Maison dite de Jean René - Maison Rue Hoche - Classe de CM2 : au premier rang à genoux extrème gauche - Classe 6ème au premier rang le troisième en partant de la droite.
Nous arrivons à Mirebeau au cœur de l’Été 1955. Les premiers mois nous habitons dans quelques pièces louées d’une grande maison dite de Jean René en haut du quartier de la Madeleine… Ce n’est pas le grand confort mais pour une période transitoire qui va durer trois mois, nous nous en contentons bien…
Mes premiers camarades je les rencontre donc dans ce quartier traversé par le Boulevard Voltaire où à cette époque la circulation était loin d’être aussi importante qu’aujourd’hui … Pour moi ce furent des vacances bien animées… pour mes parents certainement plus de soucis avec deux déménagements consécutifs, auxquels s’ajoute, pour mon père, celui d’une extension de sa clientèle en direction des Deux Sèvres et pour ma mère une énième adaptation pour se lier à une nouvelle vie locale…
Fin Octobre de cette année là nous intégrons une grande maison avec cour et jardin, louée rue Hoche, maison, que ma famille occupera une douzaine d’années …
Parmi nos nouveaux voisins, mon père retrouve une ancienne connaissance, un ami d’enfance, c’est G.D le boucher dont la boutique borde la place de la république… Mes parents auront aussi quelques nouvelles fréquentations parmi nos voisins mais, pour la plupart, elles tourneront court…
A la rentrée scolaire 1955/56, j’intègre l’école publique de Mirebeau… On doit me prendre pour un « retardé » car on me met en cours de CM1, alors que j’aurai du rentrer en 6ième … Le problème, c’est qu’à cette époque il fallait passer un examen pour rentrer en 6ième et ça mes parents n’en étaient pas informés… de là me redescendre dans une classe inférieure alors que j’avais fait un bon parcours en CM2 à Marigny Brizay, là, il y avait vraiment erreur… Le jeune instituteur s’en est heureusement vite aperçu et, la semaine suivante, on m’a introduit dans la classe de CM2 et fin d’étude de M. C. Je sais qu’il y eut une explication assez vive entre ma mère et M. G. directeur de l’époque… Voilà qui commençait mal l’année, d’autant que moi le nouveau, le « Parisien de Bordeaux », j’ai eu aussi à subir quelques brimades de mes nouveaux camarades de classe… Je me souviens de certains règlements de compte à la sortie de l’école, ponctués de quelques bons coups de poings et même de coups de pieds échangés avec les plus teigneux de ces drôles… Ma mère se désolait de me voir rentrer à la maison avec plaies et bosses, débraillé et, parfois, avec des vêtements déchirés par les tiraillements et les valdingues fait à terre… Il m’a fallut l’année pour me faire accepter et m’entourer de quelques nouveaux copains… A la fin de cette année scolaire qui fut aussi l’année de la communion, j’ai passé l’examen d’entrée en 6ième. Les résultats obtenus, m’ont valu d’être classé premier du canton… Voilà qui redorait ma réputation face à certains qui me prenaient pour débile…
A la rentrée scolaire 1956-1957 je rentre donc au C.C. (Cours complémentaire) en 6ième . Néanmoins j’avais pris une année de retard… Comme mes parents ne sont pas satisfaits des résultat obtenus, le dernier trimestre, je l’effectue au C.C. de Neuville et suis mis en pension la semaine chez Mme R, la mère d’un prof de français du C.C. de Mirebeau lequel avait conseillé cette formule à mes parents… Mes résultats scolaires n’étant toujours pas à la hauteur des espoirs escomptés par mes parents, dès la rentrée d’Octobre 1957, je suis mis en pension au collège Saint-Louis de Saumur, institution catholique tenue par des frères, dont la discipline et la rigueur des cours auraient pour effet de bien me cadrer… En fait, je vais passer là trois années qui ne seront pas les plus roses de mon adolescence …
Avec ma Mère au restaurant "Le Gambetta" à Saumur - Au bord de la vienne - En camping avec le fourgon H.
Effectivement, le problème est bien là, je suis devenu un ado mais un ado encore imprégné par les rêveries de l’enfance qui font que sur le plan maturité j’ai pris quelque retard et mes parents pensent que la vie d’internat en milieu strict, devrait me faire prendre conscience de certaines réalités de la vie …
Il est vrai que ma mère, par ailleurs exigeante au niveau de mon travail scolaire, l’est pour ainsi dire aucunement en ce qui concerne les réponses à donner à mes attentes… Trop fusionnelle avec moi, c’est bien souvent qu’elle cède à mes caprices, disant d’abord non, mais se ravisant lorsque j’insiste. Mon père ne voit pas toujours cela d’un bon œil et il est arrivé que mes parents se disputent à cause de moi …
La coupure se fera bien mais je sens bien que ma mère souffre de cette séparation et ce n’est pas mes multiples frasques à Saint Louis me valant d’être souvent privé de sortie le dimanche qui sècheront ses larmes… Si à cause de ma conduite, je suis souvent puni, mes résultats scolaires sont corrects et me permettent de suivre normalement le cursus du premier cycle de l’enseignement secondaire …
Aux vacances je réintègre donc la vie de famille, elle, se partageant entre moments de bonne humeur et de Loisirs.
