Dans la famille, le camping et le caravaning sont activités pratiquées de longue date.
Dans les années 30, mon père, VRP vivait en permanence sur la route et plutôt que d'aller en chambre d'hôtel au cours de ses déplacements, s'étant doté d'une caravane il couchait un jour là, le lendemain ailleurs, fixant son campement tantôt sur les places publiques des bourgs et villes, tantôt en quelques bords d'eau étant pêcheur impénitent et grand amoureux de la nature.
Son équipage à l'époque, était constitué d'un splendide cabriolet Vivasetella Renault de 1931 et d'une massive caravane Notin.
Joyeuse vie de bohème en toute liberté, mon père ayant associé travail et loisirs, sillonnait ainsi le territoire aux paysages si variés de notre douce France. Repousser quotidiennement les horizons sur des panoramas sans cesse changeant des lieux et d'une existence cadencée par les nécessités de son job et les aléas de ses aspirations bucoliques, telle fut sa vocation pétrie d'indépendance.
La caravane Notin du père - document publicitaire d'époque - au premier plan la Renault Vivastella du père : Type PG-3 Vivastella 16 CV – 3.180 cm3 – 6 cylindres Version luxueuse de la Vivasix Radiateur en position AV du moteur. Calandre à volets mobiles – Pas d’ouïes latérales sur le capot – – Jantes chromées – Pare-chocs à double lames Type de moteur (Type 319) : 6 cylindres en ligne Cylindrée: 3.180 cm³, Alésage, course : 75 x 120 mm Puissance fiscale 16 CV Longueur 4,50 m. Largeur 1,70 m, Empattement 3,11 m Poids 1.830 kg Vitesse 110 km/h
Je ne sais exactement combien d'années il adopta ce mode d'existence le poussant sur les routes ; cela dû bien se perpétrer jusqu'à sa mobilisation en 1939. J'ai souvenir de certaines anecdotes qu'il nous contait avec délice aux petits déjeuners dominicaux quelques vingts années plus tard. IL avait une chienne, Bobbie, un de ses petits corniauds noirauds à la vivacité extraordinaire qui le suivait partout dans ses périples et qui lui occasionna nombre de déconvenues, comme cette fois, où l'ayant laissé dans la caravane un après-midi entier, rentrant le soir et ouvrant la porte de sa cambuse sur roues, c'est une nuée opaque de plumes qui se souleva sous l'appel d'air, en même temps qu'une chienne sortant de ce confinement, comme un boulet de canon qui l'accueillirent. La Bobbie avait éventré la couette édredon du lit. La chienne prudente et consciente d'avoir fait des ravages, était restée plusieurs heures à distance, se gardant bien d'approcher son maître redoutant quelques réprimandes bien senties. Quant aux plumes, mon père a mis plusieurs jours pour en débarrasser sa caravane. Les tours que lui a joués cette chienne sont innombrables... et les récits qu'il en faisait, ô combien savoureux !
Dans cette vie de rencontres faites à la croisée des chemins, je retiens ce fait truculent qu'il nous a rapporté avec force mimiques, d'un caravanier aventureux comme lui, mais sans doute aux ressources plus modestes et qui s'était construit lui-même sa caravane. Avait-il mal pris les mesures ? Toujours est-il que son compartiment lit était doté d'un appendice amovible, sorte de boite rapportée à la caisse de sa roulotte pour y loger ses pieds, le lit étant trop court... et donc, pour qui le savait, tandis que ce brave pionnier caravanier dormait paisiblement, pouvait malicieusement soulever cette caisse et lui chatouiller les pieds de l'extérieur … Inouïe !...
Mon père était encore uni par les liens du mariage à sa première femme quand il a connu ma mère, sans doute au retour de son temps de mobilisation à la fin de l'année 40. A cette époque il était domicilié à Limoges. Ma mère, c'est à Paris qu'il dut la rencontrer quelques mois plus tard. De sa première épouse il a reconnu une fille qui avait été placée à l'assistance publique, Odette ma demi sœur. Sur les photos de campement ci-dessus, on l'aperçoit avec ma mère et mon père ; des clichés qui ont sans doute été pris au cours de l’Été 1941.
Camping-car de fortune à partir d'un fourgon Citroën type H dit "Le Tub" - sous le hauvent avec Bibi ler chat et Poppie la chienne - dans la cour à Mirebeau, la tente des petites randonnées.
