Si la parole nous accorde de pouvoir prononcer et faire résonner des mots, ceux-ci seraient creux, vides de sens et vains quant à leur portée, sans le concept dont chacun est porteur. La phrase constituée d’un ensemble de mots est, elle, porteuse, d’une idée… concepts et idées, sont les outils de base pour que le « penser » vive en nous …
Les concepts en tant qu’abstractions appartiennent à l’aspect conventionnel du langage, les idées, ensemble de concepts, exposent le rapport existant entre l’abstraction et la réalité qu’elle traduit… Les concepts en tant que tels, sont émanations du «penser»
Qu’est-ce donc Penser ?
Si le langage est le vecteur de la faculté pensante, l’activité « penser» se fait comme résonance interne, de manière silencieuse en chacun de nous … Bien sûr, on dit aussi "penser tout haut" … Dans ce cas, en parlant, nous exprimons, simplement tout haut, des idées, voire des pensées …
Nous pensons, quand cette activité provoquée par nous, vient à superposer des images conceptuelles sur les images visuelles enregistrées par notre cerveau, là où nous nous trouvons, images visuelles que, de ce fait, elles estompent… Nous nous situons, ici, dans le domaine des représentations (pensées images)
Nous devenons caisse de résonance pour les pensées que nous «provoquons ». A cet instant, cela pense en nous …
Nous sommes donc un réceptacle à pensées…
Seulement les pensées revêtent un aspect fugace, et sont éphémères … une pensée en entraîne toujours d’autres … Elles constituent comme une énorme nuée à la mouvance constante dans laquelle il faut pouvoir capter la ou les pensées en rapport avec le sujet de notre réflexion.
Et nous voici en présence d’un autre terme bien évocateur, la réflexion qui par extension, donne : "réfléchir". Comme le miroir produit l’image reflet de ce qui lui fait face, le cerveau opère de même en reflétant les pensées ambiantes permettant qu’elles émergent jusqu’à notre conscience qui se les approprie en fonction des circonstances liées au contenu de l’activité pensante.
Pour bien comprendre ce processus du «penser», il nous faut, ici, faire la séparation entre le contenant et son contenu, autrement dit entre le cerveau et les pensées elles-mêmes. Il serait aussi saugrenu de concevoir que c’est le cerveau qui produit les pensées que de croire que c’est le pot de lait qui a produit le breuvage nourricier qu’il contient …
Les pensées ont une vie propre et absolument indépendante de notre système neurosensoriel et de son siège principal, le cerveau humain. Ce dernier est bien conçu pour capter, voire héberger les pensées, mais n’en est aucunement l’auteur et encore mois le propriétaire. Elles sont seulement à disposition de l’être pensant que nous sommes en tant qu’humain.
Voilà une notion qui devrait nous rendre plus humble avec les productions de notre intelligence dont les sources, nous dépassent grandement.
Les avancées de la science sur les études portant sur le cerveau humain ont mis en évidence l’importance des zones encéphaliques en lien avec les facultés diversifiées de l’activité cérébrale. Telle zone, suivant le principe des hémisphères croisés, est le siège de l’activité motrice, telle autre, celle du langage conceptuel, ou bien, une autre encore, celle des phonémes, de la mémoire, etc.
Le "penser" est une activité volontaire qui exige que l’on se mette dans l'état d'esprit du penseur, pour sélectionner puis orienter la conduite des pensées qui nous « effleurent » Il y a une véritable discipline à suivre et une méthodologie à développer pour penser de façon juste et saine. Quand nous sommes dans cette disposition, on se rend compte que "penser" nous dévitalise à la vitesse grand « V » L’activité cérébrale puise une grande énergie vitale dans tout notre organisme. Le pôle Tête, en activité intense est comme en surchauffe alors que le reste de notre organisme se refroidit de plus en plus … Il y a une grande polarité entre l’activité pensante et la vitalité du corps. Pensées et Vie entrent en dualité lorsque nous réfléchissons intensément …
Ce que nous ignorons, c’est que les pensées sont en quelque sorte des entités fortement actives et, qu’au départ de l’existence, elles sont mobilisées dans l’édification de leur propre instrument : l’organisme corporel physique de l’homme, construit à partir du cerveau … Des pensées sont réellement engagées dans ces processus vitaux et, manifestes, dans les forces de croissance agissantes chez l’enfant. C’est un souci dont les pédagogues doivent consciencieusement se préoccuper … Car, une fois dégagées de ce « service » ces mêmes pensées seront à disposition de l’intellect pour appréhender lois et connaissances, appropriés à notre monde, au cours de l’apprentissage scolaire, et, ultérieurement, universitaire …
Nous devons donc distinguer ces pensées vivantes, agissant dans la construction organique et ces pensées reflets captées par le cerveau qui, en quelque sorte, les «tuent» en les fixant dans nos raisonnements intellectuels. A travers l'activté pensante courante, nous n'élaborons que pensées "mortes" ...
Pour l'observateur attentif, le Monde autour de nous, n’est que «penser» Qu’est-ce donc qui est à l’œuvre dans la ruche des abeilles à l’extrême et rigoureuse organisation ? Qu’est-ce qui fait que la graine deviendra racine, tige et épis doré, si ce n’est cette activité du «penser» ?
J’en évoque ici la théorie de la connaissance selon Goethe dont les écrits scientifiques, d’une grande profondeur, permettent à ceux qui s'en inspirent, d’accéder à cette réalité de la "pensée vivante" et agissante …
Cette conception Goethéenne du monde nous permet de découvrir cette forme vivante de la pensée à l’œuvre dans tous les composants de la Nature tout autour de nous …
Penser le «penser» devrait être la préoccupation première de l’épistémologie… en effet, une science s'intéressant à la Connaissance devrait, en premier lieu, étudier l'agent primordial de cette Cconnaissance qu'est le "Penser". Ainsi, s’observer en cours d’activité de la pensée, c’est déjà faire un pas décisif vers cette compréhension goethéenne du monde…
En demeure une autre vérité … si les paroles négatives proférées peuvent avoir des conséquences désastreuses, les pensées négatives, elles, sont bien plus dévastatrices encore car elles, ne se répercutent pas en résonances malfaisantes mais se dispersent insidieusement en actions malfaisantes. A l’inverse, toutes pensées positives émises, stimulent et font fructifier l'activité sociale au sein des groupes humains où elles se répandent.
Dès lors, nous constatons combien les pensées sont agissantes partout autour de nous. Penser, cette faculté propre aux êtres humains, nous met en rapport direct avec notre monde et tous les êtres qui y évoluent mais aussi avec la réalité de ces pensées, véritables entités.
Voilà, un pont est jeté entre le visible et l’invisible : Penser est manifestement faire preuve de Présence d’Esprit …