Pour rester dans l’esprit de cette merveilleuse saison d’automne, invitons-nous à regarder ce spectacle extraordinaire qui se déroule, dans la nature tout autour de nous…
Nous assistons à ce phénomène grandiose de la lumière qui se dépose sur la terre … L’éclat éblouissant de l’été, tout à l’extérieur, se lie maintenant au monde en surface, créant ces « chaudes » couleurs à la mi automne : Les jaunes, les ors, les oranges, les rouges, les pourpres, les bruns illuminent nos paysage dans une merveilleuse tonalité ocre ou cuivrée, comme si le feu embrasait les frondaisons… Cela, d’emblée, ne peut inspirer la mélancolie… Évidemment, un brouillard matinal qui nimbe de sa vaporeuse écharpe ces merveilles est déjà plus propice à la nostalgie créant une ambiance inspirée par la disparition prochaine de ces embellies… Il n’empêche que, dans l’absolu, ces contrastes sont de toute beauté…
Alors, quand le ciel se fait de plus en plus sombre à l’horizon et, qu’à l’opposé, la source de lumière se fait rasante sur les paysages, nous tombons sous le charme de ce contraste saisissant de la terre inondée de lumière, se détachant sur un ciel cendré. Personnellement, j’adore ces ambiances… qui se produisent également au cours des autres saisons mais pas avec cette intensité propre à l’automne…
Nous en sommes donc à ce moment de l’année où la lutte est âpre entre lumière et obscurité… Cette plongée dans les ténèbres est, pour notre nature humaine, un phénomène angoissant que nous assimilons à juste titre, d’ailleurs, au dépérissement… Le spectre de la mort nous hante…
En conséquence, notre réaction va dans le sens de la démystification ainsi, avec une fête comme Halloween, par exemple, on stigmatise notre peur avec ces grimaces d’outre-tombe comme personnifications de la mort et des esprits ténébreux …
Un autre aspect de cette période difficile est lié à la descente en soi que l’on effectue plus ou moins consciemment ; j’entends par là que cette saison d’automne invite à l’introspection au retour sur soi ne consistant pas à se recroqueviller comme pour se protéger du froid hivernal mais en un regard à porter sur notre nature profonde, un regard à poser sur notre âme … Ca y est le mot est lâché : l’âme …
Qu’est-ce au juste que l’âme ?... On en parle souvent sans l’avoir vue, ni la sienne ni celle des autres … pourtant, le mot très usité, se retrouve dans bon nombre d’expression : Dans ce village vivent 500 âmes – livrer ses états d’âme – avoir du vague à l’âme – c’est une bonne âme – etc. … Dans l’Antiquité, les grecs la désignait sous le terme de psyché, et aujourd’hui les spécialises (tous les psy donc) parlent de psychisme… Tout ce monde en nous, au niveau de l’émotionnel, est devenu une science …
J’en reviens à ce regard, le nôtre personnel, qui plonge en nous à ce moment de l’année … Rappelez vous l’énigme su sphinx : Homme connais-toi, toi-même … Voilà la Quête absolue celle qui fait appel au courage le plus élevé… Aller à la rencontre de soi c’est avancer au devant d’une confrontation bien plus redoutable que celle nous opposant à un ennemi avéré. Là on doit s’attendre au pire avec le désenchantement quand ce n’est pas l’effroi qu’une telle rencontre peut produire…
Nous voilà, « homme » parti à la rencontre de la « bête »… Et pour se préparer à la lutte, il faut se protéger et s’armer. Le symbole chrétien en est Saint Michel qui terrasse le dragon …
Nous ne verserons pas dans le manichéisme toujours radical si nous tentons de mieux comprendre cette image. En fait Lumière et ténèbre, bien et mal sont des polarités qu’il ne convient pas de dissocier et qui d’ailleurs ne peuvent exister l’une sans l’autre … J’ajoute tout de suite qu’il ne peut être non plus question de faire l’apologie de l’un sans y rapporter son contraire directe … Le mal est un « bien » indispensable au bien… à méditer mais ça ne veut surtout pas dire : intentionnellement, faire mal pour trouver le bien… Mal ne peut être Bien…
Très curieusement, le premier mois de l’automne (21 septembre – 21 octobre) est marqué par le signe astral de la balance (signe d’air) ce qui indique bien, en partant de l’équinoxe, le début où, la mission,pour chacun d’entre nous, sera de maintenir l’équilibre au cours des trois mois qui suivront, nous conduisant jusqu’à la nuit la plus longue de l’année…
Mieux qu’une approche intellectuelle, la vision artistique de cette réalité nous permet d’en saisir la quintessence …
Commençons par ce que nous découvrons par la bouche de nos aînés dans la petite enfance ; Les contes … Un conte digne de ce nom où il n’apparaît pas cette dualité entre des entités lumineuses et ténébreuses n’existe pas… L’issu se fera toujours en faveur des premières citées… Parvenu à l’âge adulte, lire un roman, regarder une fiction sans confrontation entre personnages se référant à cette polarité ne présente aucun intérêt. Ce serait une histoire où il ne se passe rien …
Plus proche de nous dans la trilogie du « Seigneur des Anneaux », l’univers de Tolkien est plus que révélateur en ce sens, les combats qui sont livrés opposent à chaque fois un monde lumineux à un monde de ténèbres et tout au long de cette œuvre remarquable nous basculons sans cesse d’un lieu de lumière à un lieu de ténèbre où chaque personnage est aussi aux prises avec lui-même à travers cette dualité… Ce n’est nullement un hasard si, selon Tolkien, tous les combats de cette immense saga se livrent en « Terre du Milieu » et pour la survie d’icelle …
Dans le monde des arts picturaux, bien des peintres se sont attachés à cette dualité à cette rencontre entre lumière et ombre. Parmi eux Rembrandt est certainement le pionnier en la matière … Lui, comme les médecins de son temps, préoccupé par l’énigme du corps, a réalisé que pour en présenter, la lumineuse beauté, le mieux était de l’exposer sur un fond sombre, pour lui, la lumière irradie les corps même diaphanes. Toutes ses compositions font surgir de l'ombre ce qui est lumineux... Nous reste à trouver d’où provient la source lumineuse ; chacun de ses tableaux nous interroge en ce sens…
Le maître a ouvert la voie que les Romantiques vont exploiter pour en intensifier leurs thèmes dramatiques comme David , Jéricho…
Bien à part mais absolument guidé par cette quête, Turner va jusqu’à expérimenter les éléments en dualité, chaleur et eau, air et terre. Ne va-t-il pas jusqu’à ce faire attacher au mât sur le pont d’un navire un jour de tempête pour mieux « goûter » le vent et les embruns … Sa peinture est un monde de tumulte où la lumière battue par les vents fait surgir des abysses un miroitement magique… pour lui, une simple touche de couleur lumineuse suffit à éclairer un tableau entier …
Les impressionnistes feront le pas plus loin, pour eux, les véritables couleurs et leur mouvance prennent source dans cette polarité entre lumière et ombre qui dès lors, ne sont plus absolues… La lumière vibre dans l’ombre, et l’ombre fait ruisseler la lumière. Avec eux, on s’approche du sublime équilibre déjà parce que ce n’est plus une peinture figée, avec des formes plaquées mais des natures qui rayonnent et palpitent au-delà du regard, comme une vision intérieur …
L’automne nous délivre là un merveilleux message d’espérance …
Le Farfadet des contrastes
Figurer n’est ni idéaliser, ni donner une expression : c’est donner une âme … (Malraux)