Réédition d'un article initialement publié : 30/08/2016 à 12:13
Pour les puristes amoureux du roman courtois et honorifique des XIe et XIIe siècles, ce genre de publication comme la série télévisée "Kaamelott" peuvent paraître de méprisables insanités, qui traînent dans un flot de boue les personnages valeureux s'étant investi dans la Quête du Graal, faisant aussi partie de cette élite désignée comme Chevaliers de la Table Ronde.
Sacrilège ! On ne respecte rien et surtout pas ce qui se rattache à une quête louable chevaleresque et chrétienne. Comment oser écrire et réaliser des séquences filmés, tournant en ridicule les personnages émérites par leur vaillance et leur auguste légende ?
Sans chercher à me soustraire aux respectables et judicieuses critiques, je réponds à ceux et celles qui s'offusquent de telles indignes créations, reprenez le livre de Chrétien de Troyes : « Perceval et le Conte du Graal ». En le parcourant, qu'apprenez-vous des personnages principaux que l'on retrouve également dans ces parodies irrespectueuses ?
Commençons par le héros, Perceval. C'est bien un parfait innocent, un naïf quasi niais qui ne connaît rien à la vie et aux usages de son temps... Sa mère Herzeloïde a tout fait pour le protéger des influences guerrières portées par la chevalerie. Un jour il vient à rencontrer des chevaliers qu'il trouve « beaux comme des anges »... à partir de cet instant, il n'aura d'autre envie que celle de devenir chevalier. Au grand dam de sa mère, il quitte ce nid douillet de l'enfance en la « Gaste forêt », pour quérir des armes et devenir chevalier. Toutes les péripéties qui émaillent son parcours jusqu'à son arrivée au château du roi Arthur ne sont que maladresses et bévues inspirées par les recommandations de sa mère qu'il applique bêtement à la lettre. Il peut ainsi, le plus innocemment du monde, commettre l'irréparable. Perceval est un grand sot, un niais bienheureux et c'est dans cet « accoutrement » du nigaud obstiné, qu'il se présente en la cour d'Arthur.
Il exige d'être, sur le champ, fait chevalier...
Keu, le sénéchal cynique et caustique l'invite, en ironisant, à aller quérir ses armes en affrontant le chevalier Vermeil lequel, vient de substituer la coupe du roi après en avoir versé le contenu sur la robe de la reine et qui, au bas de la tour, attend un héros pour venger cette offense.
Perceval ne se le fait pas dire deux fois et descend aussitôt pour provoquer Vermeil en combat. D'abord amusé le félon veut lui éviter ce duel mais Perceval humilié, s'emporte et tue le chevalier Vermeil...
C'est à la suite de cet événement que j’enchaîne avec Perc(H)eval... lequel est bien nanti de toute cette ahurissante bêtise et, celle-ci, ne saurait constituer meilleur équipage... Perceval le Gallois est devenu Perc(H)eval le Gave Roi...
S'agissant du roi Arthur
Dans l’œuvre de Chrétien de Troyes, il est déjà un roi débonnaire, rêveur, idéaliste et surtout humaniste, contrairement à son sénéchal (frère de lait) qui est arrogant, moqueur, intolérant et emporté, mais aussi un personnage à la vive intelligence ayant un sens aigu des opportunités.
Quand Perceval arrive à cheval à la cour d'Arthur, à Carduel, vêtu de ses frusques de valet Gallois, il ne sait qui est le roi, c'est Yvonnet qui, aimablement, lui indique. Arthur est songeur, comme absent au moment ou Perceval vient le saluer. Trop pris par ses pensées, le roi ne fait pas attention à lui. C'est en faisant maladroitement tomber son chapeau que le jeune valet le sort de sa rêverie et de ses tourments. Le roi le salue à son tour et lui conte dans le détail les raisons de sa contrariété, ce dont le jeune valet n'a cure, demandant au roi les armures du chevalier Vermeil puis de le faire aussitôt chevalier. Arthur lui explique très patiemment qu'il faut un peu de temps pour cela mais lui promet de l'adouber s'il reste quelques jours en sa cour. Perceval ne veut pas patienter et tel l'enfant capricieux, veut immédiatement prendre possession des armes et de l'armure du chevalier Vermeil.
C'est alors que Keu agacé, l'invite à les quérir lui-même ne manquant pas de lui dire qu'il a assez perdu de temps en venant jusqu'en la cour du roi.
Ainsi avec le Perc(H)val, nous ne sommes pas loin du récit initial, par le côté burlesque alors amplifié de certains aspects humoristiques du conte écrit par Chrétien de Troyes.
Dans ce roman courtois, suit un passage très intéressant tenant à cette anecdote : Perceval qui n'écoute pas les explications d'Arthur, à un moment, va au-devant d'une pucelle qui rit en l'apercevant puis dit aussi au jeune valet qu'il est destiné à en être le plus grand et le plus noble de tous les chevaliers. Cela irrite Keu qui n'a que mépris pour ce jeune étourdi. Le Sénéchal, gifle alors la pucelle qui avait ri - c'était la première fois depuis 6 ans...
A cet instant Perceval - lequel ne connaît toujours pas son nom - et qui, jusqu'à là, n'avait aucune attention pour le sort de quiconque lui racontait ses déconvenues ou misères, est outré par le geste indigne du Sénéchal. Après le combat dont il sort vainqueur, contre le chevalier Vermeil, il fera savoir que la pucelle giflée sera, par lui, un jour, vengée.
Ceci constitue le point de départ d'une prise de conscience d'autrui et de soi-même vis-à-vis d'autrui.
Dans le Perc(h)eval c'est la dérision qui oriente dans ce même sens car, à la fin de cette « bouffonnerie » le roi Arthur semble avoir glissé dans une autre dimension spatio-temporel... et c'est de conduite qu'il est question... d'auto-conduite...
Alors, si vous n'avez encore pas lu « Le Roman de Perceval ou le conte du Graal » de Chrétien de Troyes, je vous invite ici à le lire ainsi que les autres œuvres s'en inspirant à la suite. Vous constaterez, qu'au-delà des éclats de rire, beaucoup de Sagesse s'insinue dans cette extraordinaire épopée, générant une fresque grandiose sur la chevalerie courtoise, épique et surtout initiatique.