Réédition d'un article initialement publié le 29/12/2018, 01:04
En venant au monde, il a jeté son premier cri !…
Autour du petit enfant, des sons provenant de voix qui lui deviennent familières, envahissent ses perceptions auditives et certains reviennent régulièrement résonner à ses petites oreilles. Bébé émet d’abord des petits cris aigus, puis il gazouille, fait des bulles glaireuses en babillant. Puis il se met à prononcer quelques consonnes, le « M » fait partie des toutes premières sortant de sa bouche : Mememememememe puis le « P » Popopopopopopo et le « B » Babababababababa et le le « R » si amusant à roucouler Rerererererererere … Bébé joue déjà, non avec des mots, mais des sonorités qu’il se plait à entendre résonner en lui, comme écho de l’effet sonore produit à l’extérieur … Il ne s’agit encore que de sons…
L’acquisition du langage par le petit enfant est vraiment magique … cela s’opère en lui presque à son insu et un jour on se trouve fort étonné d’entendre, ce petit bout adorable, prononcer ses premiers mots et, dans la foulée, faire ses premières phrases simples … Le « Génie de la Langue » a bien opéré !...
Nommer – Dire – Parler, telles sont les grandes étapes de l’acquisition du langage. Tandis qu’il balbutie, le petit enfant participe à tout ce qui se passe dans son environnement. En fait les mots qu’il entend, s’agissant de tel ou tel, ne sont pas à isoler de tout ce que l’enfant perçoit et enregistre par ailleurs, car il ne fait qu’un avec son environnement, et c’est à partir du moment où, un mot ou un ensemble de sons, va évoquer tel sujet, telle chose, que l’enfant va, petit à petit, se démarquer de son environnement et soudain, se sentir comme « je », une entité différente des autres entités de son entourage. C’est ainsi, que graduellement, il nomme ce qu’il aperçoit, il dit, de façon primaire encore, ce qu’il ressent et désire, et, s’adressant aux êtres de son entourage, il leur parle dans sa langue maternelle…
La langue que l’on parle … mais en fait de quoi s’agit-il ? … Un grand mystère entoure cette forme de l’expression orale humaine, unique en soi et distançant l’homme de tous les êtres de la création en le dotant d’un moyen extraordinaire de désigner tous les composants de son univers, de se désigner lui-même et de formuler la nature des rapports existant entre tous ces composants, entre eux et par rapport à lui.
En fait, à travers la langue, toutes les langues parlées, les êtres et les choses, se révèlent à l’homme, ils se nomment à lui, il apprend à les connaître parce chacun possède un nom… un nom, qu’à l’origine, l’homme lui a donné en en pressentant son essence, son origine, son universalité, sa réalité spirituelle en arrière plan de son apparence physique. Sublime !
Le monde se nomme, et l’homme « redisant » ce monde, vient à le parler. Tout ce qui apparaît à sa conscience, a maintenant un sens, et devient réalité tangible. Grâce à la parole, l’environnement de l’homme n’est plus pour lui un monde étrange et, lui, n’est plus un étranger pour ce monde.
Ce cheminement fantastique le petit enfant l’accompli en trois années !...
Alors le langage se construit et prend vie dans l’organe vocale de l’homme, l’air fait vibrer ses sonorités à travers le larynx, puis, remontant jusqu’à la bouche, le son y est ciselé, formé, et devient cohérent… S’en échappent les syllabes et leurs rigoureux assemblages, le verbe résonne pour être ouï plus loin, par d’autres êtres … La parole se parle à elle-même ! Communiquer entre les êtres, est maintenant possible. La parole se répand…
Et puisque la parole est donnée à l’homme, la parole doit aussi être reçue… Elle a son écho et l’oreille est bien son précieux réceptacle … La parole est audible et pour être audible elle prend sa force dans la construction de phrases à la rigoureuse architecture grammaticale …
La parole nomme, décrit, exprime, ordonne, crée … Elle permet de désigner êtres et choses, elle traduit en mots les émotions, elle oriente les actions à mener, elle se projette dans l’avenir mais elle peut aussi faire resurgir le passé, la parole est de tous les temps : passés, présents, futurs. Elle est aussi Éternité …
Au début de l’évangile selon Saint Jean, il est écrit : « Au Commencement était le Verbe* et le Verbe* était Dieu … » (* ou : la Parole)
Notre monde contemporain résonne de flots, de déferlements de paroles mais je ne m’attarderai pas ici sur leurs contenus plus ou moins bons, plus ou moins scabreux, j’en reste intentionnellement, à sa nature initiale de sons audibles et harmonieux dans toutes les langues existantes. L’air qui vibre dans le larynx est porteur de notre propre entité créatrice, la parole est imprégnée de nos « moi » ; en cela, elle est unique et ce qui est encore plus extraordinaire, c’est qu’elle s’exprime sur un souffle, une expiration profonde comme si nous avions été chercher Dieu au fond de nos entrailles. Le son de la voix humaine est divin et c’est bien pour cette raison que la parole peut être aussi chantée et nous enchanter …