Mes parents adorent jouer aux cartes et particulièrement à la belote, celle à la « tout-atout ». Avant que d’apprendre les subtilités de ce jeu, j’ai assisté, lors de ces fins de dimanche après-midi, à l’heure de l’apéro pris à la maison, à des parties de cartes mémorables entre mon père et ma mère… Vous dirai-je d'emblée que ma mère était très mauvaise joueuse ?... Pas tricheuse, non ! Mais très mauvaise perdante … Nous avions une boîte de jeu avec des jetons de couleur en bakélite. Combien de fois son contenu a volé dans la cuisine sous les accès de rage de ma mère que mon père venait de mettre « capot » en ramassant tous les plis, ou suite à une série d’annonces complétées de l’incontournable "belote et re" !... qui faisait hurler ma pauvre maman… En plus, si vous connaissez les règles du « tout-atout » ne jouant qu’à deux, il y avait le talon où, bien sûr, restaient « mortes » des cartes qui auraient pu être stratégiques dans le jeu de ma mère … Ah oui, c’était très animé les parties de belotes à la maison, entre les parents !...
En dehors de toutes les tâches liées aux nécessités du foyer, préparation des repas, ménage, lavage, comptabilité, courrier d’affaire, ma mère se plongeait volontiers dans la lecture. Elle affectionnait tous les genres, des grands classiques aux romans policiers d’Agatha Christie ou de Georges Simenon, en passant par les traditionnels lauréats des prix Goncourt, Femina ou Renaudot… Les bibliothèques et divers bibus occupant nos pièces abondaient de bouquins… Ma mère était bien femme de lettres et écrivait avec talent, sachant jouer avec les nuances autant par le choix des mots que par la tournure de ses phrases. Tout le courrier administratif, elle le traitait également avec rigueur et efficacité sachant adopter la formulation adéquate … Combien de fois ne m’a-telle pas dit : « Patrice ton français et ton orthographe n’en seront meilleurs que si tu lis et surtout, lis bien attentivement ! »…
Il faut dire qu’à cette époque, la lecture et l’écriture si je ne les excluais pas totalement, ça ne constituait pas ma tasse de thé, je préférais jouer avec mon « Meccano », inventant d’invraisemblables machines ou bien enfourcher ma bicyclette pour aller retrouver les copains… Toutefois aujourd’hui, encore, j’ai, résonnant à mes oreilles, les recommandations avisées de ma mère…
Elle mettait beaucoup d’amour propre à la tenue de ses affaires autant que des nôtres ne tolérant pas le style négligé. Toujours bien propre, bien mise sur elle, ma mère était même coquette se tenant à la mode mais sans extravagances… Coiffée, maquillée juste et sans excès, elle avait soin de son image … Son seul défaut fut de fumer ce qu’elle fit jusqu’à l’âge de 48 ans. Mon père fut le premier à arrêter, ma mère le suivit une année plus tard. Effectivement, quelques mois après notre arrivée Rue Hoche elle cessa définitivement de fumer … Hélas, ce fut moi qui ai pris le relai, quatre ans plus tard… ( J’ai fumé de l’âge de 16 ans jusqu’à l’âge de 32 ans … ça fait donc 42 ans que j’ai cessé )
Avec le temps, ma mère était devenue de plus en plus casanière et ne sortait que très peu dans la localité, même pour faire ses courses, c’était mon père ou moi qui faisions les commissions pratiquement au quotidien…Une fois à deux fois par mois, mes parents allaient faire quelques emplettes à Poitiers, ma mère en profitait pour aller au salon de coiffure, puis pour fureter dans les grands magasins de l’époque, au "Printemps" ou aux "Dames de France".
Petit à petit mon père augmenta sa clientèle en campagne et l’ordinaire de notre train de vie s’en ressentit sensiblement. Ce fut d’abord sur le poste de l’équipement en électro-manager que l’amélioration se porta. Le réfrigérateur vint remplacer le garde-manger de la cave, la machine à laver avec essorage à rouleaux envoya aux oubliettes la lessiveuse et son trepax , puis en 59 , la première télé "Grammont" en noir et blanc, un poste énorme et super lourd nous permit d’admirer « La piste aux étoiles » de suivre « Les 5 dernières minutes » du commissaire Bourrel alors interprété par le chansonnier Raymond Souplex, le tournoi des 5 Nations, les samedi après-midi et surtout la cérémonie des jeux Olympiques de Rome en 1960…
Complétant ces éléments d’un confort plus moderne, mon père, pour faire ses tournées, avait remplacé sa vieille Mathis de 1933 par une 2CV Citroën de 1954, oui, la vraie "Deuche", celle appartenant aux premières moutures avec le moteurs de 375 cm3 vous garantissant une phénoménale vitesse de pointe de 60 kms/h dans les descentes avec le vent en poupe... Ayant revendu la Panhard Dynamic de 1938, il acheta, d’occase, un fourgon Citroën type H à nez de cochon qu’il repeint puis équipa en camping car. Dès l’Été 1957, mes parents purent s’octroyer deux à trois semaines de vacances loin de la maison. Bien sûr, j’étais de la partie …