le grand souci de notre temps, le notre, celui de nos semblables, c'est : comment gravir les échelons pour appartenir à la frange supérieure de la société, faire partie des élites qui ont brillamment réussi, et qui tiennent les leviers de commande d'entreprises, d'administrations et des mouvements politiques qui chapeautent et ordonnent plus ou moins directement le déroulement de nos existences ?
En tout, l'excellence est le mot d'ordre pour supplanter ses concurrents, proches ou distants… être le meilleur, se faire remarquer, afficher sa superbe, sa supériorité en dépit de toutes fausses modesties bien au-delà des humilités si insipides... cela se retrouve dans tous les actes de la vie présente et maintenant cela sature les pages web des réseaux sociaux.
Cela commence à l'école où, d'élève, on se doit d'être bon élève puis le meilleur élève... mais aussi d'afficher son standing avec ses atours et équipements... vêtements, objets. Il faut déjà se distinguer, faire partie de ceux qui ont du bien et de l'aisance. Et dans la cour, avoir sa cour, son auditoire, ses admirateurs et admiratrices. Bien sûr, en sport aussi, il faut absolument se faire remarquer en faisant montre de prouesses, tout ceci fait partie du jeu des futures élites...
Parce qu'en dehors de ce statut qui vous fait tenir le « haut du pavé » qu'êtes-vous, sinon des personnes transparentes, bien communes et vite considérées comme ringardes, vous classant alors au rang des insignifiants...
Dans bien des domaines, nous sommes à l’ère des défis qui s'affichent et se relèvent sur tous les tableaux et écrans de la communication. Briller, il faut briller absolument !... Montrer qu'on en a, qu'on n'a peur de rien, que pour nous, appartenant bientôt à élite, tout est possible, que nous sommes des modèles de courage, de dynamisme, des « bêtes » de savoir et de savoir-faire.
Alors, parce que l'on s'est particulièrement distingué, on accède aux marches supérieures de la hiérarchie sociale, on devient un nanti, un riche, un personnage envié et, en conséquence, on affiche sans retenue, les marques de cette réussite et, par ce biais, en même temps que sa haute réputation, on assoit aussi son pouvoir.
On fait sa place parmi les grands et dès lors, nos fréquentations nous éloignant du commun des mortels, nous ne restons qu'entre gens de valeur particulièrement honorable qui jouissent d'une parfaite considération, en regard de leur réussite et de leur fortune...
Pour ceux se situant aux rangs inférieurs, on exerce parfois sa commisération mais aussi sa condescendance car, en réalité, on n'a que faire de leur sort. L’élite ne s'abaisse pas, ne s’apitoie pas, car celui qui a brillamment réussi sait qu'il le doit à lui-même, que son talent, sa pugnacité, sa perspicacité, sont à l'origine de son ascension fulgurante et que celle-ci, est totalement méritée.
Les autres, en-dessous, ceux-là, n'ont pas fait le même effort et ils n'ont pas les qualités exceptionnelles, ces dons, particuliers, cette envie de réussir et de se surpasser, ils n'ont aucunement ce goût pour l'excellence, alors c'est juste qu'ils soient restés en plan, qu'ils végètent dans leur vie étriquée, essuient les plâtres de leur médiocrité et c'est donc normal, que parfois, ils touchent le fond...
L'égalité des chances, c’était bien ce qu'on leur avait proposé, en entrant dans l'école de la République, ils n'ont pas su en user, se contentant d'assister aux cours distraitement, ne s’impliquant jamais dans cet apprentissage des savoirs en omettant toute l'application requise dans l’accomplissement des exercices qui le façonnent. Ils n'ont pas suivi attentivement les exposés, retenu les leçons dispensées, n'ont pas fait preuve de rigueur pour s'instruire et composer, alors, la place qu'ils occupent maintenant dans la société, est celle qui correspond à leur défaut d'assiduité et à leur piètre engagement dans le cursus scolaire conduisant du primaire à l'université...
L'élite saisit toutes les opportunités, le médiocre se contente des aléas au jour le jour, l'insignifiant ne se propose pas de parcours, il va, bon an mal an, au gré, des événements.
Le constat est simple il y a une frontière entre leurs univers respectifs. Élite ou insignifiant, à chacun sa rue, à chacun son camp... on ne mélange pas !...
Vous trouverez sûrement ce bilan trop négatif, ces propos bien amères et pas forcément justes ni vraiment objectifs, lorsqu'ils montrent du doigt l'élitisme, stigmatisant ceux qui ont réussi sur les bancs scolaires et qui ont fréquenté amphithéâtres d'universités, classes supérieures des plus grandes écoles, puis sont sortis major de leur promotion...