Les années passent, nous voici en 1958 à Bourgenay en Vendée. Cette fois ce sont les vacances uniquement qui occasionnent la vie de campeurs, ici, partagée avec mes parents. Ce fourgon Citroën H acheté d'occasion que mon père a repeint en blanc puis lui même aménagé en camping-car sommaire constitua en son temps un formidable moyen d'évasion... et que je te bricole un lit rabattable et que je te fixe des placards hauts et bas et que j'y associe un auvent refermable voilà un véhicule de loisir des premiers temps qui ne revient pas trop cher… Avec, nous allions, les week-end du printemps, à la pêche sur les bords du Thouet et l’Été au bord de la mer. Moi je dormais sous le auvent sur un lit de camp Lafuma bien engoncé dans mon duvet. Au lever du jour, le chat Bibi qui avait chassé toute la nuit la musaraigne, me rejoignait sous la couette en ronronnant de plaisir et de satisfaction ayant déposé autour de notre campement une douzaine de cadavres de ces petites souris des prés… Sous la toile, j'adorais entendre le bruissement de feuillages dans l'air matinal et même le clapotis de la pluie après l'orage. Ambiance camping qui m'inspira puisque vous constaterez, sur la vue de droite, que j'avais aussi ma guitoune plantée dans la jardin de notre demeure, rue Hoche à Mirebeau.
La caravne Tesserault quelque part entre Angers et Rennes - en station sur un terrain prêté à La Trinité sur Mer - Ecorché technique montrant l'équipement et l'aménagent de la caravane du même type - Le campement à la Trinité sur Mer en 1962. La tractrice est, cette fois, une Mercedes 180D
En 1959 mon père avait trouvé d’occase, une Mercedes 170D pour remplacer notre vénérable 2CV … Ainsi, nous possédions déjà la tractrice idéale …
Mes parents se décidèrent au début de l’année 1961 : l’été suivant, ils projetaient bien de partir en vacances en caravane …
Ils parcoururent d’abord les annonces de l’occasion, puis s’intéressèrent à plusieurs marques standards, épluchèrent des prospectus, visitèrent des concessionnaires pour finalement se rabattre sur le constructeur local ayant la réputation de produire des caravanes de bonne facture, moderne, et à la qualité de finition irréprochable …
Rendez-vous fut pris au domicile de l’entreprise Tesserault route de Gençais à la sortie sud de Poitiers … Ce sont les patrons eux-mêmes qui les reçurent, leur firent visiter leurs ateliers de fabrication et leur présentèrent leurs modèles…
Mis en confiance, mes parents firent leur choix pour une « remorque de camping type A2 » Le bon de commande signé, il fallait compter environ trois mois pour « toucher » le véhicule … Cette procédure, offrait l’avantage de pouvoir choisir la disposition du mobilier et surtout les tissus (motifs et coloris) harmonisant la décoration intérieure de la caravane : rideaux, et housses de coussins…
Le 3 Juin mes parents allèrent chercher leur caravane. La semaine d’avant mon père avait conduit sa voiture pour y faire monter le système d’attelage adéquat. Le 8 juin, ils réceptionnaient les documents de conformité de la caravane permettant d’établir la carte grise … Immatriculation faite, mes parents pouvaient préparer notre première escapade estivale …
Juillet 1961. En fin d’après-midi nous arrivions à Saint Brieuc (Côte d'Armor) … C’est sur une grande place, en périphérie de ville, que nous nous arrêtions pour passer la soirée et la nuit …
Ce fut ma première nuit passé dans la dînette transformable en couchage et située côté timon. Mes parents ont rabattu le grand lit encastré dans la partie central de la caravane.
6 H du matin… quelques coups vigoureux sur la porte coté cuisine, ponctuent un retentissant : « Holà vous autres, là dedans, faudrait se remuer ! … ça fait un moment qu’on vous attend !… » Réveillés en sursaut, c’est mon père qui va ouvrir à l’importun. Il tombe nez à nez avec un ouvrier en bleu de travail …
- C’est pourquoi ? demande mon père...
- Ben, faut y aller… le chantier reprend ce matin …
- Hein !
- Bah oui, vous allez nous retarder …
- Vous retarder ?
- Ben, vous n’êtes pas le gars du rouleau …
- Du rouleau ???
- Ben oui, l’engin pour damer la chaussée …
- Ah non monsieur, je ne conduis pas de rouleau, vous voyez, je suis seulement de passage, et je n’ai rien à voir avec un quelconque chantier…
- Oups !… Pardon alors, j’avais cru que vous étiez la personne responsable du rouleau…
- Mille regrets, mais il faut vous adresser ailleurs …
- Au revoir. désolé pour le dérangement …
- Pas de quoi !…
C’est ainsi que nous fûmes réveillés ce matin là, aux aurores … Effectivement, plus loin sur cette place, il y avait, parqués là, des gros engins de chantier …et les employés avaient dû nous prendre pour les manutentionnaires … Voilà ce que l’on risquait en s’arrêtant ainsi sur certaines places publiques. Mais à l’époque, cela était encore possible, si toutefois, on ne faisait pas un séjour prolongé car il y avait encore peu de terrains de camping aménagés dans chaque ville ou cité du littoral.
