J'ai reçu ce roman en cadeau à Noël... j'en ai entamé sa lecture il y a quelques jours seulement et viens juste de la finir car, dès que l’on plonge son attention dans ses pages, on les parcourt goulûment...
Oui, ce best-seller méritait bien le Goncourt. C'est très bien écrit, c'est haletant et c'est historique par le fait que l'intrigue se situe dans le cadre de la première grande guerre et, pour être précis, juste à la fin. Elle commence au tout début du mois de novembre 1918, une dizaine de jours avant que soit proclamée l’Armistice.
Non, je ne vous en ferai pas ici un résumé, car c'est essentiellement une invitation à la lecture de ce dernier roman de Pierre Lemaitre, qui justifie ce billet.
Connaissant le cadre, qu'est ce qui alors pourrait vous allécher pour, à votre tour, dévorer les pages de « Au revoir là-haut » ?
Pour cela, je ne vous parlerai donc que d'un personnage lequel n'est pas à compter parmi ceux les plus importants qui, par leurs conduites et menées héroïques ou viles, leur chassé-croisé dans l'espace et dans le temps, participent, aux premiers plans, au dénouement de ce drame lequel s'étend sur à peu près 3 années ...
Merlin, oui Merlin ... pas l'enchanteur non, le personnage en question, ici, n'a rien pour faire rêver, il est même un des pire cauchemars qui puisse se présenter à notre vision, par son apparence physique, son accoutrement et ses gros brodequins crottés, en plus, il pue, il empeste à cause de la crasse cumulée et le graillon qui imbibe ses vêtements... un sinistre individu à la face inexpressive, un rustre qui ne répond pas à vos questions, qui vous bouscule sans manière pour suivre ses plans...
Sa fonction... justement... c'est un fonctionnaire de l’État, un sans-grade, qu'au gré des mutations on a toujours mis au placard, un sale type, peu communicatif qui n'a que faire de ses collègues et qui obéit uniquement et strictement aux ordres venant de ses supérieurs au sommet de la hiérarchie. Personne n'aime ce Merlin qui pourtant, fait scrupuleusement et honnêtement son travail. Sa présence vous fait froid dans le dos, à son contact, on se trouve plus que mal à l'aise, ceux qui auront à le croiser ne l'oublieront jamais... et pourtant dans son existence banale à pleurer, Merlin est bien l'être humain qu'on oublie aisément comme tous ceux qui se comptent dans la cohorte des insignifiants …
Alors, quand au cours de l'année 1920, on le charge d'une mission que tous fonctionnaires ayant longue carrière derrière eux refuseraient, tant elle est rebutante, lui, il y va avec ses gros souliers, ne craignant nullement de patauger dans la fange des cimetières de fortune (ou plutôt d'infortunes) où l'on exhume tous ces soldats tirés des champs de bataille, enterrés à la hâte à l'arrière du front, pour accorder à chacun de ces valeureux poilus une sépulture digne dans ce qui constituera ces vastes champs d'honneur constellés de ces centaines de rangées de croix immortalisant leurs noms. C'est en inspecteur missionné par une haute commission d'enquête sur les moyens employés pour effectuer cette douloureuse besogne ayant à dessein de restituer tous ces milliers de morts à la postérité nationale et à la gloire qui les honore eux et leurs familles inconsolables, que Merlin vient mettre les pieds dans le plat d'entreprises les plus éhontées qu'on puisse mettre en œuvre au détriment de la dignité humaine et du respect à accorder à ceux qui ont été, par centaines de mille, sacrifiés sur l'autel de la Patrie …
Autour, ça s'articule, ça gesticule, ça grimace, ça geint, ça pleure, ça rit jusqu'à faire peur comme dans un vilain rêve qui n'en n'est pas un... Un voyage au delà de l'horreur et du sordide dont les sentiments les plus humains ne sont pas exclus ni la dignité humaine forcément écorchée en dépit des chairs meurtries et des peurs viscérales...
Cette œuvre monumentale - et ce qualificatif, ici, n’a rien de singulier tant il sied à son thème post-historique - nous délivre deux messages importants :
Le laid, l’horrible n’incarnent pas forcément le mal, de même que le beau, le plaisant, le charme, n’habillent pas nécessairement le bon et le bien… on peut aussi bien les masquer, au propre comme au figuré… et jeter ainsi un peu plus de confusion dans ce rapport qui oppose esthétique et éthique… mais pas seulement…
La Rédemption serait aussi envisageable pour qui, un jour, aurait renié son père ou qui aurait renié son fils…
Merci Monsieur Lemaitre, qui ajoutez à l'Histoire, les pages d'une fiction bien ficelée qui n'a rien d'improbable quand sont à l’œuvre les intentions les plus égoïstes et perverses, les désirs d'hégémonie les plus vifs excluant dignité et probité quand, à l’opposé, d'autres accordent sincèrement et douloureusement de l'amour à leur prochain.