Ah la terre !... La bonne terre qui colle aux sabots, celle que l'on pétrit entre ses doigts et qui vous noircit les ongles, celle que l'on brasse dans son jardin en la retournant à la bêche, en la griffant au croc, en l'émiettant à la binette, en la ratissant, et en l’ensemençant...
Oui, eh bien, brasser la terre mes bons amis, le farfadet, il aime ça...
"Humus et tumulus par Saint Petrus, ce n’est que du bonus !..."
Ah, étant gamin, je ne touchais pas trop la terre et, je l'avoue sans honte, je n’aimais pas trop ça !... alors devenu ado, c'était pire encore... c'est mon père qui jardinait et qui désespérait de me voir bouder ces joies de la petite culture en famille : tondre la pelouse, désherber les allées, biner, même récolter légumes et fruits rouges, c'était vraiment des petits travaux que je fuyais volontiers ... trop fatiguants … et j'avais tellement mieux à faire !…
Mais voilà, on change malgré soi, et un jour, à la vingtaine tout juste abordée, on se surprend à manier la pelle, la pioche, la houe et puis la bêche, penché sur la terre pour la transformer dans son apparence et jusque dans sa consistance ...
Je ne suis pas homme de la terre, cultivateur de métier, simplement jardinier occasionnel comme beaucoup d’entre nous qui avons la joie d’avoir un petit espace à cultiver ou à entretenir.
Le jardin de Mirebeau, à l’origine, c’était celui de mon père qui en prenait grand soin le fleurissant en abondance. En en héritant à sa mort, en 1988, nous étions encore en activité en Normandie et je ne pouvais en assurer l’entretien régulier, ne venant séjourner ici que trois fois par an, au moment des vacances. Le bel espace cultivé par mon père a été en grande partie transformé en pelouse, disons plutôt herbage, à tondre simplement… restait à assurer la taille des rosiers et de la vigne aux abords… Toutes ces coupes, fanes et autres résidus végétaux, je les mettais à décomposer sur un tas dans un coin du jardin dans l’angle formé par le mur de l’appentis et celui de clôture… D’année en année ce tas prenait de l’importance, voire de l’altitude…
Je me disais bien qu’un jour il me faudrait récupérer ce terreau… certes… mais je reculais toujours ce moment car le volume de terre compostée à tamiser était considérable…
Eh bien cette année je m’y suis enfin mis les amis ! A moi les plaisirs du tamis !…
Au printemps, avec mon gendre nous avons d’abord écrémé le dessus de ce tertre pour le déposer sur la partie de la pelouse (herbage) trop en pente qui sert de terrasse à mes enfants. On y a bien déversé l’équivalant de 20 brouettes de terre, soit un bon M3 que l’on a nivelé, damé, recouvert de terre tamisée, puis roulé et ensemencé pour obtenir une belle herbe verte résistante.
Ah le tas de compost avait diminué bien sûr mais il en restait encore plusieurs M3 … Voilà donc qui m’a permis de passer nombre de matinées de ces deux derniers mois d’Eté, au tamis…
Il était indispensable de tamiser ce vieux tas de compost déjà parce que les taupins, ces vilains gros vers, foisonnaient dans les basses couches bien humides mais aussi parce que nombre de cailloux et autre pierraille y abondaient ainsi que toutes sortes de détritus : bouts de plastiques, débris de verres et objets rouillés, compris des clous, tout ça devant être trié…
Comme vous pouvez le voir, sur la photo à gauche, il convient non seulement d’agiter le tamis chargé de deux peltées de terre, d’avant en arrière, au dessus de la brouette, mais aussi d’en émietter les mottes parfois humides en les pressant et en les frottant contre la grille du tamis… et là, les gants de protection sont absolument indispensables car ces amalgames provenant du tas, hébergent aussi une bonne quantité de "corps étrangers" souvent tranchants …
Ce sassage produit deux brouettes de terre pour une de déchets : cailloux de taille variable entre gravillons et pierres à maçonner, ainsi que des détritus de toutes sortes mis, au fur et à mesure, dans un sac poubelle…
Il s'agit bien d'une lutte* avec l'élément terre et ce n'est pas un vain mot* ...car, penché en avant sur l'ouvrage, les suées vous trempent le maillot !...
* "Au tas, tamis les a mis !… jus d’eau cas et quart à thé ... taille cou en dos !…"
... c'est de la bonne terre qu'il me faut !