Réédition d'un article initialement publié le 11/02/2007 à 19:11.
Cette institution libre d’obédience catholique était dirigée par un couple civil les « M. » assisté d’un jeune instituteur M. C. C’était très familial. Au total nous n’étions qu’une quarantaine de pensionnaires sur un ensemble d’environ 90 élèves du primaire … Pour l’hébergement de nuit, il y avait deux dortoirs : un grand, de 30 lits environ, et un petit, d’une douzaine de lits … Les sanitaires pour la toilette quotidienne était constitués d’une dizaine de lavabos alimentés en eau froide seulement … Les pièces étaient chauffées par de grands poêles à charbon … Il y avait quatre WC à l’étage et autant au rez-de-chaussée en plus de ceux sous le préau dans la cour de récréation …
Nous prenions les repas dans un seul grand réfectoire tout en longueur avec au centre, sur une seule rangée, un ensemble de tables et bancs accolés faisant face à la table des enseignants qui dominait, en bout.
Il y avait deux classes de 3 sections chacune : CP, CE1 CE2 et CM1, CM2 et Fin d’étude (jusqu’à 14 ans âge pour passer le certificat d’étude) La première, celle des « petits » était suivie et animé par M. C. et la seconde, celle des grands était conduite par M. M. le directeur de l’école …. Son épouse assurait l’intendance, l’économat et la direction de la cuisine assistée par une jeune cantinière…
Avant chaque cours on récitait le « Je vous Salue Marie » de même qu’un bénédicité avant chaque repas. Le soir avant de se coucher on disait le « Notre Père »
Au réfectoire on prenait et on quittait le droit de parler au son de la clochette agitée par Mme M.
Je me doute, combien tout cela doit paraître très frustrant aux générations actuelles … Pourtant c’était du bien conventionnel tant pour le type des locaux que pour la discipline en vigueur, dans les pensionnats de cette époque.
Même si, au cours des premières semaines d’internat, ce type d’existence m’a été pénible du fait de la séparation avec ma famille, je conserve néanmoins un bon souvenir de cette école où les enseignants étaient d’excellents pédagogues sachant se faire respecter et aimer. Cette institution état marquée par son aspect familial chaleureux et l’autorité des maîtres était inspirée par les mêmes valeurs que celles soutenues chez nos parents.
Une anecdote : Comme mentionnée plus haut, nous n’avions pour faire notre toilette quotidienne que des lavabos avec eau froide … N’ayant ni douche ni baignoire pour des ablutions plus complètes, chaque samedi nous avions la grande toilette du bas : pieds et jambes, à faire dans une cuvette d’eau préalablement chauffée dans de grosses lessiveuses en cuisine. Cela se déroulait dans la salle de classe des grands. Il faut savoir que les pupitres sont solidaires par rangées de 6 ou 8 places côte à côte. Ils sont constitués de la partie bureau, en plan incliné et de la partie banc solidaire de l’ensemble. Pour ces ablutions du samedi soir, entre le souper et le coucher, nous nous mettions en slip, assis sur la partie écritoire et les pieds trempant dans la cuvette d’eau chaude posée sur le banc… Vous imaginez la scène :les quarante enfants ainsi installés. Cette grande toilette se faisait en deux temps savonnage et rinçage. Mme M. effectuait elle même pour chacun de nous, le changement d’eau tout en vérifiant que nous nous étions bien lavés … Toute une ambiance vous dis-je …
Un jour, j’avais dû savonner le dessus de mon pupitre autant que mes jambes si bien que soudain, j’ai glissé et suis tombé le derrière dans ma cuvette. Plouf ! … de l’eau partout, le slip complètement mouillé… je me retrouvais les yeux remplis de larmes avec la honte tenant aux conséquences de ma maladresse laquelle avait déclenché l’hilarité générale de mes petits copains…
Alors, qu’on ne me dise pas que j’ai été à l’école chez les culs bénis surtout !...
Ce fut ma première année d’internat …
Ce n’est qu’à l’âge de 13 ans que je suis retourné en pension, cette fois pour trois années consécutives au collège Saint-Louis de Saumur, y effectuant les cours de 5ième, 4ième, 3ième en « Moderne » par opposition aux « Classique » qui faisait Latin et Grec .
