Hier soir, sur C+, nous avons regardé ce film franco-italo-belge « Deux jours, une nuit » de Jean-Pierre et Luc Dardenne avec Marion Cotillard et Fabrizio Rongione.
C'est une plongée dans les dures réalités du monde d'aujourd'hui, dans ce qu'il comporte et réserve de plus âpre dans la vie de personnes lambdas aux prises avec le monde du travail et ses aléas au niveau de l'emploi et de la perte d'emploi.
Un film réaliste qui montre la fragilité des personnes, des structures sociales et des entreprises subissant les dures lois du marché et des raisons économiques.
En fait, le film repose essentiellement sur le personnage principal, Sandra qui, suite à une dépression a été mise en arrêt maladie, au terme duquel, pensant reprendre sa place dans l'entreprise de 16 salariés qui l'emploie, apprend, la veille de sa réembauche qu'un vote a été, soumis à ses collègues pour décider de sa réinsertion ou de son licenciement. Ces employés ont le choix entre un vote en faveur du ré-embauchage de Sandra ou une prime annuelle ; un dur dilemme et cas de conscience pour chaque salarié. Le résultat du vote est sans appel : une majorité tenant à sa prime ayant voté en défaveur de Sandra.
Il s'avère que la manière dont le DRH a présenté ce scrutin interne n'est pas conforme au mode objectif de la concertation, étant, par trop partisan du licenciement. Le vote est donc à renouveler dès le début de la semaine qui suit.
Au cours du week-end précédent ce nouveau tour de scrutin, ce court délai permet à Sandra, pourtant en proie au désespoir, d'aller à la rencontre de ses collègues et de leur demander de voter en sa faveur, et dans ce cas, de renoncer à la prime annuelle qui leur a été promise.
Soutenue avec beaucoup de délicatesse et d'amour par son mari, Sandra va donc au-devant de ses collègues, jusqu'en leur lieu de résidence, pour leur présenter sa situation et tenter de faire pencher leur choix en faveur de sa réembauche.
Commence alors une course contre la montre pour trouver les personnes concernées, éparpillées sur un territoire assez étendu à la fois « inter et hors city » Une galerie de personnages au profil très commun, à la mentalité « passe-partout » et au mode de réactions souvent prévisibles s'offre à notre attention. Les dialogues sont simples et surtout sonnent vrais, aucune fioriture autour d'échanges de propos qui claquent autant à nos oreilles qu'à nos consciences comme autant d'évidences comportementales quand il s'agit de son propre devenir et du besoin d'argent s'y rapportant. Les bons sentiments, le besoin de se justifier, la gène à communiquer son refus, la honte de ne pouvoir se montrer solidaire, le manque de courage pour affronter la détresse de l'autre mais aussi la compassion, la compréhension de la situation d'autrui, la comparaison de son sort face au sien, l'exaspération de devoir répondre, l'emportement face à ce qui semble être l’aumône injustifiable quand on doit recevoir la juste compensation de son engagement dans le travail face à personne s'étant manifestée par trop d'absentéisme, toute la panoplie des sentiments et des situations en découlant est présente et développée dans toute son authenticité.
L'interprétation des acteurs est à ce point aboutie que leurs jeux sont criants de vérité. On entre dans ce drame du quotidien en tant que personne véritablement concernée par le dilemme, éprouvant et manifestant les mêmes hésitations, les mêmes élans altruistes immédiatement suivis des doutes, des craintes pour son avenir personnel.
C'est à la fois du grand art cinématographique et un magnifique plaidoyer en faveur de la nécessité d'avoir et pouvoir conserver un emploi qui, au-delà d'assurer le substantiel du vivre au quotidien donne surtout un véritable sens à sa propre existence.
L'emploi c'est surtout une raison d'être et de devenir.
De tels films ont le mérite d'être autant instructif qu'artistique. Le Cinéma est là, tout à fait dans son rôle !...