Nous voici parvenu dans la Semaine Sainte… Croyants ou non croyants, il est toujours possible de profiter de cette opportunité pour réfléchir à certains aspects de l’existence tenant à nos conduites…
Me référant à la parabole du "figuier desséché", j’en viens à évoquer un sujet en correspondance avec ce thème et d’actualité : la maltraitance… Justement, samedi dernier, dans une rubrique télévisuelle, il était question de la maltraitance des personnes âgées…
Comment définir la maltraitance ?
On dit qu’il y a maltraitance lorsque des personnes ont à subir d’autres personnes les conséquences d’actes ou l’absence de ceux-ci, nuisant l’intégrité de leur personne physique ou morale… La Maltraitance s’exerce dans le cadre familial, dans le cadre institutionnel et dans les lieux de travail (où elle devient harcèlement …)
Ce fait de société qui n’est pas nouveau existe depuis que le monde est monde. Aujourd’hui le sujet n’est plus tabou mais plutôt obsessionnel, redondant …. Il y a une véritable psychose qui s’est installée à propos de la maltraitance à tel point que l’on en décèle dans presque tous les secteurs de la vie. Et, une fois de plus, concernant ce sujet, la surabondance d’informations au niveau médiatique, crée la confusion … Nous sommes dans une société tellement assistée et contrôlée que toutes actions, tous comportements deviennent suspects à la moindre incartade …
Il suffit que deux personnes discutent vivement dans la rue pour que, très arbitrairement, on décrète que l’une maltraite l’autre …
Par contre quand il y a réellement maltraitance avérée d’un enfant ou d’une personne, là personne n’ose intervenir ou pour le moins dénoncer le fait parce que l’on ne veut pas être ennuyé par la suite, être accusé de délation ou bien encore parce que ce n’est point notre affaire et qu’en l’occurrence, ça ne nous regarde pas…
Pire lorsqu’une personne est violentée dans la rue ou dans un transport public, le courage manque souvent aux témoins pour intervenir et dégager l’agressée de son agresseur …
Donc pour ceux qui ont mission d’enquêter sur un fait quelconque de maltraitance, recensé suite à un rapport ou une dénonciation, il convient d’être extrêmement prudent autant que perspicace… Dans une telle entreprise, il faut beaucoup de discernement et de délicatesse.
- Maltraitance par omission de soins, de présence…
- Maltraitance par agacement, par irritabilité, soi même, en tant qu’intervenant agressé devenant agresseur par réaction.
- Maltraitance morbide maladive qui confine à la pathologie …
De nos jours les limites de ce qui est humainement acceptable sont vites franchies, les emportements, les dérapages sont commis assez fréquemment dans une société mouvante, houleuse, où les individus sont de plus en plus sollicités, mis à l’épreuve face à des situations de plus en plus complexes humainement et matériellement parlant …
Dans le cadre institutionnel, l’inadéquation sociale, la délinquance, la pathologie sont autant de handicaps auxquels doivent se confronter des intervenants plus ou moins bien préparés… En dépit des formations mises en place il faut aussi du temps pour que les intervenants de ces secteurs acquièrent l’expérience qui entraîne les bonnes réactions et permette d’engager les dialogues à propos. Dans tous les secteurs des services sanitaires et sociaux, trouver les bonnes réponses et établir les bons contacts correspond à une longue pratique de la relation entre intervenants et usagers.
Ne pas oublier que ce travail d’assistance, de soins, de préventions, de stimulations auprès d’être humains en difficulté est aussi accompli par des humains qui rencontrent, aussi des difficultés, dans leur vie personnelle. Il faut une totale abnégation et une grande maîtrise de soi pour faire front à ces situations pathogènes, délictueuses, anti-sociales et, pour ces usagers en détresse, être leur bon soutien, savoir les rassurer, les faire progresser ou palier à une régression irréversible comme c’est souvent le cas en gériatrie …
Ayant travaillé pendant quarante ans auprès de personnes handicapés mentales, je suis évidement sensible à ce sujet car il est évident qu’au cours de ces années d’accompagnement, les événements vécus au quotidien dans ce secteur des professions médico-pédagogiques et médico-sociales n’étaient pas ceux d’un long fleuve au parcours tranquille. Les situations de crises, de violences, font intégralement partie de ce quotidien, certains jours. Il est évident qu’il faut être « blindé » et avoir une grande force intérieure pour ne pas répondre sur le même mode à toutes ces agressions. Il faut le savoir que la contention fait aussi partie du mode d’intervention des éducateurs, aides-soignants, infirmiers et autres …