L’institution Saint-Louis à Saumur était dirigée et animée par des enseignants religieux tous abbés … une aubaine !…
Contrairement au pensionnat Saint Thomas d’Aquin de Lesparre, du collège Saint Louis à Saumur, je ne garde pas un excellent souvenir et je dirai même, sauf respect à ces pères abbés du moment, que j’en conserve une certaine rancœur liée surtout aux faits que je n’y ai eu pratiquement aucun camarade et que la discipline rigoureuse menée dans cet établissement n’a fait que de me dresser contre la forme de l’enseignement et contre la religion qui y était dispensés …
J’y suis rentré la puberté juste accomplie, à cet âge difficile de l’adolescence… Si l’enseignement au niveau des matières était d’un bon niveau, la mentalité, dans l’ensemble, y était exécrable. Ceci lié au fait que la plupart des élèves venait d’Angers, de Tours ou de Paris face à une minorité de campagnards venant de petits chefs-lieux de cantons inconnus. Fils de bourgeois contre fils de paysans … Une lutte des classes qui opposait les citadins aux pécores…
Tout a commencé la première année quand ma mère, ayant constitué mon trousseau a eu cette idée géniale de m’acheter un ensemble veste et la culotte mi courte (tombant resserrée à mi genoux) dite « anglaise » … Cette tenue qui n’était point de mode a vite suscité les railleries de mes nouveaux camarades à tel point que l’on m’appelait « la culotte anglaise » … Je distribuais des coups de pieds dans les mollets de ceux qui me traitaient ainsi. Ca ne m’a pas aidé à créer des liens amicaux et n’a pas servi ma réputation vis-à-vis des « pions » qui m’ont aussitôt rangé au rang des « teigneux » à mater …
Chaque lundi matin, le Père Supérieur venait dans la grande étude lire nos notes de la semaine dont dépendait notre permission de sortie du dimanche suivant … Je vous explique :
Il fallait obtenir un minimum de « 17 » pour avoir le droit de sortir avec ses parents après la messe dominicale …
A savoir :
0 = très mal
1 = mal
2 = médiocre
3 = insuffisant
4 = passable
5 = bien
6 = très bien
Il y a 3 notes : une première attribuée pour la tenue et le respect de la discipline de coefficient 2, comptant double donc, par rapport à une seconde sanctionnant l’ensemble des résultats des devoirs effectués au cours de la semaine écoulée et une troisième d’une matière spécifique qui changeait chaque semaine ( Français, math, sciences, langues, histoire etc…)
Ainsi, même avec trois « passable » on était privé de sortie n’ayant pas 17 … ( 4 x 2 + 4 + 4 = 16)
Quand l’abbé R. monté en chair de l’étude, me fixant avec sévérité annonçait :
Patrice Lucquiaud : Insuffisant – passable - bien … je savais que j’avais raté mon billet de sortie du dimanche suivant … ( 3 x 2 + 4 + 5 = 15 …)
Ces résultats j’omettais bien sûr de les annoncer dans le courrier adressé à mes parents et quand le dimanche ils venaient de Mirebeau distant 65 kilomètres, ils n’avaient le droit que de me voir une demi heure à la conciergerie … Je ne vous raconte pas les réprimandes paternelles … ni les larmes de ma mère …)
C’était souvent ainsi, à cause de mon comportement … Sans être un élève rebelle, je manquais d’opportunisme et jouais de malchance à me faire prendre pour des futilités jusqu’au jour où j’ai mis le paquet…
C’était au cours du dernier trimestre en classe de 4ième, j’avais un camarade ( le mot est peu approprié) avec lequel nous entretenions une véritable animosité, lui me méprisant et moi n’appréciant nullement son pédantisme et sa vantardise. Au réfectoire il était presque en face de moi et à chaque fois qu’il m’adressait la parole, c’était pour m’envoyer des piques … Traditionnellement il aimait me traiter de « pécores qui ne mange que patates et lard » … Ce midi là, on venait de nous servir des nouilles plates, bien cuites, dans ces grand plats en aluminium et mon « bon copain » une fois de plus, me regardant : » Eh Lucquiaud ! des nouilles c’est bon pour les pécores comme toi ça, hein ! » … Autour Les copains « rignochaient ». Ce n’était pas la première fois que « l’ami » J.D. me faisait une telle sortie à laquelle le plus souvent je ne répondais pas mais, ce jour là, il m’avait particulièrement chauffé les oreilles. M’étant levé face à lui et, ayant saisi le grand plat devant moi, je lui rétorquais « Répètes encore et je te flanque ce plat de nouilles sur la figure » … Silence...regards goguenards de mes voisins de table, dans ma direction … « Lucquiaud, t’es un gros pécore !.. » Vlan ! je lui retourne le plat de nouilles sur la tête … Je le reverrai toujours avec son amas de pâtes gluantes, dégoulinant sur sa face ahurie. Autour c’est un concert de rigolades … Aussitôt, le pion de service, m’attrape sous les aisselles me sort vigoureusement du banc, m’administre une magistrale paire de gifles et m’entraîne dans le couloir où il me laisse au piquet en me menaçant des plus vives sanctions. J’avais les larmes aux yeux, les joues en feu, mais le cœur heureux d’avoir accompli cette forfaiture bien à propos …
Ah oui ! la sortie du dimanche suivant « sucrée » qu’elle fut, bien sûr !... vous pensez avec un Mal en conduite !…
A la fin de mon année de 3ième, j’ai été renvoyé de cet honorable établissement à cause d’une photo d’une petite copine que j’avais connue au cours des vacances de Pâques précédentes, photos où elle était en maillot de bain et que j’avais placée dans mon livre d’histoire … En étude du soir, manipulant ce livre, la photo est tombée à terre et le pion s’en est aperçu… confiscation de ladite photo qui fut remise au Père supérieur … Ai-je besoin de raconter la suite ?… On ne plaisantait pas avec les histoires de filles dans les boîte de curés, en ces temps là …
A la rentrée scolaire 1960-61, j’entrais en classe de seconde à Loudun… lycée laïc et … mixte …