Deux tentes familiales jointes par leurs auvents respectifs au camping municipal de Vic / Cère en Août 1985. Sacrée ambiance de campeurs aimant la ve au grand air. 19 années auparavant, notre campement quelque peu bordélique dans la forêt landaise et,15 ans plus tôt, en 1970, le voyage en Grèce : notre campement sous les paillotes à Delphes.
Changement de génération, 24 ans plus tard, en 1985, à notre tour, nous nous adonnons aux joies du camping à vivre en famille. D'abord sous toile... cette année là, nous étions allés avec des amis à Viic:Cère dans le Cantal. C'est la fin le camping « sauvage » où l'on choisit de se poser selon sa fantaisie à l’endroit qui plait dans un coin de verdure, en bord de rivière ou de chemin, ou parfois dans un lieu privé avec l'accord de propriétaires riverains vous prêtant ou vous louant pour une somme modique un bout de terrain permettant alors de vivre libre en plein air quelques jours ou semaines. A nous, ne s'offre plus que la solution du terrain de camping aménagé municipal ou privé. Bien sûr nous ne sommes plus les seuls à profiter de ces lieux le plus souvent fort accueillants, mais les aménagements sont tellement plus confortables, vous mettant l'électricité à disposition sur chaque emplacement ainsi que des sanitaires collectifs sous abri, bien plus pratiques et hygiéniques pour faire ses ablutions, sa vaisselle et ses petites lessives. Nous passions là un formidable mois d’Août faisant moult excursions nous permettant de découvrir des sites merveilleux et tout ce qui tient au riche patrimoine de l'Auvergne.
Il convient de mentionner qu'entre ces deux périodes des escapades estivales en famille de nos générations respectives : celle de mes parents et celle de notre couple Annie moi avec nos deux filles, il y eut, en 1966 cette escapade, entre copains de bahut à Mimizan dans les Landes un périple plutôt rocambolesque
Puis, en 1970 le voyage en Grèce où entre collègues éducateurs et éducatrices, nous avions campé durant tout le mois d'Août sous tentes.
La caravane Eriba tractée par la 305 SR Break à la sortie du péage de Saint Jean D'angely sur l'A10 en Eté 1986. - Cloé la bassette et notre fille aînée ici, à Mirebeau, en 1989...
L'année suivante, en 1986, ça nous a pris d'un seul coup, au mois de juin... à la base de nos motivations, nous avions sans doute, le souvenir des premières nuits passées sous tente en Auvergne avec des températures n’excédant pas 8°, au lever du jour... voilà qui demandait du courage pour sortir de nos duvets... Alors visitant l'exposition du concessionnaire Eriba à Neuf-marché (Seine Maritime), sis à 25 kilomètres de notre domicile et lieu d'activité de l'époque, nous nous plantons soudain devant un modèle fabriqué l'année précédente et qui n'ayant fait que les expositions, est mis en vente à prix cassé. La caravane, un modèle « Triton » à l'habitacle long de 3,9 m sur 1,9 de large nous tente* bien... L'avantage des caravanes Eriba tient au fait d'être profilée et plus basse avec leurs toit amovible, relevable dès que vous êtes en stationnement. Plus légères et plus aérodynamiques que nombre de leurs rivales, elles sont bien plus agréables à tracter et surtout favorisent une économie conséquente en carburant de la tractrice. Bingo ! Nous l'achetions, si bien qu'en Juillet de cette année là, effectuant un parcours de 1100 km, en deux jours, nous sommes allés nous installer, tout le mois au camping municipal de Millas dans les Pyrénées Orientales. Une magnifique région que mon épouse connaissait déjà, notre beau-frère étant Catalan. Dans cette région enchanteresse, nous avons fait de nombreuses excursions avec à chaque retour sur le terrain de camping, l'assurance de conviviales et réjouissantes soirées, étant entourés de voisins charmants et joyeux drilles.
En 1987 nous avions passé une quinzaine de jours à Beg-Meil dans le Finistère Sud puis, la semaine suivante, à partir du camping municipal de Blois, nous faisions le tour des châteaux de la Loire environnant. Des sorties découvertes qui ont enchanté nos deux filles.
C'est en 1991 que nous avons utilisé pour la dernière fois la caravane allant à la Tranche-sur-mer en Vendée. Nous avions passé là d'agréables journées, marquées à leur début par ce souvenir de notre jeune chienne Cloé - basset artésien normand - qui découvrit l'océan. La pauvre, je la vois encore hallucinée par cette vision gigantesque de la plage et de cet horizon si lointain au-delà des flots, la tête penchée, les oreilles pendantes, le regard morne, quasi prostrée se demandant : mais où m'ont-ils donc emmené ? Quelques jours plus tard, elle ne se faisait plus tirer par la laisse pour aller jouer et courir comme une folle sur le sable...