Printemps 1961.
L’attrait de la nouveauté s’exerçant et l’opportunité se présentant sous la forme d’une belle occasion à la station « BP » où mon père prenait son gas-oil le voici essayant une magnifique « 180D » de 1954. L’affaire fut vite conclue et, cet été là, nous roulions dans une Mercedes verte à la carrosserie plus moderne, à l’habitacle plus vaste et plus lumineux et aux performances en sensible amélioration par rapport à la vieillissante « 170D ». L’insonorisation avait aussi progressé, à allure normale, la mécanique n’émettait qu’un sourd bourdonnement régulier et le moteur grondait moins lors des accélérations. Ce modèle possédait extérieurement des joncs chromés soulignant les renflements au dessus des passages de roues, reliant la base des phares aux feux arrières en suivant les courbures de la caisse via l’ébauche juste suggérée d’ailes arrières. S’y ajoutent des sabots d’ailes et des enjoliveurs spécifiques à ajours dont le motif central, le logo cerclé à 3 branches, se détache en chromé sur le même ton vert de la carrosserie. Ces superbes enjoliveurs recouvrent intégralement chaque jante. A la base et, de part et d’autre de la célèbre calandre verticale, des antibrouillards à la coque également chromée finissent d’habiller harmonieusement la proue si bien que de trois-quarts avant et de profil la voiture se remarque par sa silhouette luxueuse et son allure racée. Avec sa rutilante couleur verte difficile de passer inaperçu…
Cette magnifique auto mon père ne la conserva hélas qu’un peu plus de deux ans car en hiver 1963, entre Bressuire et Nantes, suite à un dérapage sur le verglas, l’accident qui en résulta, s’il fut sans gravité au niveau corporel, par contre, endommagea assez considérablement la voiture au point qu’il lui fallut en changer…
1963... à L'isle-Jourdain. Mon père (à gauche), sa soeur (à droite) ma tante, et mon oncle (au milieu) - mezigue avec Bibi le chat siamois.
Ayant pris goût à la marque à l’étoile, voici mon père en quête d’une autre Mercedes…
C’est dans un garage de Nantes qu’il trouve la remplaçante… Une autre Mercedes 180D de 1957, et cette fois sans accessoires d’ornement externes aussi ostentatoires que sur la précédente. La nouvelle, dans la livrée noire est bien plus discrète, presque austère… Mais bon, l’essentiel y est : une mécanique fiable robuste et économique allié à un confort de roulement typé Mercedes … Cette auto mon père la conservera 25 ans et parcourra, avec, plusieurs centaines de milliers de kilomètres… Elle fut, au quotidien, son outil de travail infaillible (V.R.P.) et, d’aventures, son navire amiral lors de nombreux voyages en métropole et à l’étranger allant jusqu’à tracter sans jamais rechigner la lourde caravane Tesserault sur les petites routes de montagne tortueuses et pierreuses du Portugal…
Cette auto qui a parcouru toute la campagne aux alentours de Mirebeau était bien connue dans toute la contrée… En Août 1971, après examen et expertise, cette voiture ayant parcouru avec sa motorisation d’origine plus de 500 000 Kms (572 000 exactement), en hommage pour elle et pour mon père, ils reçurent de la maison mère, une distinction honorifique). Une médaille ornait la calandre de la voiture et une attestation du constructeur fut accordée à mon père. A l’issu d’un concours du plus gros rouleur organisé par la « Daimler-Benz » cette 180D obtint une honorable deuxième place derrière une de ses consoeurs qui avait effectué plus de 700 000 Kms, sans doute un taxi de Lisbonne car le modèle très prisé au Portugal, y a accompli une carrière remarquable dans sa typique livrée noire au pavillon vert d’eau…
Mon père décédé à l’âge de 85 ans en Janvier 1988, j’héritais de cette fabuleuse auto…
Historique : La Mercedes 180 D vit le jour en 1953, elle reprenait le flambeau porté par sa devancière, la «170». Elle inaugurait le type de carrosserie « ponton », reprenait la motorisation des «170 Da et Ds». La solidité et la fiabilité de cette auto sont plus que légendaires. Elle fera le bonheur de nombreux chauffeurs de taxi parcourant sans faillir des centaines de milliers de kilomètres. Aujourd’hui elle est prisée par les collectionneurs. En France, elle incita le doyen de nos constructeurs «Peugeot» qui comme le constructeur allemand s’était ,déjà avant guerre, lui aussi, essayé à la diesel familiale, à produire une concurrente, ce fut la 403 D qui en 1959 sortit des chaînes de production de Sochaux nantie d’un moteur « Indenor »
Caractéristiques techniques :
- Années de production : 1954 – 1962 (150 000 exemplaires produits)
- Carrosserie type « ponton » semi porteuse.
- 4 roues indépendantes - architecture du châssis repris à la « 170 » avec essieu brisé arrière à deux leviers puis , à partir de 1955, ancrés à un seul point de rotation.
- Moteur diesel de 1767 cm3 développant 40cv puis 43cv à partir des modèles 1957.
- Vitesse maxi rotation moteur : 3500 tr.
- Transmission aux roues arrière par arbre - Boîte à 4 vit. + MA avec levier au volant.
- Dimensions : L : 4485mm – l : 1740mm – h : 1560 mm – Empattement : 2650mm
- Poids : 1285 kg
- Capacité réservoir 56l
- vitesse maxi 115- 120 km/h
Carrosserie "ponton" = 3 volumes liés dans le profil : compartiment moteur - Habitacle - coffre. Classisime et sobriété du style accompagnent la rigueur allemande dans la finition.
Hommage ultime pour mon père et sa vénérable auto, après mûre réflexion, je décidais de faire don de sa Mercedes au musée de l’automobile de Châtellerault sis en place de l’ex manufacture d’armes, sur les bords de la Vienne … Contact pris avec la direction de ce musée, moi, venant spécialement de Normandie, comme prévu, je remis donc l’auto à ce conservateur. C’est avec émotion que, l’ayant mise en route pour la dernière fois, j’en pris le volant pour la monter sur la remorque plateau du transport… Je ne devais plus la revoir… Tout un concours de circonstances fit que la voiture, que 15 ans plus tard, je croyais encore être au musée, n’y figurait hélas plus … Le directeur du musée étant décédé au début des années « 90 », son fils n’étant pas intéressé pour reprendre sa succession, c’est la ville de Châtellerault qui a racheté le musée et son contenu. Seulement voilà, pour amortir le coût de l’opération, une vente aux enchères de certaines pièces de collections fut organisée et dans cette histoire disparut la Mercedes du père … Pour l’heure je n’ai toujours pas retrouvé sa trace… je n’ai plus qu’à espérer que l’heureux acquéreur en prenne grand soin …