Devenu adulte nous l’avons tout simplement oublié…
C’est bien un grand mystère que ceci … voyez tel adorable nouveau né si petit, si fragile, si attendrissant… quelques semaines plus-tard il devient un bébé réjoui qui sourit béatement puis, quelques mois après, il commence à s’intéresser au monde autour de lui. Viennent ensuite les premiers pas, les premiers mots, c’est alors ce merveilleux temps de l’enfance parcouru par tant d’innocence, de joie de vivre accompagnée d’une grande soif d’apprendre et d’une sublime envie d’expérimenter, d’agir puis de créer… qui envisagerait que cet enfant merveilleux pourrait être, plus tard, une personne pas forcément recommandable, un despote, un monstre malveillant et nuisible ou, au contraire une personne charitable, bienveillante, dévouée à son entourage répandant bonnes paroles, belles pensées et amour à son prochain… Qui peut savoir ce que deviendra, ce que sera, ce tout petit, 30 ans après sa venue au monde ?
Oui, c’est la question brûlante que l’on se pose… mais aussi à l’inverse et là, c’est aux adultes que l’on s’adresse à ces gens de la trentaine, de la quarantaine, de la cinquantaine, aux séniors de la soixantaine, de la septantaine, à ces octogénaires aussi qui ont, pour chacune de leurs générations, eu à tenir des gouvernes, prendre des décisions, parfois, lourdes de conséquences, étant engagés dans des affaires dites « importantes », des combats rudes, des enjeux vitaux où leur humanité et leurs compétence se devaient d’être à l’œuvre engageant aussi leur dignité, leur probité… lorsqu’’ils ont failli et se sont laissés entrainer dans le jeu des incertitudes en se soumettant à ceux, bien plus pernicieux des avidités, des soifs de pouvoir et de domination, poussés par leur sentiment de supériorité, la toute puissance de leur égo, ils en arrivent alors à pratiquer la menace, le chantage et deviennent destructeurs face à tous ceux qui n’abondent pas dans leur sens … l’enfant si doux, si rieur d’hier étant devenu tyran…
Oui, si le temps qui passe métamorphose graduellement notre apparence corporelle, parallèlement, le cours de la vie transforme nôtre être intérieur… et cela peut aller vers le meilleur ou vers le pire… quelle en est l’impérieuse raison ? Qu’est-ce qui fait que nous perdons cette candeur de l’âme enfantine, que nous nous endurcissons, devenons de plus en plus rigides et intransigeants, susceptibles, coléreux, insatisfaits, revendicateurs, grincheux, avides de biens et de pouvoirs et que pour arriver à nos fins, atteindre nos buts les plus inavouables, nous nous conduisons de la façon la plus indigne sans avoir le moindre scrupule, le moindre regret pour le mal fait les torts dispensés dans notre entourage ?
Comment le petit être si fragile dans son berceau peut-il un jour devenir un odieux personnage, un monstre destructeur poussé par les bouffées mégalomaniaques qui hissent son ego au-dessus de tous les autres ?
Cela semble bien mystérieux car, au départ d’une existence, projeter de telles perspectives sur le petit être innocent qui sourit à tous les visages se penchant sur lui, tient de l’abomination. Ce ne peut être envisageable car tous ceux qui l’entourent de leur amour n’ont pour ce merveilleux petit enfant que des projets épanouissant et heureux…
Alors la vie, vaste programme se déroulant au fil des heures, des jours, des mois et des années, serait-elle la seule responsable lorsque le cours des événements conduit l’enfant grandissant vers les écueils où s’abime son âme et que le nombre d’épreuves altère sa fraicheur et l’assombrit graduellement ?
De quelles natures sont les forces dont on se saisit pour affronter les épreuves de l’existence ? D’où proviennent-elles, nous laissons-nous le temps de les maitriser de les adopter puis de les adapter aux circonstances ?
Ce sont là autant de question auxquelles il est difficile de donner des réponses justes et satisfaisantes… Il en demeure que c’est important de se les poser…
Quand, suivant l’actualité sociale, politique nous assistons à ces joutes sempiternelles où des hommes et des femmes de condition élevée, souvent personnes érudites et cultivées, on reste profondément consterné par leurs façons irrévérencieuses et malveillantes d’égratigner leurs rivaux ou leurs pairs chacun s’estimant tellement meilleur par ses projets et ses conduites, ne manquant pas d’impudence pour le faire savoir …
Comment des personnes de cette qualité en arrivent à tenir des propos si honteux et méchants à l’encontre d’autres personnes aussi honorables qu’elles s’estiment être ?…
Débats d’idées ?... Foutaise !… On se complait à trainer l’autre dans la fange et l’opprobre pour se glorifier soi… voilà !...
Ce dimanche après-midi je regardais un spectacle de cirque sur FR3 et au cours des numéros présentés, à maintes reprises, la caméra pointait son objectif sur des visages d’enfants. C’était un pur ravissement, un spectacle grandiose à lui seul que ces visages d’enfants illuminés par l’émerveillement, leurs sourires angéliques, leurs rires joyeux, leur admiration et leur étonnement…
Etonnement est le mot magique qui convient décrivant cette formidable attitude de l’âme humaine, celle propre à l’enfance mais hélas, celle, que devenus adultes, nous laissons de moins en moins apparaître…
Vous dirais-je maintenant que le train de vie que nous menons tous en cette époque où les techniques sont de plus en plus époustouflantes, que leur nombre croissant de manière exponentielle, nous laisse curieusement de plus en plus comme désabusés, comme étant sous l’emprise d’un désenchantement perpétuel. Entre autres paradoxes tenant à notre nature, il y a celui-ci : on est vite, soi-même blasé, rarement étonné comme si nous n’avions plus rien à apprendre des autres alors que nous sommes animés en permanence par un vif besoin, nous, de les épater et de les surprendre… Il y a ici, comme un renversement : l’enfant jadis si souvent étonné est devenu l’adulte se refusant d’être étonné mais qui, à son tour, veut en toutes occasions, étonner le monde dans son entourage…
Alors, en contrepoint, surgit cette image extraordinaire « lou Ravi » ce merveilleux santon de la crèche provençale, (les bras levés vers le ciel) il représente sous cette forme de petit sujet, réalisé artisanalement, un homme qu’on juge simplet et très naïf… mais regardez-le bien… il sourit à l’Enfant qui lui sourit en retour… c’est là tout le miracle de Noël : leur étonnement, signifié par cette rencontre d’âme à âme d’où émane tant de lumière…