Réédition d'un article initialement publié le 18/05/2013, 17:31
Plus que jamais d'actualité ...
* Remarques : Le mot « égoïté » n'existe pas. N'ayant pas la prétention de créer un terme nouveau, je l'ai néanmoins employé ici pour caractériser ce qui tient à la nature même de l'ego pour la différencier des penchants pouvant découler de cette nature tels que l’égocentrisme et l'égoïsme. Nous aurions ainsi cette terminologie :
- Ego : c'est la nature unique de l'être.
- Egoïté : serait le fait même de cette nature unique de l'être se manifestant de manière neutre.
- Égocentrisme : c'est la manifestation excessive de l'Ego s'étendant à son entourage pour, ramenant tout à lui, le dominer en permanence.
- Égoïsme : c'est la manifestation de l'ego qui satisfait sa propre nature au détriment des autres êtres ou ego.
- A noter que, sur le plan social, les comportements des êtres humains de notre temps sont, aujourd'hui, plus influencés par la nature égocentrique que par la nature égoïste, elle, en régression, de leur Ego.
- Cette assertion s'appuie sur le constat qu'il y a de plus en plus de dévouement et d'attention déployés dans les structures professionnelles s'intéressant à l'Humain et à tout ce qui constitue son Environnement naturel, autant que s'amplifie l'engagement de personnes bénévoles dans les associations d'entraides.
- Il en résulte néanmoins un effet pervers provoqué par les fonctions incombant aux uns et aux autres où "pros" et bénévoles, confortés par le sens des responsabilités, d'une part et la portée de leurs missions respectives, d'autre part, ensemble de compétences qui leur donnent de plus en plus d'ascendant sur autrui (personnes dont ils s'occupent mais aussi collègues) ce qui renforce insidieusement leur ego, jusqu'à l'exacerbation du "Moi".
Plus nous avançons dans le temps et plus nous progressons dans la culture du "soi-même" tellement sont en constant accroissement les sujets à confrontation d'une part et l'enseignement que nous en avons d'autre part...
Un champ gigantesque est grand ouvert à la libre expression provenant des canaux de l'hyper médiatisation... chacun peut y semer ses idées, ses avis, ses envies, ses délires.
Profusion des thèmes, fatras d'idées, amalgame des états d'âmes, débordements des avis pour ou contre dans tous les domaines touchant l'existence, la connaissance de surface prévalant celle qui approfondit… De surcroît, chacun y déverse ses opinions circonstanciées par la place qu'il occupe dans la société en n'omettant pas de préciser : de mon point de vue, point de vue qui, bien sûr, est jugé par moi comme étant le seul valable...
Et que viens-je faire là, moi... sinon y ajouter mon grain de sel !...
Communiquez !... C'est le mot d'ordre... on communique donc tous, tous ensemble et en même temps dans une cacophonie effroyable où plus personne n'écoute ce qui se dit étant assourdi par la profusion des paroles, des mots auxquels chacun donne le sens qui lui convient ...
A chacun sa vérité, à chacun ses thèses et antithèses, à chacun ses conclusions étayées par des preuves qui ne convainquent que leur émetteur, à chacun son verdict, à chacun sa foi, bonne ou mauvaise... Le monde croule sous les assauts de nos langues déliées, nos propos débridés, notre faconde exacerbée… un monde défait et refait dans l'instant par le verbe devenu à la fois créateur et destructeur...
Et paradoxe des paradoxes, tous nous aspirons à la paix, à la sérénité, au silence que l'on dit d'or quand la parole elle, est d'argent... d'argent !... Ô combien !...
