toute façon, il faudra réparer… Là en plein bled, il n’y a rien de rien … Provisoirement, avec Daniel, nous façonnons tant bien que mal, un tampon de pâte graisseuse pour colmater la partie légèrement fissurée. Nous repartons mais sommes tenus à nous arrêter régulièrement pour vérifier le niveau d’huile. Nous mettons 3 heures pour effectuer les 150 kilomètres nous menant à Delphes. Nous traversons des villages pauvres avec des maisons toutes semblables aux façades ternes et poussiéreuses, On voit même des gens somnolant sur des chaises installées sur leur pas de porte … Poules et canards circulent en liberté sur la route… Attention aux nids !... On roule sur des œufs … Nous apercevons au moins 5 cigognes sur une cinquantaine de kilomètres…
Il fait presque nuit quand nous arrivons à Delphes. Une chance, nous trouvons un restaurant pour dîner. Stupéfaction, le patron comprend le français … Il y a encore pas mal de consommateurs qui parlent haut et fort dans la grande salle… Au plafond s’étire un nuage assez dense de la fumée bleutée des cigarettes. On est quelque peu abruti par la route et tout ce brouhaha enfumé nous achève… Heureusement les brochettes et le riz qui les accompagne sont délicieux… Bière et coca sont aussi fort appréciés … Nébuleuse détente …
Vue depuis "Delphi Camping" : terasse au-dessus d'une mer d'oliviers bordant la mer ionienne du golf de Corinthe enclavé entre la Grèce Centrale et le Nord du Péloponèse.
23H, nous nous mettons en quête pour trouver un terrain de camping dans les environs. Renseignements pris, nous avons dû mal enregistrer, car nous passons à côté et nous nous retrouvons à Itéa en bordure de mer Attique, en plein golf … Il est trop tard pour trouver quoi que ce soit si bien que nous revenons sur nos pas, en direction de Delphes… Nous nous arrêtons dans un renfoncement en bordure de route, en pleine oliveraie et, sans commentaire, sortons les matelas pneumatiques pour dormir à la belle étoile … Que peut-il nous arriver ?... Ne sommes-nous pas sous la protection des Dieux …