Lundi 10 août 1970
4 h du matin, fort coup de vent, ça commence à chahuter vigoureusement nos toiles de tentes, si bien que nous sommes obligés de nous lever. Tout ce qui est léger s’envole allègrement. Nous ne sommes pas les seuls debout… tous les campeurs vérifient l’arrimage de leurs installations, concert nocturne de coups de maillet sur les sardines. Après vérification tout le monde s’installe sous les tentes pour finir la nuit …
A partir de 8h, se fait le réveil étalé des uns et des autres. Comme il pleut à verse, nous prenons, sous la tente, le petit déjeuner préparé par Anne-Marie… Ce mauvais temps se calme une heure plus tard et le soleil ne tarde pas à revenir en même temps que la chaleur …
Daniel, Emmanuel et Maguy, vont faire les courses à Delphes mais d’abord, ils m’emmènent à Itéa où je récupère l’Anglia réparée et mouchetée (pleine de traces de mains grasses, une horreur !...) Nous payons 800 drachmes la réparation, graisse comprise …
Je rentre directement au campement, tandis qu’eux trois, vont faire le marché à Delphes. Moi je passe le restant de la matinée à nettoyer et astiquer l’Anglia faisant un nombre incalculable de voyage avec seaux d’eau …
Anne-Marie et Roselyne font la vaisselle et nettoient les cantines …
De retour des courses, Daniel effectue la réparation de deux matelas pneumatiques qui fuient …
Après le déjeuner, tandis qu’avec Maguy, nous faisons la vaisselle et le rangement du matériel, Daniel, Roselyne, Emmanuel et Anne-Marie, retournent à Itéa pour aller à la pharmacie . Emmanuel a des maux de têtes. Ils reviennent bredouilles, tout est fermé jusqu’à 17H au moins …
A leur retour, ils apprécient quelques bons verres d’eau fraîche…
Vers 16H nous partons tous faire la visite du sanctuaire de Delphes … Il arrive qu’une nuée de passage libère quelques averses de courte durée qui ont l’avantage de rafraîchir l’atmosphère et de rabattre la poussière…
Nous commençons notre visite par la Fontaine Castalie et le sanctuaire de Marmaria voué à la déesse Athéna dite Athéna Pronaïa. Nous tombons en admiration devant les vestiges du Tholos, monument circulaire d’où partaient les athlètes lors des jeux pythiques. Tout autour de nous, les contreforts des Monts du Parnasse dominent le sanctuaire supérieur consacré à Apollon, et dont le site semble accroché à la montagne. Au Nord Est, se dresse la haute paroi rocheuse des Phaedriades d’où fut précipité Ésope condamné à mort par les Delphiens qu’il avait comparés à des « bâtons flottants »…
Le sanctuaire de Delphes occupe une place importante dans l’histoire de la Grèce antique. Il est le point de cristallisation de cette civilisation dépendante de son culte aux dieux majeurs dont Apollon est ici l'unique représentant … Tant au niveau architectural qu’au niveau art sacré, Delphes recèle de trésors au propre comme au figuré. Ce site archéologique a été mis à jour au cours de fouilles importantes effectuées à la fin du XIX° par des archéologues français, sous la direction de Th. Homolle entraînant le transfert du village de Kastri (aujourd’hui Delphi).
Il faut retenir que dans le monde grec antique, le rayonnement de Delphes s’effectue sur une période de presque 1000 ans, s’étendant à partir de l’époque archaïque au VIII° avant J.C. jusqu’au III° de notre ère, sous l’occupation romaine. La vocation de ce sanctuaire tient surtout à la consultation de l’oracle par l’intermédiaire de la Pythie, prêtresse du temple consacré à Apollon, et à ses jeux pythiques, jeux sacrés, qui avaient lieu tous les quatre ans. Ces jeux étaient de trois ordres : Musicaux et poétiques au théâtre - Gymniques au stade - hippiques dans la plaine de Krissa .
De même le site se subdivise en trois grands niveaux
Au plus bas le gymnase, lieu de formation et d’entraînement des athlètes sous l’égide de la déesse Athéna.
A l’étage intermédiaire le temple d’Apollon, lieu de culte et de consultation de l’oracle.
A l’étage supérieur, le théâtre de 5000 places et, au sommet le stade de 7000 places.
Hémicycle des Rois d'Argos - Trésor des Athéniens - Trésor des Siphiliens -Temple d'Apollon -Théâtre - Colonne ionique - Frise sur tronçon de colonne.
A l’origine, une anfractuosité dans la roche des Phédriades d’où émanaient des vapeurs étourdissantes fit que l’endroit fut dédié à la déesse Mère, Gé, à laquelle est rendu un culte aux pratiques sibyllines. La légende veut que sur ces monts du Parnasse, Apollon s’y retrouvant avec Zeus, y tue le serpent Python. Pour Les grecs, ce lieu est l’ombilic de la terre, où va se centraliser toute la culture hellénique. De là va naître le culte voué au dieu solaire s’associant à la consultation de l’oracle qui, ensemble, feront que ce site religieux soit si longtemps épargné par les destructions guerrières et même curieusement préservé par d’étonnantes manifestations naturelles : éboulis de roches et tempêtes maritimes empêchant les invasions barbares lors des deux premiers siècles de notre ère. Les envahisseurs romains, respectueux des lieux, le préserveront jusqu’au troisième siècle, certains empereurs y venant eux-mêmes consulter l’oracle.
L’unité Grec s’est surtout faite à partir des manifestations panhelléniques qui rassemblaient les cités, dans des joutes oratoires, sportives et d’impressionnantes courses de chars donnés à la gloire d’Apollon et, pour autant, grâce aux prophéties rendues par la Pythie, « porte parole » du dieu solaire.
Sur le parcours du sanctuaire, se tenaient un nombre impressionnant de petits temples (Trésors) qui abritaient les offrandes remises par les différentes cités (petits états grecs) en hommage au dieu solaire et en remerciement de ses bonnes grâces. S’y dressaient également d’innombrables statues qui honoraient les vainqueurs de ces tournois et leurs dieux protecteurs …
Les fouilles qui se sont effectuées jusqu’en 1931, ont permis de mettre à jour certaines de ces splendeurs dont on peut admirer plusieurs exemplaires typiques dans le musée jouxtant le site et, parmi elles, l’extraordinaire aurige en bronze haut de 1m80.
Le Tholos sous les nuées géantes que transpercent les faisceaux de rayons solaires... Phoebus est à la manœuvre !...
Après la visite du sanctuaire inférieur et les péripéties pour effectuer des prises de vue sans avoir trop de touristes en fond d’image, notre petite compagnie émigre vers la ville où dans la rue commerçante, nos compagnes font des emplettes : Anne marie fait l’achat de burnous … (Tiens ! on est pourtant pas en Afrique ici…) Plus coquette, Roselyne opte pour une robe courte bleue turquoise et des spartiates aux lacets interminables qu’elle portera dès le soir même…Maguy opte pour sac et bracelets … nous, les gars, nous sommes confortablement installés à une terrasse pour savourer une bière bien fraîche …
En retournant à notre camping, nous constatons un magnifique effet de rayonnement solaire à travers des nuages sombres et c’est si spectaculaire que nous nous arrêtons pour prendre des photos.
La veillée sera quiète avec, au cours de nos bavardages du soir, une nième évocation des péripéties du voyage …