J’ai le souvenir de quelques « rumbas » épique où, forcément, l’intervention est très vite musclée, surtout quand il faut maîtriser un énergumène qui a « pété les plombs » et qui devient dangereux pour lui même et son entourage. Ces opérations là, n’ont rien de tranquille au moment du déroulement… Quelqu’un d’étranger au service qui passerait par là à ces instants, constatant cris et gesticulations, peut, dès lors, vite interpréter cela comme de la maltraitance …
Emportement : Parsifal veut étrangler Kundry
J’ai le souvenir d’un compagnon qui faisait une fixation sur une de ses camarades et qui la voyant danser avec un autre, un jour de bal de carnaval, s’est précipité sur elle et a commencé à l’étrangler. Nous avons du nous mettre à trois pour les séparer et libérer in extremis la victime qui suffoquait puis, ensuite, faire front au « déchaînement de violence » du forcené lequel, mis à l’écart puis, relâché, a tout cassé sur son passage à coup de poings et à coups de pieds. Je le revois devant la salle des fêtes attraper un banc de jardin en bois et métal, plutôt lourd, et le balancer à plus de 5 mètres, le pulvérisant… Avec le directeur du Centre, nous avons réussi à le rattraper puis, l’étalant par terre, couché dessus, à deux, le maintenir au sol jusqu’à ce qu’il s’apaise, subissant alors ses gesticulations, ses griffures et ses crachats … En lui parlant pour le calmer, il a fallu rester plus de dix minutes ainsi à le plaquer dans l’herbe. Quand nous l’avons relâché, il s’est mis à courir, vers la forêt. Je l’ai suivi. Enfin épuisé, il s’est arrêté et s’est mis à pleurer. Quelques cris encore… et nous avons marché côte à côte pendant une demi heure dans les sentiers du sous-bois sans rien dire. Ensuite, j’ai pu le ramener à son pavillon où il s’est couché. L’infirmière est venue et lui a fait administré le traitement qui convenait …
Pour une telle population, la maltraitance ce peut être aussi l’absence de soins, de suivi, la négligence, les brusques changements de programme, les fausses promesses, etc. … La liste peut être longue. J’assure que de ce fait, il est difficile de ne pas être « maltraitant » à un moment ou à l’autre.
Dans un grand magasin, des parents qui refusent d’obtempérer pour satisfaire les caprices de leur progéniture, peuvent aussi être considérés comme maltraitant par des témoins de la scène, cet enfant se roulant par terre devant ses parents gênés, soudain désemparés…
Parlons-nous de maltraitance quand nous avons à subir tous les aléas de la vie moderne : les pubs agressives placardées, affichées sur murs et écrans, les images des violences contenues dans les faits de l’actualité et dans quantité de fictions, les tracasseries des administrations tatillonnes, les réponses agacées, les exaspérations de ses agents, eux aussi, trop sollicités ?…
Et encore, ces bons facteurs de campagne qui étaient le seul dernier lien humain pour certains « vieux » restés au village, facteurs dont l’administration des postes a supprimé les tournées, pour la remplacer par celles de convoyeurs privés qui n’ont guère plus le temps de s’arrêter discuter avec ces braves vieux… n’est-ce point aussi une forme de maltraitance…
Et puis ne nous maltraitons nous pas nous-mêmes avec ce à quoi nous souscrivons, nous abonnons, nous adonnons, souvent nuisible à notre santé physique et mentale …
A bien y réfléchir, nous sommes souvent nos propres tortionnaires … Alors pour illustrer cet adage : "Charité bien ordonnée, commence par soi-même » commençons donc à bien nous traiter nous-mêmes, avec tout ce que cela comporte et, bientôt, nous constaterons que vis-à-vis de ceux qui nous entourent nous devenons bienfaisants...
Pour s’aider dans cette entreprise, repérons tous les actes, au quotidien, où les êtres humains se conduisent avec tout le respect, toute l’attention, toute la considération pour leurs frères et leurs sœurs. Il y a aussi plein de dévouement et une réelle prodigalité en charité autour de nous… Les bons exemples ne manquent pas, il suffit de regarder au bon endroit au bon moment et pour ça, enlever la poutre de notre œil * …
* Chant tiré de l’album « la chanson de l’Evangile Vol 3 interprété par Mannick et Jo Akepsimas :
« Quand tu vois la paille … »
Refrain :
Quand tu vois la paille
Dans l’œil de ton frère,
Enlève la poutre de ton œil ;
Pour ôter la paille, )
Tu verras plus clair ! ) Bis
I
Si tu ne veux pas que l’on te juge,
Ne prends pas le doit de condamner ;
Le venin que tu sèmes,
Pourrait bien servir à te juger !
II
Si tu ne veux pas que l’on t’accuse,
Ne prends pas le droit de dénoncer ;
Le venin que tu sèmes
Pourrait bien servir à t’accuser !
III
Si tu ne veux pas que l’on te blesse,
Ne prends pas le droit de te moquer ;
Le venin que tu sèmes
Pourrait bien servir à te blesser ! …
Dessins en hachures du Frafadet (1977)