Dans les résolutions à prendre à ce début de l'année 2016, il en est une d'importance et qui pourrait changer pas mal le cours des événements découlant des rapports entre êtres humains là et partout dans le monde : dire du bien de son prochain...
Oui, une telle résolution vous semble à des années lumières des pratiques de notre temps où, le plus souvent c'est la critique négative qui prévaut, chaque fois que l'on évoque l'autre que soi-même, ce rival permanent qui fait mieux que nous mais dont on dit sciemment le contraire, notre frère, notre voisin, notre collègue, nos chefs, nos dirigeants et ainsi de suite jusqu'aux personnes les plus éminentes faisant l'actualité...
Et bien sûr, ce ne sont pas les personnalités les plus en vue, à commencer par les politiques qui nous donnent l'exemple en ce sens, passant le plus clair de leur temps médiatique à égratigner leurs rivaux...
Les réseaux sociaux constituent cette autre sphère où dégoulinent à flots incessants, les pires calamités, déversant l'opprobre sur nos congénères. Non seulement c'est de la critique facile, gratuite, d'origine le plus souvent viscérale mais c'est aussi méchant et destructif. Cela les jeunes en âge scolaire, l’apprennent très tôt et le pratiquent sans aucune retenue et parfois à leur dépens. C'est une véritable catastrophe !
Ce dont nous prenons de moins en moins conscience, c'est justement cette familiarisation avec cette façon de communiquer tout ce qu'il nous passe par la tête chargé d'émotions, de réactions vives sans le moindre discernement, en l'absence de tout respect vis à vis de ceux ou celles à qui sont destinées nos invectives, nos propos dégradants ou obscènes.
Les débats rendus publiques par les canaux médiatiques sont eux aussi trop souvent nourris de vindictes, de formulations accusatrices, de manques de respect d'autrui, de charges immondes du fait que l'on ne prend plus le temps d’écouter l'autre, en vis-à-vis, qui lui, n'envisage pas les événements à partir du même point de vue que le notre, et cela dégénère très vite...
De l'actualité courante, il est de bon ton de faire remonter les événements les plus calamiteux, les faits les plus sordides et de s'acharner sur tous ceux qui ont failli dès que l'on peut les montrer du doigt.
Il n'y a pas de place pour le pardon, pour trouver des justificatifs à une conduite éhontée, à des mauvais choix, est-il encore permis d'excuser ?... Accablons plutôt ceux, celles qui commettent l’erreur, la moindre faute qu'il fallait éviter. Pas de place non plus, pour l'indulgence, on ne tolère aucun écart, alors, sanctionnons, punissons illico le contrevenant qu'il faut aussitôt jeter en pâture à la vindicte populaire en le faisant savoir à grand renfort d'articles de presse et commentaires acides dans toutes émissions radiotélévisés et sur le web.
Le responsable de tout ce verbiage calomnieux, c'est l'intellect, qui prend de plus en plus de place dans la communication à travers les échanges d'idées et qui utilise de plus en plus d'abstractions, recourt à la statistique, à la spéculation cognitive, au langage abscons, hermétique s'appuyant sur un vocabulaire pro de plus en plus spécialisé. Nanti d'un tel vocable il devient facile de jouer l'embrouille, de fausser la réalité, d'établir de fausses vérités, de dénigrer les élaborations et agissements de ses concurrents et de théoriser sur d'éventuels complots. C'en est hallucinant, on peut tout dire et son contraire et le justifier avec brio. Faconde des uns, discours alambiqué des autres... cacophonie permanente, rumeurs se répandant en averses de mots pourfendeurs d'idées, broyeurs de probité, semant la confusion, le doute, l'amertume, et parfois la haine...
Dans le contexte actuel où la violence physique devient fait du jour, la violence verbale surenchérit et crée cette atmosphère nauséabonde, très nocive où se développe une sociopathie particulièrement virulente.
Prenant conscience du danger ne pourrait-on pas changer nos habitudes ?...
Voyez que mes descriptions ci-dessus tombent, elles aussi, dans ce que je dénonce comme maux de notre temps : le mal attribué à son prochain duquel on ne sait plus entrevoir ne serait-ce que l'once d'une qualité qu'il posséderait. Aveuglé par ce qui nous gêne venant de lui, parce que souvent, cela nous renvoie à ce que nous sommes également et que l'on feint d'ignorer ou de reconnaître, nous demeurons incapable d'être objectif à son égard et l'accablons de nos diatribes les plus sarcastiques et ravageuses, et à, la moindre incartade de sa part, nous enfonçons le clou …
Avons-nous oublié ce qu'il a dit de juste, ce qu'il a fait de bien, et ceci, à plusieurs reprises ?... Faut-il attendre qu'il ait rendu son dernier souffle pour, dans un panégyrique pouvant être dithyrambique, lui restituer, l' honorabilité de ses conduites, la justesse et parfois la grandeur de ses propos, les bienfaits résultants de ses actions. Alors que tout au cours de son existence on a fait que relever ses erreurs, ses ratés, ses emportements à tous ces moments où il ne réagissait pas de la bonne manière et, en conséquence, n'avons jamais eu le moindre égard pour sa dignité.