Pour dédramatiser nous avons, sur les scènes des spectacles toujours plus nombreux et qui rassemblent les foules de plus en plus denses, un nombre croissant d'humoristes pour, nous imitant, nous mimant, nous caricaturant, nous renvoyer artistiquement par les voies de la dérision, l'image de ce que nous sommes à travers nos comportements... des chapelets d'évidences où nous n'avons que rarement le beau rôle, où ce qui est traduit de manière comique, nous faisant « mourir de rire », dépeint nos insuffisances, nos mesquineries, notre misérabilisme comportemental, nos gestes maladroits, nos réactions inadéquates, nos hontes, notre vulgarité, nos grossièretés... tout ceci, mis si habilement en exergue par l'artiste, qu'à tours de bras, nous applaudissons, chacun se disant : il a bien vu de quoi il retourne et c'est vrai que bien souvent j'agis et je parle comme un « connard » …
On a ri, oui, bien fort et de nous-mêmes... nous disant alors que nos conduites sont vraiment à réviser. Mais, mais, le temps passe, et nous n'avons rien changé jusqu'au prochain spectacle où le comique qui s'agite sur scène, nous renvoie la même pitoyable image de nos agissements décalés, petits, pour ne pas dire minables... et, une nouvelle fois, on rira de nous, tout en se réconfortant parce-ce que, bien sûr, ça concerne les autres aussi...
La parole donnée, la parole reprise, la parole gommée, la parole méprise, la parole sonnée, la parole qui défrise, la parole gardée, la parole soumise, la parole guindée, la parole concise, la parole sensée, la parole bêtise, la parole aimée, la parole hantise devient océan de mots, mers de sons, qu'agitent les ouragans des pensées images qui assaillent nos têtes pensantes... la parole en langues de feu, submerge la multitude des esprits de notre temps et se répand à la surface du monde en l'engluant dans la pensée unique que chacun fait sienne à sa manière...
L'intelligence humaine est-elle à son apogée ?... De génération en génération, les performances mentales augmentent sans cesse et, avec, la précocité intellectuelle permet aux plus jeunes d’assimiler, de plus en plus tôt, et de plus en plus vite, les rudiments de la connaissance scolaire et aussi d’intégrer avec de plus en plus de facilité, les pratiques liées aux technologies de pointe qui foisonnent dans notre quotidien. Concentration du savoir, maitrise des techniques les plus récentes, rendent performantes les générations montantes lesquelles, de plus en plus sûres d’elles, ne doutent jamais d’atteindre les sommets de la réussite… Le malheur, c’est qu’étant nombreux à se représenter cela, chacun oublie qu’il n’est pas le seul. La compétition commence dès les premiers pas faits dans l’existence, la course élitiste commence tôt et de là, le meilleur est prêt à engendrer le pire… Éducation, instruction, loisirs, sports, sont autant de domaines qui tirent vers le haut, de plus en plus élevé, faisant appel à la nature profonde de l’ego, de ce « moi-je » tout puissant qui n’aspire nullement à être dominé mais au contraire, veut en tout, dominer, et à ce stade du sublime, être unique…
Caspar david Friedrich (1774-1840), “Le voyageur contemplant une mer de nuages”, 1818
En soi, cette culture faisant appel à la nature volontaire des êtres humains en devenir n’est nullement condamnable et même recommandée pour stimuler, encourager l’être en construction. Exiger toujours plus d’un élève, fait partie des fondamentaux pédagogiques. Seulement, il y faut de la mesure et faire s’harmoniser « contenant » et contenu. Il y a des rythmes à observer, rythmes de vie, de croissance, des paliers à franchir et aussi, une manière saine d’appréhender les échecs qui font partie d’une véritable progression. Laisser le temps au temps, ça, aujourd’hui, on sait de moins en moins bien le faire… Attirer l’attention sur l’environnement qui est en constante transformation et sur les lois profondes qui régissent les métamorphoses du vivant, l’humain doit s’y refléter, y trouver humilité et grandeur à la fois. Dans cette construction de la personne humaine, L’Art prend toute cette place jusque dans la façon d’éduquer où il convient essentiellement de faire se retrouver et s’unir Nature de l’Ego et Univers … Permettre à L’humain en « gestation » de se sentir Citoyen du Monde pour qu’il découvre, en retour, que ce Monde, par ses lois universelles, est aussi contenu en lui… Une Sagesse qui ouvre les voies vers l’Amour véritable, désacralisant « Moi et le monde » pour y sacrer « le Monde et Moi »...