Bien sûr, vous avez raison, ce n'est pas bien d'être l'adversaire de ce qui élève, rend meilleur et récompense le travail si assidu et intense de jeunes qui aspirent à savoir toujours plus et à faire toujours mieux. On n'a pas le droit d'être contre cela, contre le mérite qui sanctionne leur parfait engagement dans l'apprentissage, leurs louables motivations et la recherche d'excellence à travers leurs résultats. Tout ceci est fort respectable.
Mais si, égalité des chances au niveau de ce qui peut être acquis, il y a, effectivement, sommes-nous, de par l'inné puis, par le destin, aussi égaux ?
Est-ce qu'un programme d'apprentissage qui serait le même pour Tous, servi par une pédagogie, la meilleure soi-telle, suffisent et conviennent à autant d'élève aux capacités, aux dispositions, aux milieux sociaux, marqués d'autant de différences tenant à ces critères ci-avant énoncés, qui font de chacun un cas particulier ? Peut-on, sur ce plan, vraiment parler d'égalité ? Est-ce juste d'envisager ainsi, tout devenir humain, sous ce plan de l'égalité, sans tenir compte des différences liées à l’individu et à sa situation toujours particulière ?
N'est-ce pas là, dans ces domaines de la pédagogie et de la formation, que nous avons véritablement et je dirai, impérativement, des progrès considérables à faire.
Ceci revient à dire : cessons de vouloir produire des élites (celles-ci se distingueront et feront toujours leur chemin vers le haut de par leur extraordinaire disposition à apprendre) envisageons plutôt une pédagogie qui prenne en compte le facteur humain chez chaque élève … il ne s'agit pas que de lui faire apprendre mais aussi de le faire s'épanouir à partir de ce qu'il est comme personne, de ce qu'il apporte d’original, de ce qu'il peut et veut comprendre, et de ce que l'on reconnaît en lui comme réelle aptitude à progresser. Un enseignement qui s'appuie sur la dimension humaine de chaque élève (même ayant des difficultés de compréhension mais qui, en outre, a aussi des envies d'apprendre insoupçonnables au premier abord), devient aussi l'enseignement pour la classe entière. Une attitude expansive qui, du centre, (l'individu) va vers la périphérie (le groupe ou collectivité)...
Il ne s'agit pas, dans la société, d'occuper un rang forcément élevé mais de trouver sa place pour s'y trouver bien et s'y épanouir, quelque soit le degré de responsabilité professionnelle qui nous incombera à l'avenir, en sortant de l'école et pour cela, au gré des matières à enseigner - il n'en est aucune qui puisse être considérée comme élitiste - il ne saurait être question de tirer l'ensemble vers le bas mais, depuis le bas, d'aller plus haut graduellement, harmonieusement, humainement...
Autre considération sur l'Elite ...
Léa Touch Book: Interview de Joelle Charbonneau - L'Elite (Macadam)
Je remercie Joelle Charbonneau d'avoir accepter cette interview, vous pouvez déjà retrouver mon avis sur les deux premiers tomes de sa trilogie extraordinaire par ici Qu'est-ce qui vousa donné ...
http://leatouchbook.blogspot.fr/2014/06/interview-de-joelle-charbonneau-lelite.html
Qu'est-ce qui vous a donné l'idée d'écrire l'Elite? Le concept de mon livre est venu du travail effectué avec mes étudiants. Pendant des années, j'ai travaillé de manière approfondie avec eux alors qu'ils préparaient les tests d'entrée pour l'université. J'ai remarqué que la pression que subissaient nos lycéens n'avait jamais été aussi élevée. Le besoin d'être meilleur et plus intelligent que les autres étant vivement ressenti. Les élèves sont totalement conscients du fait que chaque réponse qu'ils donnent peut avoir un impact sur la qualité de leur avenir. Certains de mes étudiants tiennent la pression mieux que d'autres et ce n'est jamais facile de voir un étudiant bafouiller. L'enseignante et la mère en moi ne peut s'empêcher de s'inquiéter concernant le niveau demandé qui atteint des sommets, ce que la jeunesse ne pourra bientôt plus supporter. L'écrivain en moi s'est donc demandé jusqu'à quel point ce processus pouvait empirer et quelles épreuves un monde futuriste pourrait mettre au point afin de sélectionner la nouvelle générations de dirigeants. Et c'est ainsi que L'Elite est née.