Ouvrons les yeux, pas seulement ceux physiques qui nous présentent à l'esprit, formes et couleurs, mais ceux de l'âme, ou plutôt du cœur, qui nous permettent de scruter ce qui émane de la vie intérieur des êtres que nous croisons à chacune de nos avancées dans l’existence.
Ce regard là, nous permet alors de percevoir de manière très différente l'autre dont nous n'apprécions aucunement la manière de penser et d'agir. Quelles sont les raisons, quelles sont ses motivations qui lui font dire ceci ou faire cela qui ne nous plaît pas ? Et pourquoi cela ne nous plaît pas ? Avons-nous pensé qu'il ait pu faire telle expérience qui l'a conduit à raisonner et à agir comme il le fait ? Et quelle souffrance l'affecte qu'il cache derrière sa pugnacité ? Quelles pourraient être les causes de cette souffrance ? Dois-je en rajouter en crachant mon venin ?...
Nous posant ces questions, cela nous renvoie infailliblement au « Connais-toi toi-même !...» Alors, c'est à notre tour, qu'il convient de sonder notre âme...
Oublions un instant ce qui nous déplaît dans l'autre et constatant que le plus souvent c'est aussi ce qui nous déplaît émanant de nous-mêmes qui nous indigne et nous fâche, nous pouvons alors faire preuve de mansuétude vis à vis des écarts de cet autre et, un pas plus loin, c'est la compassion qui apparaît... pas la pitié souvent proche du mépris, mais ce sentiment qui nous fait éprouver la souffrance de l'autre... COMPASSION !
Choisissons un temps nos lectures, préférons une bonne biographie, ce peut-être celle d'une personne célèbre mais aussi celle d'un homme ou d'une femme moins connu, appartenant au commun des mortels. Dans ces récits, nous trouvons souvent non seulement le déballage de tous les événements bons et mauvais attenants à une existence humaine mais ce qui a été conçu par son propre destin et a orienté ses intentions puis suscité ses entreprises et ce qu'il en a assumé librement. Lisons cela et envisageons-la objectivement, hors tous jugements à l'emporte pièce, comme un enchaînement de causes à effets... nous découvrons alors que, tel ou tel, ne manquait ni de bon sens ni de cœur et qu'un amoncellement de défauts et de torts commis, ne sont jamais rédhibitoires et qu'au fond des êtres qui nous paraissent les plus indignes et répugnants, il y a la part claire, cachée, et souvent un « appel au secours », une demande d'aide pour quérir son noyau d'humanité que ce « pauvre bougre » invoque sans en avoir conscience et que, nous aussi, qui le jugeons si sévèrement, ne percevons pas.
Aujourd'hui un terme revient de plus en plus dans les conversations, s'adressant à nos façons de percevoir nos semblables : empathie... un mot à la mode pour nous rappeler que nous devons prendre distance de nos appréciations dictées par des sentiments viscéraux ou confus lorsque nous devons comprendre les propos et les agissements d'une personne étant entrée soudainement dans le champ de nos relations ou de notre conscience. Cette empathie constitue souvent la primordiale des qualités indispensables que doivent avoir certains professionnels dans les milieux de l'éducation, de la police, et surtout de la justice.
L'empathie c'est en quelque sorte un point neutre entre sympathie et antipathie dont les excès brouillent l'acuité de notre regard et l'objectivité de notre perception. L'empathie reste tiède et conciliatrice, elle permet d'envisager ce qui préserve, répare, et a, potentiellement, la possibilité de réhabiliter. L'empathie est cette disposition qui permet d'approcher l'authenticité de la façon de penser, des sentiments et des conduites d'un être humain.
« Le meilleur remède pour l'homme c'est l'Homme » a dit Paracelse. Ce n'est pas une sentence hors de sens et vieillotte, au contraire, c'est une consigne d'avenir, un précepte qu'il est grand temps d'appliquer à chaque fois que l'on s'adresse à autrui, nous demandant alors : ce que je vais dire maintenant, est-ce que cela va le rabaisser ou l'élever, me rabaissant ou m'élevant moi, avec lui ?...