C'était le sujet d'un document télévisuel de la série des émissions « Infra rouge » diffusé le mercredi 6.1.2016 sur FR2 à 0H05. Minuit venait juste de s'afficher à la pendule du salon et nous allions nous coucher quand cette histoire d'une « Compagnie éphémère », se présentait sur notre écran de télé... en fait, nous nous recalions dans nos fauteuils, vivement intéressés par le sujet. Des lycéens de plusieurs établissements de la Seine Saint Denis ont été rassemblés pour participer à l'élaboration d'un grand spectacle scénique où ils furent engagés comme acteurs. Tous ces jeunes découvrirent la scène pour la première fois en jouant la pièce de Michel Vinaver : D'un 11 septembre à l'autre, dont Guy Girard, le réalisateur a fait un film, 10 ans après les attentats du 11 septembre 2001 à New York.
C'est Arnaud Meunier, directeur de la Comédie de Saint Étienne, lequel a fondé la « Compagnie de la mauvaise graine » qui intervient en tant que metteur en scène auprès de cette jeunesse sur le point de passer le cap de l'adolescence, étant en classes de 1ère et Terminale.
Ce n'est pas un hasard si ce dynamique metteur en scène a choisi de travailler avec les lycéens de ce département à la réputation surfaite et déformée par la rumeur médiatique, s'agissant du tumulte sociétal de sa jeune population. Il s'agit de tirer vers le haut ces lycéens... leur apporter un idéal, leur transmettre des pratiques d'éveil et de sensibilisation à l'Art, les faire se révéler à eux-mêmes, les rendre attentif à leur entourage, leur redonner confiance, les tirer du marasme de l'échec scolaire, utiliser le potentiel propre à leur jeunesse et même leur faire entrevoir que dans leurs parcours respectifs et leurs origines ethniques diverses, c'est tout ce qu'ils comportent d'enrichissant au niveau historique et culturel qu'il importe de faire connaître et de partager d'abord entre eux et face à un public issu de toutes le couches de la société. Ne plus en rester aux préjugés, aux clichés, aux images de reportages sulfureux jamais impartiaux. Ces lycéens des établissements de la Seine Saint-Denis, comme ceux de toutes les autres cités, peuvent aussi produire l'excellence, donner beaucoup d'eux mêmes, accéder aux hautes sphères de la connaissance, s'ouvrir aux arts et avant cela, se responsabiliser en tant que futurs citoyens...
C'est un merveilleux travail pédagogique, psychosocial, et artistique qu'a ainsi entrepris Arnaud Meunier.
La magie du théâtre opère alors une lente mais éminente transformation de ces jeunes qui, pour les plus revêches, les plus sceptiques, les plus révoltés et les plus timorés, va aussi les transcender, chacun trouvant sa place dans le groupe d'acteurs, chacun investissant son rôle avec force, conviction et talent.
Nous suivons cela assidûment, ces séances de répétitions, cette mise en place de l'ensemble et des individualités de concert, dans l'espace et le temps, puis dans l'action dans ce « oser envahir la scène » avec ce que chacun est et devient dans son personnage, à travers ce courage d'apprendre un texte pour le déclamer sur scène puis le faire vivre au public, grâce à son engagement dans la maîtrise de sa voix, dans sa respiration, dans ses émotions volontairement contenues ou émises... Se déplacer sur le plateau avec aisance, donner grâce à ses gestes, s'apercevoir que jamais l'on ne joue tout seul, que tous les camarades acteurs sont aussi présents même quand ils n'occupent pas le devant de la scène.
Nous assistons à toute cette transformation, à cette douleur pour se dépasser, à cet épanouissement dans le jeu, à cette transfiguration des visages, à la force de ces mimiques, à cette aptitude au recueillement, à cet investissement sublime à travers des tableaux grandioses aux messages puissants.
Les larmes nous viennent, le ravissement de voir cette jeunesse dont on doute si souvent nous présenter ce qu'elle a de plus beau et élevé : l'esthétisme, l'envie, le panache mais aussi l'amour pour ce que sont les vraies valeurs de notre humanité qu'ils découvrent en eux et dans la foule conquise ayant assistée à leur spectacle... c'est un grand moment de Grâce !...
Que cela fait du bien et nous montre combien nous devons compter sur cette jeunesse, combien nous devons l'aimer et avoir, pour mission essentielle, l'élever, la tirer vers le haut. Ces jeunes n'aspirent qu'à cela !..
Après… oui après ce formidable épisode artistique « spectacle éphémère », pour chacun d'eux, que se passe-t-il ? À leur descente de scène, ils retrouvent la vie, la vraie... ses aléas, ses exigences, et tout ce qui leur permet encore de douter d’eux-mêmes à travers les menées de leurs études, l'apprentissage d'un métier et la vision de ceux qui, dans leur environnement, ne sont pas forcément exemplaires. Quelle chute !...
Et revient là, notre scepticisme par trop nourri de cette actualité qui dénonce, montre du doigt, dégrade et n'envisage que le côté sombre ou négatif des événements …
À nous les adultes, de ne pas succomber au scepticisme et à la morosité ambiante et surtout de ne jamais désespérer, à nous, de nous dire qu'ayant participé à un tel spectacle, ayant été applaudis par le public enthousiaste, tous ces lycéens ont été encouragés, poussés, pendant une année entière, travaillés au corps mais aussi à l'âme, qu'ils ont fait totalement confiance à ceux qui les guidaient, et, qu'au final, tout ceci n'est pas vain...
On oublie toujours le processus, parce qu'il n'y a que le résultat qui compte... le résultat qui sanctionne, attriste ou enthousiasme…
En fait, le résultat, ce n'est pas le plus important, ce qui l'est vraiment, c'est tout ce qui y prépare, tout ce qui s'élabore, tout ce qui pétrit à base d'efforts, tout ce qui passe quasi inaperçu... tout ce qui a engagé cette volonté, ce désir de faire mieux, toujours mieux, qui a fait grincer, crier, pleurer, rire et sourire.
C'est avec cela que ces jeunes qui nous ont ébahis et émus jusqu'aux larmes, jusqu'à ces transports de joies, vont conquérir l'avenir, leur avenir... nous n'avons pas le droit d'en douter .
Grand merci à eux, et grand coup de chapeau à tous ceux et celles qui les ont encadrés portés, animés et faits s'enthousiasmer.