Fin avril 1972, après 7 années passées au Centre Saint Martin, en raison d’un moment de crise existentielle j’ai eu du mal à supporter quelques difficultés relationnelles avec certains collègues et ma hiérarchie ; j’en éprouvais un tel « ras le bol » que j’ai claqué la porte et donné ma démission … Bien sûr, j’avais le coeur gros ayant tout plaqué d’un travail et des êtres que j’aimais … Parvenu à l’âge de 28 ans il me fallait aussi changer d’horizon … aller voir plus loin… alors, fini les brumes Normandes… à moi le soleil de la Provence !...
Ce 26 Avril 1972, avec tout mon barda dans ma petite Renault 4 L, je roule en direction de la Méditerranée, ne sachant pas exactement où je vais déposer mon bagage… un incident cocasse va être déterminant quant aux lieux de mes prochaines tribulations…
Printemps soixante douze, je file cap au Sud,
A bonne allure, sur l’autoroute du soleil.
J’ai oublié ce que la vie a de rude,
Et n’entrevoit que des horizons vermeils …
« Emmenez-moi au bout de la terre,
Emmenez-moi au pays des merveilles,
Il me semble que la misère,
Serait moins pénible au soleil !... »
Et me distille, cet air plein de promesses,
La radio de bord de ma ludique 4L…
Aznavour stimule tant mon allégresse,
Que pour aller de l’avant, me poussent des ailes…
Je m’approche d’une voiture jaune,
L’identifie pour être une 2CV Citron …
Entrant dans le département du Rhône,
Sur trois voies, pouvons rouler de front …
Blanches, sont les plaques de la Deuche,
Chiffres et lettres au graphisme noir,
Avec, sur la malle, le « D » de Deutsch,
Auto française, en germain territoire …
Longtemps, je fais la route dans son sillage ;
L’auto jaune est à moitié décapotée…
Alors que pour la dépasser, je m’engage,
Blonde envolée de cheveux, me fait sursauter …
Parvenu à la hauteur de la belle Citroën,
Je ne puis, à droite, m’empêcher de regarder,
Et découvre deux adorables sirènes,
Dont on se demande comment les aborder…
Sans complexe, j’accélère pour passer devant,
Surveille attentivement mon rétroviseur.
Suivi par ces deux Allemandes dans le vent,
Je leur trace la route, en parfait connaisseur.
Puis commence le jeu du chat et des souris
Car, impromptues, les souris doublent le chat,
Laissant « Minet» derrière, voila, qu’elles sourient,
Et la radio me chante : que se disent-elles Sacha ?…
Nous entamons alors cet étrange ballet,
Un paso-doble routier pour petites autos…
Me fais, au volant, plus cocher que valet,
Evitant qu’elles me prennent pour zigoto…
Regard face à la route, aussi fier qu’Artaban,
Mine de rien, je les dépasse à nouveau,
Sans me douter que derrière son volant,
La Jolie conductrice, fouette ses chevaux …
Sur la file de gauche, elles me rattrapent,
De l’accélérateur, je relève le pied…
Cela pourrait finir en chausse-trappe,
Sur la route, il est tant de sujets à épier …
Repassant devant, soudain elles ralentissent,
Attention au risque de carambolage,
Je me déporte à gauche et mes pneus crissent,
Sous l’effet appuyé d’un brusque freinage.
Devant, toutes les autos sont arrêtées,
Je presse encore plus fort sur la pédale,
La 4L pique du nez … le pire est évité …
J’en oubliais le contenu de la malle…
Retenue par mon siège, la planche à dessin,
Posée juste au-dessus de tout mon chargement,
Sous la forte décélération, saute le coussin ;
M’arrive sur le cou, sans aucun ménagement…
Me retrouve plaqué, nez contre pare-brise ;
Dans la deuche à côté, les jolies passagères,
Ne se retiennent de rire ; assistant à leur crise,
J’en viens à déplorer, toutes folies bergères…
Quand le flot de véhicules enfin, redémarre,
Dégagé de cette fâcheuse position,
Apercevant la sortie vers Montélimar,
Sans regret aucun, je prends cette direction…
Moralité
Evitez de rouler pied au plancher,
Méfiez-vous des hasardeux desseins,
Qui, brusquement, vous font flancher,
Puis, vous « croquer », votre planche à dessin…
Il va falloir que tu planches pour ton salut l'ami !...
C’est ainsi que je suis arrivé dans la Drôme … Le 1er Mai, une semaine exactement, après mon brusque départ de Saint Martin, j’avais retrouvé du travail comme éducateur dans un Centre Médico Educatif et Social du Diois.
J’étais parvenu là "en exil", pour une durée de quatre ans … car le destin allait me rappeler sur les lieux où j’avais fais mes « armes »… par des chemins bien détournés et contre mon gré, surtout …
Mais ça, c’est une autre histoire …
NB : Cette planche à dessin existe toujours chez ma fille cadette et je sais qu'elle s' installe devant au quotidien.